Test Crash Bandicoot 4 : un retour aux sources dignement maîtrisé
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- Un gameplay fidèle et quand-même fluidifié
- Des nouvelles idées de level design pertinentes
- Une architecture des niveaux délicieusement exigeante (surtout vers la fin)
- Une rejouabilité exemplaire
- Plusieurs personnages pour une diversité de gameplay bienvenue
- Un mode multijoueur léger mais sympathique
- Une direction artistique pétillante
- Une OST bien rythmée
- Graphiquement assez lisse
- Un scénario anecdotique et vraiment enfantin (est-ce vraiment un défaut pour un Crash Bandicoot ?)
Crash Bandicoot 4 It’s About Time est un chantier plus que risqué : il s’agit là de renouer avec les origines de Naughty Dog - et de facto avec le bonheur des fans - tout en les respectant avec une touche d’innovation évidente. Pour ce faire, Activision ne s’est évidemment pas armé du savoir faire des développeurs originels, qui appartiennent maintenant à Sony depuis bien longtemps, mais de Toys for Bob. Ce studio californien, notamment connu pour son travail sur Skylanders, a également accouché des refontes de Spyro Reignited Trilogy en 2018 et a déjà prouvé sa valeur plus d’une fois. Autant dire qu’avec le projet de Crash Bandicoot 4 à sa charge, tout le poids de l’héritage d’une licence culte repose sur ses épaules et l’erreur n’est pas permise. On vous rassure, les petits gars se sont sacrément bien débrouillés.
CRASH TEST
Comme son nom l’indique, Crash Bandicoot 4 est le quatrième chapitre de la saga : ce n’est pas une aventure parallèle, ni un reboot, mais bel est bien une suite directe de Crash Bandicoot 3 Warped publié sur PSOne en 1998. On retrouve donc le Dr. Neo Cortex, N. Tropy et Uka Uka, toujours emprisonnés dans une région obscure, cherchant depuis toutes ces années à trouver une sortie désespérée. Ils y arrivent finalement mais pas sans dégâts - le redouté frère maléfique d’Aku Aku se retrouve même hors-jeu - et créent un tas de failles dans l’espace-temps avec, inlassablement, un fougueux désir de conquête de l’univers. Pour les contrer, Crash et Coco devront alors récupérer quatre masques légendaires à travers les mondes et les époques, réparer le continuum et vaincre ces éternels méchants pour retourner à leurs occupations vacancières. Tout un programme appuyé d’une narration assez succincte, s’épaulant de quelques cinématiques légères et de dialogues humoristiques, qui fera office de fil conducteur pour des dizaines de niveaux au level design recherché. Crash Bandicoot, quoi.
Qu’on se le dise d’emblée, ce quatrième épisode est un hommage géant à la trilogie originelle : dès le premier niveau, le ton est donné et nous renvoie directement dans cette époque bénie des 90’s. La jungle emblématique de Crash, la musique, les ennemis, tout est là pour nous rappeler ces innombrables heures à esquiver fossés et créatures, DualShock à la main. Et pourtant, force est de constater que Toys for Bob a finement travaillé à moderniser son gameplay, et ce même depuis la N.Sane Trilogy de 2017 : les torpilles, les sauts, les double sauts, les glissades et toutes les mécaniques de caisses à bousiller font leur retour avec, toutefois, une fluidité largement revue à la hausse. Cela passe aussi par des animations retravaillées, offrant alors une jouabilité au poil, précise, facile d’accès et facilement lisible même pour les nouveaux venus. Après tout, le gameplay de Crash Bandicoot est une référence dans le jeu de plateforme depuis des décennies et ne nécessitait pas foncièrement de changements, si ce n’est une légère modernisation dans les déplacements et un ravalement de façade. Loin s’en faut, les développeurs ont tout de même tenu à apporter quelques nouveautés supplémentaires qui font de Crash Bandicoot 4 un véritable nouvel opus, et pas simplement une référence old-school qui aurait pu s’avérer fainéante. Au fil des niveaux, sectorisés par thème et époque - la piraterie, les dinosaures, l’espace, la jungle, le laboratoire, l’Asie et l’on en passe - et à la difficulté croissante, Crash et Coco récupèreront les fameux masques quantiques. Plus que de nouveaux personnages qui permettront de réparer l’espace-temps, ceux-ci offriront de nouvelles possibilités de gameplay qui changeront tout particulièrement la donne.
