Test également disponible sur : PS4

Test Death Stranding : Hideo Kojima a-t-il vraiment réinventé le jeu vidéo ? L'heure du verdict

Test Death Stranding : Hideo Kojima a-t-il vraiment réinventé le jeu vidéo ?
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La Note
note Death Stranding 18 20
Quel exercice difficile que celui d’analyser ce Death Stranding tant convoité, tant redouté ! Hideo Kojima n’avait déjà plus grand-chose à prouver et le voici de nouveau à l’œuvre, réalisant un tour de force absolument remarquable en établissant ni plus ni moins qu’un style de jeu unique à la frontière des genres. Pleine d’audace tant dans sa volonté d’apporter quelque chose de neuf qu’en édifiant un univers monstrueux et tangible, cette aventure au casting brillamment honoré ne laisse pas indifférent. Pour autant, certains défauts de rythme et de gameplay ou, même, ce concept tellement atypique risquent de lui valoir l’incompréhension et la division de sa communauté : ici, le studio nippon livre une pépite totalement originale à ne pas forcément mettre en toutes les mains, exigeant une véritable sensibilité artistique et une implication personnelle de tous les instants. Death Stranding, c’est un grand oui pour son parti pris, son ambiance, son récit puissant et sa force de conviction indéniable qui le placent d’avance parmi les jeux vidéo les plus insolents de la génération. Et bien que l’on y ait toujours quelques reproches, le cran de l’illustre développeur et de son équipe leur vaut des éloges de la plus grande légitimité.

Les plus
  • Un concept réellement osé et novateur
  • Une ambiance absolument délicieuse
  • Un univers justifié de bout en bout et incroyablement étonnant
  • Un sacré scénario (par contre, il va falloir s'accrocher)
  • L'aspect communautaire épatant
  • Un jeu d'acteur puissant
  • Quelques panoramas photoréalistes
  • Un parti pris tellement intrépide !
  • Une OST poétique et finement sélectionnée
  • Des scènes émouvantes placées au bon moment
Les moins
  • C'est atypique et donc à ne pas mettre en toutes les mains
  • Des passages à vide possiblement ennuyeux
  • Des problèmes de collision et d'animation
  • Des combats beaucoup trop simples
  • Parfois un manque à gagner dans l'écriture et la mise en scène in-game


Le Test

Indéniablement, Death Stranding est un phénomène comme il en existe rarement dans l’industrie vidéoludique. Depuis l’annonce du projet, l’excitation, la trame, le mystère savamment entretenus par l’illustre Hideo Kojima ont propulsé sa campagne de communication dans les hautes sphères du milieu. Une politique marketing minutieuse, presque dangereuse pour le réalisateur japonais qui a failli s’en brûler les ailes : l’homme tiendra-t-il réellement son discours ? Comprend-il seulement lui-même son jeu ? L’appréhension autour de Death Stranding est presque devenue un sujet à part, rythmant les discussions ci et là pour, à terme, trouver une réponse lors de la sortie finale. Et ce débouché se découvre assurément dans l’aventure étonnante que nous sert Kojima Productions : oui, tout trouve un sens une fois le jeu lancé et, non, les développeurs nippons ne se sont pas égarés. Death Stranding est, d’avance, ce que l’on peut appeler un alien, une bizarrerie étrangement attirante au concept initiateur, une bouffée d’air frais sacrément oxygénée à faire tourner la tête. C’est aussi, certainement, l’un des sujets les plus compliqués à traiter et à noter, une expérience quelque peu déconcertante par son propos totalement atypique et ce qu’il tente d’apporter au Dixième Art. Oui, Death Stranding mérite que l’on parle de lui, ne serait-ce que pour sa vision unique de voir les choses et sa prise de risque infiniment audacieuse. Alors, posons-nous paisiblement… et parlons-en.


