Army of Two
Sans forcément faire partie des titres les plus attendus de l'année 2008, Army of Two n'en est pas moins un jeu qui intrigue. Avec une sortie initialement fixée au mois de novembre dernier, le jeu d'action à la troisième personne d'Electronic Arts sortira finalement en mars prochain sur Xbox 360 et PS3. EA Canada a mis à profit ce laps de temps supplémentaire accordé pour rectifier le tir sur certains points sensibles du jeu. C'est donc à une version quasi-définitive que nous avons eu droit hier lors du showcase organisé dans les locaux lyonnais d'Electronic Arts. La coopération atteint-elle réellement une nouvelle dimension dans Army of Two ? Nouveaux éléments de réponse.
Après nous avoir précisé que c'était la première fois qu'Army of Two était présenté en France dans une version aussi aboutie, Matt Turner - Assistant Producer chez EA Montreal - et Jim Hill ont lancé une nouvelle partie en soulignant d'emblée les aspects du jeu qui ont été revus depuis l'annonce de son report. En tout premier lieu, Matt Turner affirme que la réalisation d'Army of Two a été affinée par rapport aux démonstrations précédentes. Même s'il est vrai que les environnements paraissent plus détaillés qu'auparavant - les impacts de balles sur les murs entre autres -, difficile de dire que la différence visuelle est flagrante. Par ailleurs, le titre affiche un level design qui ne fait pas le poids face à d'autres productions du même genre. Certains endroits de la zone portuaire étaient cruellement vides, et ne proposaient que quelques planques en métal rouillé pour se protéger des rafales ennemies. Mais que l'on ne s'y méprenne pas, Army of Two n'est pas un titre graphiquement moche, et dispose même d’un character design bien fichu, que ce soit Rios et Salem, ou bien les ennemis et leur turban sur la tête. Il traîne plutôt un manque d'ambition artistique qui l'empêche de s'extirper du banal ; un constat d'autant plus dommageable que les cinématiques en computer graphics sont vraiment clinquantes. En termes de gameplay, les développeurs ont apporté une modification qui ne passera pas inaperçu quant aux soins que peuvent se donner les deux personnages en cas de blessure grave. L'ancienne manoeuvre consistait à ranimer le personnage à terre en appuyant correctement sur les boutons qui apparaissaient à l'écran. En cas de seconde perte de connaissance, l'exercice s'avérait nettement plus délicate car les plaies étaient censées être plus importantes. Le joueur qui administrait les premiers soins à son coéquipier se retrouvait dans une sorte de séquence spatio-temporelle, dans laquelle il était à l'abri des attaques adverses, un point vers lequel ont convergé la plupart des critiques faites à l'encontre d'Army of Two. En plus de briser le rythme de l'action, cette méthode enlevait une bonne partie de réalisme au jeu, deux raisons suffisamment objectives pour convaincre EA Canada de revenir à un procédé plus classique. Du coup, le personnage qui se retrouve au sol doit attendre que son partenaire vienne lui porter secours, à l’instar d’un Gears of War. En position de faiblesse, le blessé peut toujours frager quelques têtes pour se défendre. Même s'il ne contiendra que 6 niveaux en tout et pour tout, Army of Two est composé de 56 checkpoints, et on nous promet déjà des missions longues où les objectifs à remplir se multiplieront. Comme la plupart des titres de ce type, le joueur doit nettoyer entièrement une zone pour accéder à la section suivante.