L’ORANGE LUI VA SI BIEN
Ainsi, dans certaines portions de niveaux bien définies, Crash s’équipera automatiquement d’un masque aux propriétés uniques. Par exemple, l’un permettra d’alterner entre les réalités, faisant apparaître et disparaître des éléments du décor comme des caisses ou des plateformes d’une simple pression de gâchette. Très vite, il est alors demandé de jongler entre une dimension et l’autre pour avancer dans les niveaux en 3D - qui comporteront toujours des sections en 2D, comme dans les jeux d’origine, ou des scènes sur rail et des courses-poursuites - et d’effectuer une certaine gymnastique mentale qui se complexifiera rapidement. Un autre masque permettra d’activer le tourbillon quantique, Crash se transformant en tornade destructrice capable de planer et de renvoyer l’énergie de certains adversaires. Une nouvelle fois, le level design exigera de maîtriser cette capacité à la perfection avec des sections particulièrement méticuleuses ; et encore, c’est sans compter sur le troisième masque inversant instantanément la gravité ou le quatrième ralentissant le temps pour quelques secondes. Vers la fin de l’aventure, lors des derniers niveaux, le level design exploitera toutes les particularités de tous ces items en plus du gameplay traditionnel pour des phases sincèrement difficiles mais Ô combien malignes et précises, démontrant tout le savoir faire des développeurs. Si l’on aurait bien aimé que certains masques soient un peu plus récurrents, on peut l’affirmer : Crash Bandicoot 4 fait preuve d’une architecture et d’un gameplay aux petits oignons. Et encore, ce n’est pas tout : trois autres personnages jouables sont également au casting.
Crash Bandicoot 4 installe une odyssée complète, solide et à la rejouabilité exacerbée.
Si Crash et Coco se jouent exactement de la même manière, le studio américain a tenu à apporter trois autre têtes bien connues : Tawna, l’inconditionnelle chérie de Crash, Dingodile, le traditionnel vilain ici passé du côté des gentils, et le Dr. Neo Cortex lui-même, que l’on ne présente plus (au cas ou, il s’agit du mec avec un énorme crâne, un tatouage frontal douteux et une jaunisse constante). Ces figures emblématiques ne pourront pas être joués dans les niveaux “principaux” mais disposeront de leurs propres levels, dispersés un peu partout dans les différents mondes et aborderont un gameplay unique. Tawna, femme forte au coup de pied renversant, disposera par exemple d’un grappin pour saisir les caisses à distance ou se tracter vers une plateforme ; Dingodile misera tout sur son canon-aspirateur, capable d’avaler comme de cracher des caisses et qui lui permettra même de planer sur de courtes distances ; le Dr. Neo Cortex, quant à lui, usera de son pistolet pour transformer les ennemis en plateformes, tantôt solides, tantôt rebondissants, pour avancer dans l’environnement. Encore une fois, ces trois bonhommes s’avèrent franchement bien édifiés et permettent surtout d’aérer le périple en demandant de réfléchir différemment lors de leurs niveaux respectifs, que l’on aurait d’ailleurs aimer plus nombreux encore. Et si l’on compte, en plus de cela, les niveaux old-school s’appuyant exclusivement sur une 2D exigeante, Crash Bandicoot 4 installe une odyssée complète, solide et à la rejouabilité exacerbée.