Death StrandingVéritable touche-à-tout, amoureux du jeu vidéo et  cinéphile convaincu, Hideo Kojima est-ce que l’on peut appeler le mur porteur de Death Stranding. Après une vingtaine d’années à perfectionner sa recette chez Konami, façonnant l’une des plus grandes sagas de tous les temps et gagnant l’estime profonde d’une communauté ultra-solide, le développeur s’impose aujourd’hui comme une figure de proue culturelle, prenant un tout nouveau tournant avec la fondation de son propre studio, Kojima Productions, confortablement basé au Pays du Soleil Levant. Là-bas, le cadre planté a permis à la star et son équipe de quatre-vingt personnes – c’est honnête mais pas faramineux – de digérer les affaires du passé et, surtout, de rebondir avec un tout nouveau projet. Death Stranding est effectivement né sur les cendres de Metal Gear mais aussi de Silent Hills, projet tristement mort dans l’œuf qui prenait déjà Norman Reedus comme porte-étendard.

 

On savait Kojima et sa team doués pour constituer des backgrounds puissants mais celui de Death Stranding est d’une solidité à toute épreuve, une véritable claque sur la durée pas forcément des plus évidentes à encaisser.

 

Death StrandingLes travaux entamés et la masse de savoir accumulée ont permis l’aboutissement d’une chose autrement plus singulière, reposant sur des bases totalement nouvelles dans un univers totalement nouveau. Si vous pensiez n’avoir rien compris du jeu jusqu’à maintenant, c’est tout à fait normal et volontaire de la part de Kojima : Death Stranding n’est pas un cheval facile à dompter, il demande du temps et de l’implication. Se lancer dans Death Stranding, c’est se prendre en pleine face un raz-de-marée insolent d’informations, de mécaniques et de termes uniques à assimiler pour aborder dignement son monde énigmatique. Un univers cohérent de bout en bout, méticuleusement écrit et pensé par Kojima San lui-même, mais aussi Hitori Nojima, auteur mystérieux des romans Metal Gear Solid, venu épauler le patron pour l’occasion.

"L’AUTRE EXPLOSION"

Death StrandingAvant tout chose, il semble nécessaire de préciser que dans un souci de protection, nous ne pouvons pas trop aller dans les détails scénaristiques : c’est non seulement une demande directe de Sony à notre égard mais aussi une réelle question de respect. Death Stranding est un titre qui se savoure sur la durée et qui exige la volonté d’en comprendre les tenants et aboutissants par soi-même, autant nous ne nous risquerons pas à vous mâcher le travail et vous gâcher de potentielles surprises, même minimes. Ce conte post-apocalyptique se situe dans un avenir proche, dans un monde décimé par un phénomène surnaturel tout à fait mystique. Dans ces Etats-Unis d’Amérique brisés et abandonnés, la civilisation continue d’exister en tant que bien que mal avec un gouvernement officiel en détérioration mais plein de bonne volonté. Sam Porter Bridges, personnage principal incarné par Norman Reedus, est d’ailleurs le fils adoptif de la Présidente : celle-ci lui confie une mission de la première importance, retrouver sa fille Amélie (sa sœur à lui, donc), personnifiée par Lindsay Wagner, pour lui succéder au Bureau Oval.

 

Death StrandingLe problème, c’est qu’elle se trouve à l’autre bout du pays, tout à l’ouest, et Sam devra donc traverser le territoire par ses propres moyens : on lui demande également de reconnecter entre eux les points centraux de l’Amérique grâce au réseau chiral, une technologie fictive permettant le transfert de données à une vitesse révolutionnaire et, ainsi, rebâtir la Nation pour consolider l’avenir. Suite aux sombres événements qui ont broyé la société, il va sans dire que le monde de Death Stranding est particulièrement hostile : les Échoués, ces silhouettes menaçantes avalant leur proie dans une affreuse poix, peuplent désormais les landes ; la pluie accélère le vieillissement de tout ce qu’elle touche, devenant ainsi létale ; des bandits, les « MULEs », et des terroristes mettent aussi le pays à feu et à sang. Quelques survivants subsistent mais, sans l’aide du gouvernement et de son réseau chiral, ils survivent tous de façon indépendante et déconstruite, empêchant toute forme d’évolution du pays.

