2009 : pas de Noël pour les gamers !
"Décalé", "retardé", "repoussé", au fil des mois, la plupart des titres qui devaient faire l’actualité de cette fin d’année ont mystérieusement disparu des plannings. Ne restent que quelques mastodontes pour se disputer vos maigres économies et une question : pourquoi éditeurs et développeurs boudent-ils Noël ? D’ailleurs, quels jeux comptez-vous commander au Père Noël ? Certains gros titres parus depuis quelques mois mais auxquels vous n’avez pas encore eu l’occasion de vous frotter ? Il est vrai qu’entre Resident Evil 5, Batman : Arkham Asylum, Colin McRae : Dirt 2, Street Fighter 4, GTA : Chinatown Wars, Warhammer 40.000 : Dawn of War 2, il y a matière à s’amuser, quels que soient vos goûts ! Vous préférez les parutions plus récentes ? Uncharted 2 : Among Thieves, Brütal Legend, Risen, Aion, FIFA 10, le gros barbu trouvera encore de quoi remplir sa hotte. Mais peut-être avez-vous déjà retourné toutes ces merveilles dans tous les sens et n’attendez plus que l’avalanche de fin d’année pour vous éclater. Mauvais calcul ! Suite à une cascade de désistements, les grosses productions ne se pressent pas en ce Noël 2009…
Après deux années durant lesquelles elles ont mille fois frisé l’indigestion, vos machines n’auront finalement pas grand-chose à se mettre sous la dent en novembre et en décembre. Seuls DJ Hero, Call of Duty : Modern Warfare 2, Assassin’s Creed II, Dragon Age: Origins, ou encore New Super Mario Bros leur permettront de ne pas mourir de faim. La plupart des éditeurs ont en effet décidé de bouder les fêtes, qui offrent pourtant de belles opportunités commerciales, et se sont accordés pour sortir leurs produits-phares au premier trimestre 2010. StarCraft 2, Tom Clancy's Splinter Cell : Conviction, BioShock 2, Darksiders, Dark Void, Army of Two : Le 40ème Jour, Blur, Bayonetta, Mafia II, Heavy Rain, Alpha Protocol, et on en passe, la débâcle est générale. JEUXACTU vous donne les cinq raisons pour lesquelles vous jouerez davantage en mars qu’à Noël.
Parce que Noël n’aime pas les bleus
A Noël, tout devient possible ? Pas pour les petits nouveaux ! Il est indispensable de disposer d’une petite notoriété pour espérer récupérer quelques miettes à la table du Père Noël. Les exceptions sont toujours de mises, tels Assassin's Creed et Left 4 Dead, deux titres inédits qui avaient réussi à percer en fin d’année. Ubisoft et Electronic Arts avaient néanmoins pu compter à l’époque sur des mois de revues de presse hystériques et s’étaient tous deux fendus de campagnes marketing à la hauteur de leurs ambitions. Toutefois, au moment même où il lançait ses hordes de zombies à la conquête du monde, l’éditeur américain, pourtant réputé pour sa connaissance du marché et sa maîtrise du calendrier, se plantait doublement. Développés trop discrètement, Mirror's Edge et Dead Space – deux nouvelles licences encensées par les médias spécialisés – ont été purement et simplement piétinés par leurs concurrents. Electronic Arts a d’ailleurs semblé ne pas tirer les conséquences de son échec de 2008. La firme californienne a ainsi longtemps déclaré souhaiter sortir Dante's Inferno (nouvelle production de Visceral Games, auteurs de Dead Space !) à la fin de l’année 2009, au risque de se reprendre une veste. Le titre paraîtra finalement en février, période durant laquelle plusieurs beaux inconnus se disputeront le cœur, et le portefeuille des joueurs. "Nous avons pu constater ces dernières années combien la période de Noël est peu favorable aux nouvelles licences. Les acheteurs privilégient les titres qu’ils connaissent, reçoivent leurs précommandes. Le début de l’année est plus favorable", nous explique le représentant d’un grand éditeur. Plus favorable en théorie, sauf que tout le monde a fait la même analyse ! Capcom, SEGA et THQ ont ainsi repoussé une de leurs créations au premier mois de l’année 2010. Au lieu d’affronter directement les cadors, Dark Void, Bayonetta et Darksiders pourront donc s’entre-déchirer joyeusement. Les mois suivants ne seront pas plus paisibles, n’en déplaisent à Guillaume de Faudaumière. Le directeur général délégué de Quantic Dream expliquait à nos confrères Gamesindustry.biz que la fin de l’année "est une période de l'année très dense, et certains jeux ont besoin de beaucoup plus d'espace pour exister." Retardé de trois mois, Heavy Rain évitera la cohue de Noël, mais devra affronter tous les produits qui ont glissé sur le calendrier ainsi que les bombes prévues de longue date (Mass Effect 2, Aliens vs. Predator, Lost Planet 2, Battlefield : Bad Company 2, God of War III, etc.). La bataille sera résolument rude !