LE PLAISIR DANS LA DOULEUR
On ne le répétera jamais assez, mais Crash Bandicoot 4 est évidemment un jeu entièrement basé sur le scoring. Les bases restent inchangées : le but est, idéalement, de récupérer tous les fruits wumpa et de ne pas mourir pour s’attribuer un maximum de points en fin de niveau - en l’occurrence de gemmes, dont une est d’ailleurs cachée au sein même du level - lesquelles débloqueront des skins pour Crash et Coco. Bien sûr, les non-complétionnistes pourront simplement s’atteler à terminer chaque monde en ligne droite, ce qui ne demandera d’ailleurs pas de grand challenge, hormis lors des dix derniers, mais tout l’intérêt réside en le fait d’aller se démener et de se creuser la tête pour atteindre telle ou telle caisse, à ses risques et périls. Pas de doute, le soft représente ce qui se fait de mieux en termes de platformer traditionnel avec une difficulté parfois éprouvante, mais toujours bien ficelée grâce à un gameplay pertinent qui ne demande qu’à être maîtrisé parfaitement. Préparez-vous à mourir des dizaines et des dizaines de fois, jusqu’à vous en arracher les cheveux ! Histoire de corser davantage le défi, on débloquera pendant notre progression les niveaux N.Versed, revisitant les levels d’origine en étant inversés et en abordant, à chaque univers, un filtre graphique différent qui empirera la visibilité. Ainsi, on se retrouvera à jouer dans des couleurs négatives, en noir et blanc, tout en pixel et l’on en passe pour une difficulté qui, forcément, ira de pair avec ces déformations visuelles. Au final, Crash Bandicoot 4 ne demandera pas nécessairement beaucoup de temps pour être terminé - six heures pourront suffire, voire moins si vous ne vous attelez pas à la récupération des fruits Wumpa - mais inutile de vous rappeler que tout le principe d’un tel titre est définitivement de revenir sur ses pas pour tenter le 100%. Et là, croyez-nous, la durée de vie se voit largement décuplée.
Autre petit ajout loin d’être inutile : la présence d’un multijoueur local, comme le laissaient penser différents leaks. Premièrement, le mode Bataille de Bandicoots opposera jusqu’à quatre joueurs dans une course effrénée, le premier à terminer le niveau remportant évidemment la victoire. Deuxièmement, la possibilité de passer la manette à une personne présente - encore une fois, jusqu’à quatre - lors de chaque mort, de chaque checkpoint franchi ou des deux en même temps : un excellent moyen de partager son expérience solo et de rester scotché à plusieurs devant sa TV une nuit durant. Seul bémol, il aurait été judicieux de pouvoir jouer avec plusieurs manettes dans ce dernier mode au lieu d’avoir un pad unique à donner physiquement à son voisin. Ce n’est pas bien grave mais le système aurait simplement gagné en ergonomie : quoiqu’il en soit, ces petits ajouts sont plus que les bienvenus et aident à compléter l’expérience.
Résolument cartoon et plutôt mignonne, l’âme qui se dégage du jeu séduit on ne peut plus facilement.
Si Crash Bandicoot 4 est aussi plaisant à parcourir, c’est aussi parce qu’il dispose d’un charme visuel et auditif indiscutable. Sans éblouir et bien qu’assez lisse, la direction artistique s’avère colorée, pétillante et offre quelques panoramas réussis qui constituent un monde enchanteur dans tous ses environnements. Résolument cartoon et plutôt mignonne, l’âme qui se dégage du jeu séduit on ne peut facilement et s’épaule en plus d’une OST variée, funky et bien maîtrisée. Techniquement aussi, le titre est plutôt solide avec un framerate stable (mais que l’on aurait aimé à 60FPS) et aucun bug à déclarer : bref, il s’agit là d’un jeu franchement réussi qui parvient avec brio à renouer avec ses origines, tout en apportant la fraîcheur espérée. C’est, honnêtement, tout ce que l’on en attendait et l’on croise les doigts pour que les ventes suivent, histoire qu’Activison ordonne la gestation d’un cinquième acte sur les plateformes next-gen. D’ailleurs, notons qu’aucune microtransaction n’est inclue et que l’on espère bien que Toys for Bob n’hésitera tout de même pas à fournir du contenu gratuit et supplémentaire.