DELIVEROO BE LIKE

 

Death StrandingC’est dans cet univers grisâtre qu’intervient également une autre idéologie pour le moins farfelue : la livraison. Avant que la société ne s’écroule, celle-ci s’articulait autour d’une science fondamentale, celle de la logistique, un domaine vital permettant aux hommes de communiquer, de se sentir vivants et utiles au milieu d’une technologie ayant quasiment remplacé tous les corps de métier. Alors que les drones s’imposaient comme les facteurs lambda, de nombreuses personnes ont commencé à se sentir si inutiles qu’un mouvement populaire s’est fondé, aussi bien que le gouvernement a décidé de réintégrer ces citoyens dans ce circuit professionnel précis. En résulte un culte tout particulier pour la livraison, plus encore après l’épisode apocalyptique où le geste d’apporter un objet à son destinataire est devenu le seul moyen de reconnecter les gens entre eux. Une composante sur laquelle s’appuie tout le game design mais dont nous parlerons plus tard : il est en tout cas impressionnant d’avoir un jeu avec un tel parti pris – c’est même particulièrement déroutant et totalement original.

Tout d’abord, il y a ce choix forcément amusant d’opter pour un casting cinq étoiles [...] qui apporte une certaine plus-value médiatique évidente. Chaque personnage a en plus la chance d’être dignement exploité au travers d’un chapitre qui leur dédié : tous ont leur rôle bien défini et une personnalité travaillée, occasionnant certaines scènes particulièrement émouvantes.

 

Death StrandingOn savait Kojima et sa team doués pour constituer des backgrounds puissants mais celui de Death Stranding est d’une solidité à toute épreuve, une véritable claque sur la durée pas forcément des plus évidentes à encaisser. Les vingt premières heures de l’aventure se résument à un tutoriel gigantesque, une leçon demandant patience et rigueur tant sur les concepts de jeu que le lore et son vocabulaire. S’aventurer dans Death Stranding, c’est sauter à pieds joints sur un terrain sauvage, loin de toutes connaissances que l’on a de notre société et de ses valeurs actuelles. Jouer à Death Stranding, c’est s’ouvrir corps et âme à des thématiques auxquelles nous n’avions que rarement pensé ; c’est explorer une mythologie fictive portée sur l’histoire humaine, sa relation avec l’environnement, les liens qui connectent les personnes entre eux, à leur passé, leur avenir et, surtout, le rapport à la mort. La grande force des scénaristes est assurément d’avoir trouvé des réponses à toutes les questions qui pouvaient se poser manette en main : absolument tout est justifié et cela vaut également pour des systèmes précis de level design ou de gameplay pourtant élémentaires. Rien n’est laissé au hasard. Cette volonté éclatante de bâtir un jeu de la plus grande pertinence possible force le respect et permet aux développeurs d’agir sans avoir à craindre certains reproches.

C’EST LA MER NOIRE

 

Death StrandingCette profondeur du monde remarquable se fait essentiellement à travers les dizaines et dizaines de notes textuelles et autres e-mails optionnels : il parait donc essentiel d’y jeter régulièrement un œil pour ne rien perdre de vue. Pour ce qui est de la trame elle-même, autant dire qu’il s’agit d’une des poutres maitresses de l’aventure. Tout d’abord, il y a ce choix forcément amusant d’opter pour un casting cinq étoiles – Norman Reedus, Lindsay Wagner, Madds Mikkelsen, Léa Seydoux ou même les réalisateurs Guillermo Del Toro et Nicolas Winding Refn – qui apporte une certaine plus-value médiatique évidente. Chaque personnage a en plus la chance d’être dignement exploité au travers d’un chapitre qui leur dédié : tous ont leur rôle bien défini et une personnalité travaillée, occasionnant certaines scènes particulièrement émouvantes. Plus que jamais, les concepteurs japonais démontrent qu’ils savent écrire et, si certains passages s’avèrent peut-être un peu forcés, la globalité du scénario est un délice absolu dont le dernier tiers s’avère majestueux.

