Test Call of Cthulhu (PS4) : faut-il succomber à son appel ? sur Xbox One
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Call of Cthulhu mise quasiment tout sur son ambiance, qui transpose avec efficacité dans l'univers du jeu vidéo les écrits de Lovecraft et le jeu de rôle papier de Chaosium. Si vous aimez les atmosphères sombres, humides et inquiétantes, le jeu de Cyanide ne manquera pas de vous séduire. En revanche, sachez que le gameplay protéiforme n'excelle dans aucun des domaines qu'il couvre (sans spécialement faillir non plus), et que l'aspect technique laisse à désirer sur plusieurs points. Les joueurs les plus grincheux pourront donc objectivement trouver matière à redire. Mais les jeux vidéo basés sur le mythe de Cthulhu n'étant pas légion, ils auraient tort de trop faire la fine bouche !
- L'ambiance Cthulhu
- Un gameplay varié
- Des environnements bien choisis
- Plusieurs manières de résoudre un même problème (parfois)
- Quelques bugs (caméra, dialogues…)
- Un gameplay jamais extraordinaire
- Des persos pas toujours très beaux
- Des choix qui n'ont pas de vraies conséquences (souvent)
Alors que certains univers et licences ont droit à de nombreuses adaptations vidéoludiques chaque année, d'autres apparaissent sur nos écrans de manière beaucoup plus sporadique. Le mythe de Cthulhu est clairement de ceux-là même si, hasard du calendrier, deux productions importantes nous ont alléchés ces derniers mois. En attendant la sortie de The Sinking City, signé Frogwares, en mars prochain, nous pouvons d'ores et déjà nous repaître du Call of Cthulhu de Cyanide Studio. En route pour une aventure pas tout à fait comme les autres !
Nous sommes à Boston en 1924, et Edward Pierce, vétéran de la première guerre mondiale, peine à trouver sa place dans le nouveau monde. Devenu détective privé sans grande conviction, il est en proie aux insomnies et, par conséquent, est également devenu accro à l'alcool et aux somnifères. Mais l'affaire Sarah Hawkins va le sortir de sa torpeur. Cette artiste peintre a péri avec son mari et son jeune fils dans un incendie dont les circonstances exactes restent à déterminer. Edward Pierce se rend donc sur la bien nommée île de Darkwater afin d'enquêter sur ce tragique événement. Ces quelques phrases auraient tout à fait pu servir d'introduction à un polar classique mais, fidélité à l’œuvre de Lovecraft oblige, le propos de Call of Cthulhu va bien au-delà des conventions habituelles. Monstres marins, cultes sacrificiels, divinités cosmologiques, forces surnaturelles et folie humaine sont ainsi de la partie. Ceux qui connaissent le mythe de Cthulhu apprécieront de retrouver cette atmosphère si particulière, et les autres auront tout simplement le plaisir de la découvrir. A l'occasion, on pourra observer dans les décors la présence de livres tels que Frankenstein de Mary Shelley ou encore Vingt mille lieues sous les mers de Jules Vernes, qui donnent une bonne indication quant à l'atmosphère du jeu. L'ambiance poisseuse est très correctement retranscrite, notamment grâce à des décors parfaitement adaptés à l'univers de Lovecraft : village en bord de mer, manoir séculaire, grottes suintantes, asile psychiatrique ou encore galerie d'art précolombienne. Les artistes ont réalisé un travail de qualité sur les environnements, même si l'Unreal Engine 4 n'est clairement pas poussé à son maximum. Mais c'est sur les personnages que l'aspect technique et artistique peine à convaincre. Leurs animations et modélisations paraissent parfois bien maladroites, le résultat étant très éloigné de ce que peuvent offrir les AAA du moment. Mais bon, il faut bien que les contraintes budgétaires des PME (petits et moyens éditeurs) se traduisent en jeu à un moment ou un autre.