Double Impact
L'I.A. tente de faire bonne figure, avec des soldats agissant en solo ou en masse, et qui n'attendent pas forcément que l'on soit dans leur champ de vision pour faire feu. Même si Jim Hill a déclaré que les ennemis étaient armés jusqu'aux dents, ils se sont montrés plutôt dociles dans les gunfights. On aurait aimé une plus grande initiative de leur part, comme balancer une grenade pour forcer le joueur à sortir de sa planque. Toujours dans le même registre, les troupes se déplacent de façon un peu désordonnée, et rares sont les fois où l’on est pris à revers. Mais la déception la plus notable une fois le jeu en main, c'est incontestablement l'aggrometer qui passe au second plan. C'est simple, l’aspect coopératif d'Army of Two n'a pas été suffisamment développé pour obliger les joueurs à évoluer en équipe. Il est possible de progresser dans une zone sans attendre son coéquipier, ou presque. Presque, parce qu'il y aura toujours une corniche, un mur ou bien encore un interrupteur qui nécessitera la présence de l'autre, mais c'est tout. Dans les phases de shoot, l'aggrometer devient rapidement anecdotique, chaque joueur étant naturellement occupé à tirer sur le soldat qui lui fait face. En fait, on a l’impression que la disposition des ennemis ne tient pas compte du fait que l’essence même d’Army of Two est la coopération. A aucun moment de la partie le CPU a tenté une attaque par les cotés où à revers, se contentant d’envoyer ses sbires droit devant. Une défaillance qui fait perdre au jeu ce qui aurait pu le différencier avec brio de la concurrence. Pour se consoler, on pourra toujours prendre les commandes d’un tank, d’une jeep, voire d’un hovercaft, surtout en multi. Le jeu en ligne ne sera pas en reste, avec des parties à quatre joueurs – 2 vs 2 plus précisément – où des NPCs viendront même peupler les maps. Du contenu additionnel est naturellement à prévoir, l’occasion de se blinder d’armes supplémentaires, de nouvelles cartes, mais aussi de nouveaux costumes. Enfin, l'autre point que nous avons pu observer pendant cette courte démonstration, c'est le "solo" d'Army of Two dans lequel Rios ou Salem est contrôlé par la console. On peut alors lui donner des instructions - avancer, couvrir son partenaire, conserver sa position - via la croix multidirectionnelle. Il peut même adopter deux profils différents : actif et passif. En passif, il attendra que l'ennemi passe à l'offensive avant de riposter, alors qu'en actif il n'hésitera pas à monter au front pour nettoyer le secteur. Après cette seconde présentation du jeu, Army of Two s’en sort avec un bilan mitigé. S’il représentera à coup sûr un bon défouloir avec de l’action à outrance, et une rubrique customisation assez complète, difficile de passer sous silence le manque d’efficacité de l’aggrometer qui était jusqu’à présent l’argument phare sur lequel s’appuyait EA Canada. Il faudra patienter jusqu’au mois de mars pour savoir si ou non Army of Two est finalement un jeu d’action comme les autres.
INTERVIEW MATT TURNER
Assistant Producer EA Montreal
JeuxActu : Avant toute chose, quel était votre but en créant un jeu tel qu'Army of Two ?
Matt Turner : Il y avait un vrai créneau à exploiter. Jusqu'à présent, aucun jeu ne se focalisait réellement sur la coopération en s'appuyant sur des mécaniques qui permettent de jouer avec son ami, de progresser ensemble dans un environnement. On voulait proposer quelque chose de nouveau, de convivial, en insistant vraiment sur l'esprit d'équipe. C'est dans cet objectif que nous avons conçu Army of Two, et je pense que nous avons réussi.
La première fois que l'on voit le jeu, on pense immédiatement à Gears of War. Est-ce une comparaison réductrice selon vous ?
Vous n'êtes pas le premier à penser qu'Army of Two ressemble à Gears of War, et c'est un constat logique dans la mesure où il s'agit du même genre de jeu. Le moteur graphique qui a été utilisé est l'Unreal Engine 3, ce qui peut donner l'impression de jouer au même jeu. On le prend plutôt comme un compliment. Maintenant, toute l'équipe a voulu proposer quelque chose de différent par rapport à Gears of War, et la coopération est le point sur lequel Army of Two va pouvoir se différencier des autres jeux d'action.
Il y a tout de même certains éléments, notamment en termes de gameplay, qui laissent penser que le développement d'Army of Two a été en quelque sorte influencée par la sortie de Gears of War.
Non. La sortie de Gears of War n'a en rien modifié la conception d'Army of Two. Nous avons continué d'avancer selon nos propres idées, et pas en fonction de ce que faisait la concurrence.
Vous avez pourtant corrigé le système de réanimation du coéquipier. Pourquoi l'avoir modifié ?