Souvenez-vous, Hideo Kojima affirmait que son bébé était un "Social Strand System ou, plus simplement, un Strand Game". Un terme qui soulève légitimement beaucoup d’interrogations : dans quel genre officie concrètement Death Stranding ? Est-ce un jeu d’action ? D’infiltration ? Si l’on veut se rattacher à un style déjà connu plutôt qu’à celui prononcé par le développeur, on aurait tendance à dire qu’il s’agit d’un titre d’aventure aux fortes composantes communautaires.

 

Death StrandingBien que Death Stranding soit un jeu vidéo, c’est aussi une expérience narrative, parfois cinématographique, à l’ambiance fameuse et aux dénouements brillants. Le travail effectué sur Metal Gear Solid se ressent : on y trouve quelques plans séquences bien sentis et d’autres références dantesques y figurent. Alors, bien sûr, il va falloir s’accrocher car le pourquoi du comment des différents retournements de situation demande une attention irréprochable : on ne le répètera jamais assez, mais la première moitié de jeu peut être rebutante avec une tonne de détails et de concepts à absorber, ce qui n’est pas sans rappeler certains ténors du même acabit comme BioShock. De même, celle-ci souffre d’un rythme résolument lent – presque un passage à vide, diront certains – servant justement de banc d’essai avant une montée en tension exquise. Lorsque l’on ressort de Death Stranding après une cinquantaine d’heures de jeu, c’est normalement lessivé, épuisé de cette fiction dense, intelligente et clairement la plus mature de Kojima. Quel récit, mesdames et messieurs. Quel récit !

METTRE LES POIX SUR LES I

 

Death StrandingEn réalité, Death Stranding pourrait réellement s’avérer comme un jeu d’auteur malgré ses airs d’énorme exclusivité PS4 (d’ailleurs, le jeu sortira l’année prochaine sur PC). Ses longues cinématiques recherchées s’appuient régulièrement sur des plans somptueux ; la motion capture et le doublage occasionnent des jeux d’acteur admirables ; la bande-son, elle aussi, ne déroge pas à la règle avec des titres poignants parfaitement adaptés à cette ambiance délicieusement mélancolique. Bien sûr, il est fondamental de parler longuement et précisément du reste, qui font du titre un jeu vidéo et non pas un film interactif : sur ce pan tout particulier, Death Stranding est, plus que jamais, un véritable extraterrestre. Souvenez-vous, Hideo Kojima affirmait que son bébé était un "Social Strand System ou, plus simplement, un Strand Game". Un terme qui soulève légitimement beaucoup d’interrogations : dans quel genre officie concrètement Death Stranding ? Est-ce un jeu d’action ? D’infiltration ? Si l’on veut se rattacher à un style déjà connu plutôt qu’à celui prononcé par le développeur, on aurait tendance à dire qu’il s’agit d’un titre d’aventure aux fortes composantes communautaires.

 

Death StrandingLe game design de Death Stranding est tout à fait atypique puisque principalement basé sur la livraison, dont nous vous parlions plus haut. Sam Porter Bridges est, comme son nom l’indique, un « porteur » : son job est de faire parvenir des marchandises en bon état à leur destinataire dans un pays aux communautés fracturées. Sam est l’homme qui reconnecte aussi les peuples entre eux grâce à la technologie chirale, cette plateforme découverte après que le monde ait été quasiment anéanti et qui permet de transférer des données, d’explorer la matière de façon presque omnisciente et de la reproduire à distance quasiment instantanément. Grâce à cet outil révolutionnaire et la force de ses gambettes, Sam va traverser l’Amérique pour rejoindre des points précis, livrer le matériel vital demandé par des communautés, reconstruire la nation et retrouver sa sœur Amélie. Donc, concrètement, que fait-on dans Death Stranding ? On marche, beaucoup, en portant un tas de trucs sur son dos pour les faire arriver à destination. Et on est noté, à chaque livraison, pour cela et en fonction de nos performances de « porteur ».