CTHULHU FHTAGN
L'horreur chez Lovecraft repose beaucoup sur le non-dit et la psychologie. Dans ces conditions, et malgré sa vue à la première personne, Call of Cthulhu ne pouvait être un FPS. En vérité, il s'agit à la fois d'un jeu d'aventure, d'un jeu d'enquête, d'un jeu de rôle et d'un jeu d'infiltration. Chacune de ces composantes reste modeste et ne saurait rivaliser avec les meilleurs jeux du genre. Clairement, la production de Cyanide cherche à invoquer l'adage "Le tout est plus que la somme de ses parties". Et c'est effectivement le cas ici, le jeu dégageant une certaine singularité et forçant la sympathie alors même qu'il ne propose jamais rien d'extraordinaire. Les séquences d'infiltration sont rares et pas bien folichonnes, tandis que la scène de cache-cache avec un monstre n'arrive pas à la cheville d'un Amnesia ou d'un Alien Isolation. Les scènes de reconstitution, où l'on doit comprendre ce qu'il s'est passé en un lieu donné en analysant des indices et en faisant apparaître des images du passé, sont un peu plus louables, même si elles ne valent pas celles de Murdered : Soul Suspect ou The Vanishing of Ethan Carter. La composante jeu de rôle est au final la plus intéressante. Au fil de l'aventure notre détective gagne des "points de personnage", qu'il peut dépenser afin d'améliorer cinq compétences différentes. Force donne accès à des choix de dialogues plus "violents" et augmente les chances de forcer certains mécanismes. Grâce à Eloquence on peut convaincre plus facilement nos interlocuteurs. Investigation facilite le crochetage de serrures et les analyses de scènes. Psychologie permet de mieux comprendre les motivations des personnages. Et "Trouver Objet Caché" fait apparaître plus d'objets à dénicher dans certaines zones. On peut ajouter à cela deux compétences supplémentaires sur lesquelles le joueur a une emprise un peu moins directe, puisqu'elles progressent automatiquement en fonction des objets que l'on ramasse. Occultisme augmente les chances de comprendre à quoi servent certains artefacts mystérieux, tandis que Médecine légale facilite l'identification de certains médicaments et certains diagnostics.
DES BUGS A L'APPEL ?
Tous ces éléments influent essentiellement sur les choix de dialogues, et parfois sur les chemins que l'on peut emprunter. On retrouve également une mécanique de hasard, avec des choix de dialogues qui permettent de "tester" une compétence. Quels que soient vos réussites ou vos échecs, et quelles que soient les compétences que vous possédez, il y a toujours un moyen de progresser dans l'aventure. C'est une bonne chose, mais on débusque tout de même de nombreux "faux choix", l'issue étant exactement la même, peu importe le dialogue que l'on choisit. Le jeu propose également une petite mécanique basée sur la lumière, certaines zones interactives n'étant pas accessibles tant qu'on ne les éclaire pas. Enfin, vos actions ont une influence indirecte sur la santé mentale du héros, qui sombrera donc plus ou moins dans la folie. En fonction de tous ces paramètres, vous aurez droit à l'une des quatre fins différentes concoctées par les développeurs. Ce point est important puisque la rejouabilité compense en partie la durée de vie modeste, qui se limite à une dizaines d'heures. On ne râlera donc pas trop à ce sujet, un jeu court et intense valant toujours mieux qu'une aventure qui traîne en longueur. En revanche, impossible de ne pas pointer du doigt les quelques bugs et maladresses du jeu. Cette seconde catégorie s'illustre par des traductions françaises pas toujours à la hauteur des textes anglais (un comble pour un jeu hexagonal), et par un menu de journal qui dévoile à l'occasion des éléments de l'intrigue qui ne se sont pas encore déroulés. Quant aux bugs, nous avons eu droit par deux fois à une caméra qui se place mal durant des dialogues et par trois fois à une roue de dialogues qui n'acceptait plus aucune entrée (une recharge du dernier point de contrôle étant alors le seul moyen de résoudre le problème). Enfin, lors d'une séquence d'escorte, nous avons assisté à une magnifique téléportation de PNJ. Bref, Call of Cthulhu est loin d'être parfait mais heureusement, ses quelques défauts n'empêchent pas de passer un bon moment. La puissance du mythe de Cthulhu y est pour beaucoup !