Parce que tout le monde a (quand même un peu) peur de Modern Warfare 2
Quand un jeu vidéo génère plus d’un milliard de dollars de chiffre d’affaires, c’est autant d’argent que ses concurrents voient disparaître. Quand un jeu vidéo se vend à plus de dix millions d’exemplaires (entre onze et treize millions selon les estimations et les sources) en dix-huit mois, c’est autant de boîtes que ses concurrents n’écoulent pas. Ce jeu vidéo, c’est Call of Duty 4 : Modern Warfare, dont la suite prendra d’assaut les étals dans les prochains jours. Les analystes sont unanimes : le second volet bénéficiera du même engouement que son prédécesseur et profitera de la croissance du parc de machines enregistrée depuis la sortie du premier volet. Cité par nos confrères de Gamasutra, Mike Hickey de Janco Partners, une banque d’investissement américaine, estime que Modern Warfare 2 dépassera les 11 millions d’unités vendues dans le monde… avant le 1er janvier 2010 ! La projection paraîtra démesurément optimiste à certains (qui pointeront encore une fois une confusion entre le nombre de boîtes placées en magasin et le nombre de ventes réelles), mais la plupart des éditeurs sont bien conscients que le titre d’Activision fera sa loi pendant quelques semaines et qu’il laissera assez peu d’espace à ses rivaux directs. La firme américaine a d’ailleurs elle-même reporté de trois mois la sortie d’un de ses titres, Singularity, nouveau FPS de Raven Software, arguant que cette nouvelle licence ne serait ainsi pas écrasée par son blockbuster maison. Belle façon d’entretenir le mythe de l’invincibilité de Modern Warfare 2. Mais l’arrivée imminente de l’ode martiale d’Infinity Ward ne peut toutefois expliquer à elle seule la vague de retards annoncés au cours des derniers mois. Tout au plus justifie-t-elle le décalage de quelques autres FPS, comme Red Steel 2 ou Army of Two : Le 40ème Jour (et Singularity, donc). Et encore, le champ de manœuvre des jeux de tir à la première personne est plus important qu’Activision ne veut bien l’avouer. En décembre 2007, alors que le premier Modern Warfare s’imposait dans les charts américains avec 1 470 000 d’unités vendues, un certain Halo 3, paru 3 mois auparavant, occupait une honorable sixième place avec 742 700 exemplaires écoulés. A la décharge des concurrents potentiels du jour, ni Singularity, ni Red Steel 2 ni Army of Two ne possèdent une base d’inconditionnels aussi importante que celle de Halo ?
Parce que tout le monde a (vraiment) peur de Nintendo et du casual gaming
Avec ou sans Modern Warfare 2, la période de Noël est globalement peu propice aux produits destinés aux gamers. La production d’Activision ou Assassin’s Creed 2 auront leur place sur les étals, mais ils devront cohabiter avec une masse toujours délirante de productions grand public sur Wii et DS. Eric Viennot, co-fondateur de Lexis Numérique, studio qui essaie de se faire une petite place sur ce féroce marché, nous le confirme : "le marché de Noël est devenu plus grand public et il y a un réel encombrement en linéaire. Du coup pas mal d’éditeurs se disent qu’il est préférable de sortir un peu plus tard, entre janvier et mai. Cela donne plus de visibilité à leurs jeux plus gamers, et les hardcore jouent toute l’année" . Les jeux PC, PS3 et Xbox 360 peineront donc cette fois encore à rivaliser avec la cohorte destinée aux supports Nintendo, rois de Noël depuis deux ans. Si Microsoft et Sony pensaient redonner une chance aux hits à destination des puristes en diminuant le prix de vente de leurs machines, les hommes du plombier moustachu ont su réagir en faisant tomber leur Wii sous la barre fatidique des 200€. L’hiver 2009 devrait donc ressembler en tout point à l’hiver 2008, saison du triomphe quasi-absolu du casual ! Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en décembre 2008, les cinq premières places du top des ventes de jeux consoles furent trustées par des jeux Wii en France. Le palmarès américain n’a pas laissé beaucoup plus de place aux vrais jeux, seuls Call of Duty : World at War réussissant à faire une percée dans le quintet de tête. La perspective de se retrouver opposés à Wii Fit Plus, DJ Hero, Les Lapins Crétins : La Grosse Aventure et, surtout, New Super Mario Bros. Wii, sans oublier les insubmersibles Mario Kart Wii et Wii Play, a certainement découragé bien des prétendants au jackpot. Ceux-là préfèrent donc attendre la disparition des décorations de Noël et le retour des maniaques du pad dans les boutiques pour faire des affaires.