LA MARCHE DE LA PEUR

 

Death StrandingVoilà, c’est dit. Avouez qu’il fallait quand-même une sacrée paire de balloches pour instaurer un tel concept sur autant de temps – on le rappelle, nous avons bouclé Death Stranding en une cinquantaine d’heures – sur un jeu d’un tel calibre. Qu’il s’agisse des missions principales ou des quêtes annexes, 90% des objectifs consistent à livrer des objets divers et variés comme des médicaments, des ressorts, de la nourriture et on en passe d’un point A à un point B. Parfois, quelques variantes auront lieu comme lorsque l’on doit transporter une bombe extrêmement sensible ou de une pizza avant qu’elle ne refroidisse. Là où le gameplay prend tout son intérêt, c’est qu’il va justement falloir se frayer un passage pour arriver à destination selon les moyens mis à disposition. Cela nécessite préalablement de se tracer soi-même son itinéraire sur la carte et, une fois en route, de poser des échelles ou des cordes de rappel pour passer à travers des régions géographiques difficiles d’accès. Au début du jeu, notamment, la région n’est pas sans rappeler certaines zones irlandaises avec d’immenses rocs acclimatés par la mousse végétale, des rivières translucides, des cascades et autres plaines à perte d’horizon. Les randonnées s’inscrivent vite dans cette fascination voulue du décor, cette osmose avec la nature puissante où les panoramas, qui s’appuient parfois sur une photogrammétrie sensationnelle et sans aucun aliasing, font décidément mouche.

Death Stranding est donc loin d’être irréprochable et, pour tout vous dire, de nombreux chapitres ont carrément commencé à nous taper sur le système…

 

Death StrandingVous nous demanderez donc : mais comment rendre la livraison et/ou la marche passionnante ? Question tout à fait normale à laquelle Kojima tente de répondre par un réalisme prononcé. L’inventaire étant totalement matérialisé – comprenez par-là que tous vos accessoires devront être portés physiquement par le héros – une première mécanique de gestion des objets s’impose, d’abord en répartissant intelligemment les objets sur notre corps. Puis, Sam a beau être sacrément solide, il ne pourra encaisser qu’une masse maximum sur le dos et c’est pourquoi plus il portera, plus il aura du mal à se mouvoir normalement. S’il court, s’il trébuche, s’il glisse alors que sa charge est un peu trop importante, il faudra alors presser L2 et R2 pour se rééquilibrer et ne pas tomber (et lorsque l’on tombe, toute notre cargaison se dilapide au sol) ; de même, ces deux gâchettes permettront de se tenir droit, de traverser des fleuves avec l’eau jusqu’à la poitrine ou de monter des collines. Bien sûr, il faudra faire attention à son endurance pour chaque effort donné et se ressourcer en temps voulu, soit en buvant de la Monster (véridique, un partenariat a été signé avec la marque de boisson énergétique !), de l’eau ou en se reposant tranquillement, à terre ou dans une des chambres privées qui serviront de HUB. En gros, afin de pimenter des éléments somme toute ultra-basiques dans le jeu vidéo, les développeurs ont poussé les curseurs du réalisme pour que la marche, la grimpette et autres notions de base exigent des actions particulières de notre part. De même, la pluie létale devient un obstacle qu’il faudra surmonter puisqu’elle abime notre inventaire : il faudra donc protéger le matos avec un spray colmatant ou, encore mieux, prévoir les conditions météorologiques pour les esquiver.

