Test Dead Island 2 : le plaisir coupable par excellence ? sur Xbox One
15 20
Dead Island 2 est l’exemple typique du jeu mi-figue mi-raisin, pour reprendre cette expression bien connue du XVIè siècle. Si l’on se réjouit de prime abord qu’un tel projet puisse être allé jusqu’au bout de sa finalité, et de constater que le résultat n’est in fine pas si mal pour un développement démarré il y a plus de 10 ans (et qui a connu bien des galères de production), on ne peut évidemment pas passer sous silence tout l’archaïsme de son game design. Qu’il s’agisse de la structure globale du jeu (plusieurs petites zones ouvertes très terre-à-terre, sans aucune possibilité de verticalité), son gameplay basique et répétitif, Dead Island 2 peut laisser pas mal de joueurs sur le bas-côté de la route. Malgré ces défauts majeurs, le titre de Deep Silver parvient tout de même à faire appel à nos instincts primaires, à savoir massacrer du zombie avec une telle violence graphique que ça en devient jouissif. Parce que oui, s’amuser avec un jeu imparfait, c’est aussi un plaisir qu’on a le droit d’assumer.
- Plutôt joli en fait
- Gore à souhait
- La technologie de démembrement des corps
- Grande variété de zombies
- Pléthore d'armes customisables
- Bon feeling dans les combats
- Jouable en coop
- Un jeu sans prise de tête
- Gameplay un peu raide...
- ...et qui manque de verticalité
- C'est quand même très répétitif
- Respawn abusif des zombies
- Pas de VF
Véritable arlésienne du jeu vidéo, le projet Dead Island 2 fut semé d’embûches, c’est le moins que l’on puisse dire. Entre les reboots de développement, les changements de studios et les galères de production, le jeu aura mis 9 longues années pour terminer sa gestation. C’est finalement le studio Dambuster, composé d’anciens membres de Crytek UK (anciennement Free Radical Design) ayant bossé sur Homefront The Revolution, qui a repris le développement en 2019 avec pour mission de sauver un projet maudit, mais aussi tenter de tenir une promesse aux joueurs : proposer un jeu dans lequel buter du zombie doit être synonyme de fun avant tout. Le plaisir est indéniablement là, mais la frustration aussi. On vous explique.
Avec cette production chaotique de 9 longues années, Dead Island 2 sonnait un peu comme le projet Frankenstein qu’on avait peur de découvrir à sa sortie. Mais selon les porte-paroles de Dambuster Studios (qui a repris le développement en 2019), il ne reste du jeu d’origine que le concept. Des propos difficiles à croire quand on voit à quel point le jeu porte encore les stigmates d’une époque révolue, surtout en termes de game design. En effet, pour un jeu annoncé en 2014 et jouable quelques mois après lors de l’E3 (on avait pu le prendre en mains à cette époque), le titre de Deep Silver ne semble pas avoir beaucoup changé, du moins dans sa proposition : celle de déglinguer un maximum de zombies dans la joie et la bonne humeur. D’ailleurs, Dead Island 2 ne se prétend jamais être autre chose qu’un défouloir gore et primaire, et c’est ce qui le sauve sans doute de l’exigence qu’on peut se faire d’un FPS en 2023. Plaisir coupable, c’est bien la meilleure façon d’exprimer notre sentiment envers un jeu qui ne pète jamais plus haut que son cul, et surtout qui ne se prend jamais au sérieux. Un ton léger qu’on retrouve pour commencer dans le scénario, prétexte à se retrouver dans un Los Angeles certes radieux, mais envahi de zombies, même dans les villas les plus huppés du quartier. Citoyens lambdas, policiers, pompiers, ou bien encore comédiens en crise d’égo, le virus n’échappe à personne, sauf une, vous, le joueur, immunisé – partiellement – contre la bactérie du zombie.
A ce propos, sachez qu’on a le choix de son personnage parmi 5 protagonistes (un sixième arrivera plus tard dans l’aventure) : Jacob, Dani, Ryan, Amy et Bruno. En plus de leur sexe, de leur look et de leur corpulence, chacun se distingue par ses capacités physiques. L’un est plus rapide, l’autre plus agile, celui-là plus puissant, alors que lui se montre plus résistant, telles sont les caractéristiques qui se distinguent de chacun, et votre choix va se porter selon votre façon de jouer, mais aussi selon vos affinités physiques avec le perso. En revanche, s’il y a bien une chose qu’ils ont tous en commun, c’est cette faculté à jouer sur la déconne et prendre cette invasion de morts-vivants presque à la rigolade. Pas étonnant qu’on on sait qu’ils sont tous immunisés contre les morsures de zombies et qu’on peut donc se lancer à l’assaut de Hell-A, et au sauvetage de l’Humanité californienne. Du moins ce qu’il en reste. Dead Island 2 ne lésine d’ailleurs pas sur les situations cocasses, souvent grotesques d’une Amérique en totale perdition et en décalage avec le reste du monde. Certains y verront même des ressemblances avec le côté satirique et désinvolte de GTA 5, et il est évident que Dambuster Studios s’est inspiré de ce dernier, sans jamais égaler la finesse d’écriture de Rockstar Games. Mais l’intention y est, et il est important de le souligner.
UN JEU FRANKENSTEIN ?