En fait, nous nous sommes aperçus que c’était pas très réaliste comme situation. Quand vous combattez des ennemis armés, vous êtes dans l'urgence, et vous devez faire vite pour soigner votre coéquipier. C'est pour cette raison que nous avons décidé de changer notre point de vue, et de choisir une solution qui ressemble à Gears of War (rires). Cela permet aussi de ne pas casser l'action, et le joueur peut ainsi garder ses repères. Mais encore une fois, il existe des différences entre Army of Two et Gears of War.
Lesquelles ?
Il ne s'agit pas d'un monde futuriste, mais du monde actuel même si les événements qui se déroulent dans le jeu sont fictifs. Rios et Salem ont un vrai background, et ont un caractère différent. Pour le gameplay, je dirais que le système de cover est plus dynamique. Dans Army of Two, on peut se servir de n'importe quel objet comme bouclier, et tirer en se protégeant avec. Le joueur doit être tout le temps en mouvement. On n'est pas obligé de rester caché derrière un mur en attendant que tous les ennemis soient tués. C'est le meilleur moyen de perdre (rires).
Puisque vous parlez de dynamisme, on a remarqué que les joueurs utilisaient souvent la même tactique; pendant que le premier tire sur les ennemis pour attirer leur attention, le second les prend à revers. A force, ne craignez-vous pas que cela devienne répétitif en offrant finalement des phases de combat figées d'avance ?
Non, car il existe d'autres manières de neutraliser les ennemis. Ca dépend du type d'adversaire auquel on a affaire. La technique que vous venez de décrire concerne surtout les ennemis qu’on ne peut pas combattre de face, et qu’on est obligé de prendre par les cotés. Parfois, il faut essayer de séparer les ennemis qui se déplacent qu'en groupe pour les affaiblir. Et puis, il ne faut pas oublier l'aggrometer pour éliminer les ennemis plus forts. Army of Two devient très intéressant quand les joueurs trouvent de nouvelles tactiques pour gagner les combats. C'est le point fort du jeu. On a essayé d'avoir un équilibre entre le shoot et la coopération. Il s'agit sans doute du plus gros challenge que nous avons du relever pendant le développement du jeu. Pour parvenir à cet équilibre, il a fallu essayer différentes formules, tester pour voir le résultat, recommencer si ça ne marchait pas... C'est pas évident (rires).
Vous avez montré un aperçu du mode customisation des armes. Est-ce vraiment une étape obligatoire pour avancer dans le jeu, ou est-ce plutôt un gadget ?
Ce n'est pas obligatoire pour un hardcore gamer qui a l'habitude de jouer à ce type de jeu. Il peut très bien le terminer avec les guns de base. C'est surtout un moyen pour le joueur de customiser Army of Two à sa façon. La customisation des armes influence beaucoup les stratégies d'équipe. Par exemple, on peut modifier son arme pour attirer l'attention sur soi plus facilement. Le coéquipier pourra prendre l'ennemi par surprise plus facilement. On choisit les armes en fonction de la façon dont on veut jouer au jeu. Cela offre une certaine liberté au joueur, mais ça augmente aussi le replay value car on peut terminer le jeu de différentes manières. Et puis le fait d'obtenir beaucoup d'argent permet d'acheter les armes les plus puissantes, et donc de finir le jeu plus facilement.
Combien d'heures faut-il pour le terminer ?
Pour une personne expérimentée, 8 à 10 heures. Pour une personne de niveau moyen, il faut compter 10 à 15 heures. Tout dépend en fait si la personne se familiarise rapidement ou pas avec le système de combat du jeu, et s'il joue bien en coopératif ou pas avec son partenaire. Le jeu a été conçu pour ça. Même en solo, il est nécessaire de donner des ordres à son partenaire pour avancer avec lui. Il faut vraiment jouer en équipe pour progresser dans les niveaux. Il y a même des endroits où on ne pourrait pas avancer si on était tout seul, car il faut grimper sur des murs, ou activer des interrupteurs ensemble. Ce n'est pas un gimmick, c'est vraiment le centre du jeu.
Avez-vous déjà prévu un Army of Two 2 ?
On attend déjà de voir ce que ça va donner avec le premier avant de prévoir un second (rires). Même si je pense que des gens d'Electronic Arts ont déjà du y penser.
Merci.