MARCHE OU CRÉE

 

Death StrandingForce est de constater que la sauce prend plutôt bien au début. Heureusement, Sam débloquera des outils de plus en plus perfectionnés pour l’aider dans sa quête : des exosquelettes, des chariots en lévitation et, surtout, des CCP, des sortes de terminaux permettant la construction d’objets fixes plus sophistiqués. Avec ceux-ci, notre porteur peut alors fabriquer des ponts gigantesques, des bases de repos, des générateurs électriques, des coffres publics ou carrément de véritables routes. Ces entreprises nécessiteront en revanche des ressources, parfois en grosses quantités, qui pourront être récupérées dans la nature ou auprès d’objets lambda récupérés et démantelés par ses soins. Intervient alors l’autre dimension capitale de Death Stranding, se rattachant au thème même du « lien » et de la « connexion » : lorsque Sam rétablira le fameux réseau chiral dans une zone après l’avoir traversé par ses propres moyens et à l’aide de ses propres constructions, ces dernières deviendront visibles et disponibles pour tous les autres joueurs… et vice versa. Concrètement, cela veut dire, par exemple, qu’une tyrolienne posée à un endroit précis par vos soins pourra être utilisée par les autres gamers dans leur partie et qu’ils pourront même vous attribuer des « likes » pour cela si le cœur leur en dit. Les terrains, d’abord vierges et bruts de décoffrage, tendront alors à se moderniser pour faciliter vos trajets et vos livraisons, et cela grâce à un effort général de la communauté.

Death StrandingDans un autre cas de figure, un ouvrage important ne pourra-t-être finalisé qu’au bon vouloir des joueurs qui se cotiseront pour achever sa construction, les ressources étant trop importantes pour être complétées rapidement seul. Des casiers seront également mis à disposition pour y mettre des propres fournitures, que l’on ne pourra jamais récupérer et alors disponibles au gré de tous. Toujours dans un souci de bonne volonté, les joueurs pourront même laisser des stickers un peu partout pour avertir d’un danger quelconque sur la map, conseiller tel type d’installation à tel endroit ou simplement laisser un message un peu plus fun et léger. L’entraide est au cœur du système de Death Stranding, venant enrichir le level design sur la durée et favorisant l’entraide indirecte. Le système de likes est d’ailleurs la seule vraie récompense que l’on obtiendra durant notre aventure soit grâce à nos constructions, soit à nos livraisons réussies, faisant monter notre niveau de porteur selon des critères bien précis : on obtiendra ainsi des bonus en fonction des niveaux accumulés, faisant de nous un bien meilleur livreur qu’auparavant.

FRAGILE EXPRESS

 

Death StrandingToutes ces idées foncièrement originales font de Death Stranding un jeu intelligemment novateur. À n’en pas douter, Hideo Kojima et son équipe proposent là quelque chose de jamais vu auparavant, une aventure entièrement basée sur la livraison avec cette force de proposition étonnante à partager ses créations avec des joueurs que l’on ne verra jamais et à en apprécier les interactions. La prise de risque est indéniable et, pendant de longues heures, nous nous sommes franchement demandés à quel genre de sorcellerie nous avions à faire : délivrer des colis avec cette petite sensation enivrante, celle d’avoir fait un travail bien fait dans un environnement farouche et d’avoir réussi à l’apprivoiser, c’est assez hypnotisant et assez pour se poser des questions sur soi-même. Toutefois, et parce que personne n’est parfait, Death Stranding souffre aussi de quelques rudiments qui peuvent définitivement repousser beaucoup de gens. Tout d’abord, la répétitivité des tâches demandées : certains prendront le raccourci de dire que l’on fait le facteur pendant cinquante heures et… ils n’ont pas totalement tort. En ligne droite ou même si l’on s’attèle aux missions secondaires, le titre de Kojima Productions peut souffrir de longueurs difficiles à encaisser où l’on devra faire un nombre incessant d’allers retours et de trajets seuls pauvrement rythmés et faiblement scénarisés.