Tuer tout ce qui bouge dans ce Los Angeles ensanglanté, tel est donc le leitmotiv de ce Dead Island 2, qui surprend pour commencer par son rendu visuel. Après 10 ans d’attente, on pensait que le jeu ne serait pas à la hauteur des standards graphiques d’aujourd’hui, mais force est de constater qu’on s’était bien planté. Non seulement le jeu se permet d’afficher de très belles textures tout au long de son aventure, mais il se permet aussi de pousser à l’extrême le réalisme de décomposition des corps. En s’acharnant sur les zombies, on se rend compte qu’il est possible de leur imposer une multitude d’atrocités. On peut évidemment leur arracher chacun des membres, les décapiter, mais aussi leur infliger des blessures importantes, comme des fractures ouvertes, des éviscérations, des déboitages de mâchoire, des déchiquètements de chair et de muscle pour faire apparaître leur squelette, ou carrément leur exploser la tête au sol, ou leur perforer le visage d’un coup de poing destructeur. Vous l’avez compris, Dead Island 2 ne lésine pas sur la violence, et les développeurs ont mis un point d’honneur pour que le sang coule par hectolitre, repeigne les murs et le bitume d’un Los Angeles qui n’a jamais autant senti le cadavre putréfié. Là aussi, on peut évidemment parler de plaisir visuel coupable.
D’ailleurs, pour que l’hémoglobine gicle et que les viscères se déversent sur le sol, le joueur dispose d’une tonne d’armes avec lesquels il est possible de faire joujou. Barre à mine, clef anglaise, tuyau avec le bout contondant, grande machette, batte de base-ball, club de golf, poing américain, couteau de boucher, hache, pied de biche, katana, etc. Il s’agit avant tout d’armes blanches, puisque les combats se déroulent avant tout au corps-à-corps, les développeurs souhaitant une expérience brutale et viscérale où chaque coup porté doit se ressentir. A noter que chacune des armes qu’on peut trimballer sur soi n’est pas éternelle et dispose même d’une jauge de résistance, qui une fois épuisée entraîne la cassure et l’indisponibilité immédiate de l’arme. Heureusement, le jeu n’est pas avare en armes de fortune à ramasser au sol, sans compter qu’il est possible de les réparer sur des établis moyennant finance. En plus de réparer ses armes, il est aussi possible d’augmenter leurs performances en les faisant évoluer. On peut ainsi s’amuser à y greffer des mécanismes supplémentaires pour permettre par exemple à votre couteau de cuisine d’enflammer les ennemis, ou bien électrifier votre clef anglaise, pied de biche ou bien encore katana.
FIRE IN THE HOLE
Bien sûr, Dead Island 2 n’a pas oublier d’intégrer des armes à feu, mais elles ne seront pas accessibles d’entrée de jeu, et il faudra avancer un peu dans l’histoire avant de récupérer ses premiers pistolets et fusils d’assaut. De toutes les façons, les munitions seront rares, car les développeurs veulent empêcher les joueurs à prendre leurs distances avec les zombies. L’idée derrière tout cela, c’est de rendre les affrontements avec les zombies le moins redondant possibles. Forcément, avec un gameplay qui se limite à défourailler de l’undead, sans l’once d’une autre variété de gameplay, il faut à tout prix que le massacre soit le plus drôle possible. Dead Island 2 permet d’ailleurs de jouer avec les éléments avec une certaine cohérence, comme par exemple utiliser les flaques d’eau au sol ou les points humides pour électrifier les zombies et grandement les affaiblir. Prendre un bidon d’essence et asperger le sol permet de créer des barrières de flammes ; pratique là encore pour ralentir les zombies, bien qu’ils soient déjà lents dans leur nature. Il y a bien quelques sprinters dont il faut se méfier, car ils chargent par surprise, mais globalement, on a le temps de les voir arriver. Et de la même manière que la quantité d’armes mise à disposition du joueur, le nombre de variants de zombies force également le respect. C’était déjà l’une des promesses du jeu lorsqu’on y avait joué en 2014, et Dambuster Studios n’a pas failli à la tâche. On aurait quand même aimé un bestiaire plus imposant, parce que si les morts-vivants sont vraiment différents les uns des autres, ils appartiennent tous à 3-4 catégories différentes, pas plus.
De même, une fois qu’on a compris les failles du système, on se rend compte qu’il est possible de skipper parfois des pans entiers de zombies pour accéder directement à l’objectif demandé. Ce n’est pas toujours le cas, mais ça arrive bien souvent, la faute à la structure même du jeu, bien trop old school aujourd’hui. De toutes les manières, il est parfois inutile de vouloir nettoyer une zone entière, puisque ces derniers se mettent à respawner, parfois sous nos yeux, afin de continuellement mettre le joueur en danger. Mais là où Dead Island 2 est vicieux, c’est qu’en force d’éviter les vagues d’ennemis, on arrive au fameux plafond de verre, lié au level-scaling, qui pousse le joueur à faire des missions annexes pour permettre d’avancer dans le jeu. Parce que oui, le niveau de difficulté du jeu va de pair avec l’évolution de son personnage. Plus vous augmenterez vos capacités, plus les zombies seront coriaces et moins il sera possible de les esquiver, tant ils vous collent aux basques. C’est d’autant plus rageant que Dead Island 2 est un jeu « boots on the ground », avec aucune notion de verticalité. Il arrive qu’on puisse grimper sur le capot d’une voiture ou enjamber des barricades, mais rien de plus transcendant. C’est là où le jeu semble accuser le poids de ses années, et d’un développement débuté il y a plus de 10 ans. D’aucuns diront qu’il s’agit d’un jeu volontaire de la part de Dambuster Studios pour garder cette authenticité old school, mais très sincèrement, on y croit guère. Cela ne signifie en rien que certains joueurs ne prendront pas de plaisir, mais il faut tout de même admettre les limitations d’un tel choix de game design, sans compter la répétitivité des actions, malgré le nombre conséquent de variantes au niveau des armes et des zombies. Là encore, c’est la subjectivité qui l’emportera.