Death StrandingCes phases servent bien sûr à se faire la main sur une interface particulière et compliquée à adopter ainsi qu’à bien comprendre tous ces rouages déstabilisants. Il y aussi l’excuse d’être en communion avec la nature et le vide, de prendre le temps de réfléchir sur soi-même : le fait est que, oui, il y a un risque d’ennui à prévoir. De plus, le monde de Death Stranding s’appuie très vite sur une direction artistique lunaire avec, certes, quelques biomes différents mais toujours cette base rocailleuse, brumeuse et résolument vide qui ne décrochent pas assez souvent la mâchoire. Assez rapidement, le jeu montre ces quelques faiblesses, celle d’un open world relativement creux qui n’arrive pas forcément à fidéliser sur la durée : encore une fois, il s’agit de prendre avec des pincettes ce genre d’argument puisque cela dépend de la sensibilité de chacun et, aussi, même ce manque d’organisme est justifié scénaristiquement. À notre sens, quand un titre mise autant sur la traversée, seul, de ses décors, ceux-ci se doivent d’être des personnages à part entière en proposant d’avantage de punch, de panoramas et de vie. Death Stranding ne joue pas vraiment dans cette catégorie là et ses longues heures de trajet souffrent aussi d’un certain manque à gagner dans l’écriture.

Death StrandingEn effet, sur autant de temps de jeu, il est dommage de n’avoir quasiment jamais d’interactions avec nos alliés par radio : les Japonais nous ont prouvé là qu’ils savaient écrire et aborder des thématiques intéressantes, alors pourquoi ne pas avoir profité de ces longs moments pour creuser la chose ? Bien sûr, la solitude est un point clé de Death Stranding car c’est cela qui permet de mieux souder les citoyens ensemble à la sueur de son front ; pour autant, il n’était pas impossible d’inclure une heure ou deux de dialogue in-game et d’avoir, pour le reste, une très, très large majorité de mutisme volontaire. Il en est de même pour les rares PNJ qui nous accompagnent sur les routes, qui ne déblatèrent presque pas alors que l’occasion était toute donnée. Pareillement, les musiques programmées (et merveilleusement choisies, on applaudit) à des moments précis de nos parcours ont indéniablement le don d’apporter une couche de poésie très juste et adaptée : dommage seulement qu’elles se déclenchent parfois les vingt dernières secondes du périple (sur vingt minutes de trajet, n’y a-t-il pas un problème ?) ou qu’un lecteur MP3 ne soit pas disponible en jeu pour assaisonner nos sessions comme bon nous semble. C’est assez dommageable car, d’avance, Death Stranding n’est pas un jeu mainstream et ces features auraient permis d’adoucir l’intégration du jeu auprès du grand public ou même auprès de ceux qui n’ont pas la sensibilité exacte demandée. Il parait donc assez juste de dévorer Death Stranding modestement et pas forcément enfermé chez soi une semaine durant, comme pour les conditions du test réalisé ici-même, ce qui a un fort potentiel de rebut pour les moins initiés.

UNE GRÈVE HISTOIRE DU TEMPS

 

Death StrandingNous les avions cités auparavant mais les Échoués sont également une part importante de l’aventure : ces silhouettes noires énigmatiques et mortelles errent dans des zones précises que, plus d’une fois, Sam devra traverser pour mener ses livraisons à bien. Alors, le jeu rentre dans une sorte d’infiltration où l’esquive est primordiale grâce à l’odradek, ce radar attaché à l’épaule qui se chargera non seulement d’analyser l’environnement mais aussi de repérer les ennemis. Pour cela, il est connecté au « brise-brouillard », plus communément appelé « BB », ce nourrisson tranquillement logé dans un bocal prévu à cet effet et qui s’avère évidemment important dans l’histoire. Un petit être dont on devra prendre soin en lui faisant éviter l’épuisement, du moins si l’on veut continuer à percevoir les Échoués pour ne pas aller malencontreusement au corps à corps. Si tel est le cas, si Sam se fait repérer puis attraper par ces créatures agressives, une phase de combat s’engage alors dans une situation pour le moins originale où une arène faite de poix et de surfaces solides vous opposent à votre ennemi.

Impressionnant visuellement, cette confrontation n’est malheureusement que picturale puisque les combats s’avèrent, en réalité, particulièrement faciles. On ne se sent que très, très rarement en danger...

 

Death StrandingImpressionnant visuellement, cette confrontation n’est malheureusement que picturale puisque les combats s’avèrent, en réalité, particulièrement faciles. On ne se sent que très, très rarement en danger et si l’on dispose de l’arsenal nécessaire, ce qui devrait être forcément le cas pour moult raisons dont on devra traire la nature, ces Échoués mordent la poussière facilement et, pire, s’avèrent assez mous du genou. Quelques phases plus TPS viendront dynamiser rarement le jeu mais, encore une fois, dans une simplicité regrettable. Il en est de même pour tous les ennemis humains, des «MULEs » souhaitant vous voler votre cargaison ou des terroristes aux dessins plus meurtriers, que l’on peut aisément mettre à terre ou contourner : on vous conseille donc d’opter la plus haute difficulté, qui devrait combler quelque peu cette facette du jeu clairement bancale. Cela n’empêche pas pour autant certaines phases d’actions, surtout contre les échoués, d’être franchement fascinantes dans leur mise en scène… à défaut de mettre la pression.

PASSER LA SIXIÈME

 

Death StrandingCes petites coquilles ne sont pas les seules : parfois, le jeu pèche un peu sur son aspect graphique, notamment sur certaines textures, sur des modélisations de bâtiments ou sur des effets aquatiques étrangement en deçà du reste qui, lui, tient particulièrement bien la route. Bien sûr, il ne faut pas oublier que la direction artistique s’inscrit volontairement dans un éventail colorimétrique restreint, même assez triste, qui n’embellit pas toujours l’intégralité du monde établi. Pour Death Stranding, Kojima Productions est parti lorgner du côté des Pays-Bas en empruntant le moteur des Néerlandais de Guerilla Games, le Decima Engine, qui a servi pour l’excellent Horizon Zero Dawn. Le travail accompli par la firme nipponne est assez bluffant sur certains environnements rocailleux, tout comme sur les cinématiques où les personnages font preuve d’une énergie exemplaire et d’un sens du détail affriolant. En revanche, c’est sur le moteur physique et les animations in-game que l’on aura à redire avec des passages en véhicules souvent barbants : dans notre cas, nous avons été peinés plus d’une fois par des problèmes de collision ennuyeux ou un comportement insensé de notre moto ou camionnette. Le problème, c’est que l’on s’en sert très souvent – du moins, c’est à définir selon les préférences de chacun – et le gameplay et, donc, le plaisir de jeu en pâtit plus d’une fois.

Death StrandingDeath Stranding est donc loin d’être irréprochable et, pour tout vous dire, de nombreux chapitres ont carrément commencé à nous taper sur le système… jusqu’à ce que la trame commence sérieusement à se bouger les fesses. Car si le concept est clairement nouveau et qu’il fait preuve d’une profondeur impressionnante dans ses mécanismes, l’histoire et la façon fabuleuse de la raconter avec des propos forts et un mystère délicieux reste assurément l’atout qu’il maîtrise le mieux. Et s’il y a bien danger quant à la lassitude de plusieurs de ses épisodes, d’autres viennent apporter une bouffée d’air frais considérable qui relance totalement le rythme de l’aventure. Les fragilités évoquées plus haut sont, à notre sens, réelles et méritent d’être soulignées et font du soft un produit à ne pas mettre en toutes les mains : néanmoins, ses autres forces sont telles qu’elles le hissent clairement comme un chef d’œuvre ébouriffant dont on ne ressort pas indemne. De révélation en révélation, jusqu’au bout, le dernier quart prend aux tripes d’une façon brillante qui fait du tout une excellente surprise. L’OVNI Death Stranding est arrivé, nous a bien eu et, pour ça, on est prêt à fermer (un peu) les yeux sur ce qu’il aurait pu faire d’encore mieux.


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