Parce que la crise est encore dans tous les esprits
D’après Eric Viennot : "même si les éditeurs disent publiquement que tout va bien, la crise a un réel impact sur les ventes. Du coup, tout le monde a anticipé un Noël pourri et mise sur une relance du marché en 2010 (en même temps que le reste de l’économie)". Les ventes de fin d’année devraient être moins catastrophiques que prévues, mais la plupart des annonces de retard ont été faites cet été, période durant laquelle les incertitudes étaient encore nombreuses. Il semblait alors plus prudent, et la manoeuvre demeure judicieuse, d’attendre que les voyants de l’économie mondiale repassent au vert et que les ménages retrouvent le sourire pour lancer des produits stratégiques à la conquête du marché. Politiques et économistes s’accordent à dire que le premier trimestre 2010 marquera le début d’une nouvelle ère de bien-être et de consommation effrénée. Espérons-le pour tous les acteurs du secteur…
Parce que les dates annoncées sont toujours biaisées
L’économie est finalement au cœur du problème. Les marchés ont besoin d’annonces fracassantes et les actionnaires aiment qu’on leur dise… ce qu’ils ont envie d’entendre. Afin de satisfaire tout ce beau monde, certains peuvent être amenés à prendre des engagements qu’ils se savent incapables de tenir, sauf à sortir des produits bâclés. Les belles paroles permettent de gagner du temps… et de limiter la casse. Annoncer des sorties tonitruantes pour l’année suivante permet de maintenir le cours d’une action et de rester hors de portée des prédateurs. Si quelques mois plus tard, l’éditeur décide de reculer certains produits très attendus, la sanction sera immédiate… mais peut se révéler, s’il trouve les arguments justes ("c’est la crise, Modern Warfare 2 va tous nous bouffer…"), moins sévère que s’il avait affirmé d’entrée de jeu que son futur line-up serait restreint. Le mensonge éhonté peut avoir sa part de responsabilité, mais la série de retards enregistrés au cours des six derniers mois traduit sans doute davantage une vraie incapacité des éditeurs à évaluer correctement les temps de développement nécessaires à la production d’un bon jeu. L’estimation, réalisée sous la pression du marché, n’est effectivement pas simple tant les facteurs à prendre en compte sont nombreux. Les sommes engagées sont colossales, les équipes comptent souvent des centaines de personnes, la concurrence se montre féroce et le moindre faux pas peut coûter quelques millions de dollars et tuer non seulement une licence, mais toute une réputation (souvenons-nous d’Atari, qui a payé très cher le sabotage de Matrix et de Driver 3). Compte-tenu des enjeux et de la complexité des cycles de production, déterminer une période de sortie avec un an d’avance est extrêmement délicat puisque un problème que les équipes pensaient résoudre rapidement peut se révéler insoluble. Les plus grands ne sont pas à l’abri de ces difficultés, comme le prouvent Ubisoft, qui n’a pas hésité a reprendre à zéro le développement de Tom Clancy's Splinter Cell : Conviction à la fin 2007, 2K Games qui a repoussé la suite de son exceptionnel Bioshock de trois mois afin de ne pas décevoir l’exigeant public gamer, ou Blizzard. Starcraft 2, qui devait faire l’événement en cette fin d’année, débarquera ainsi au premier trimestre 2010, le développeur s’étant rendu compte un peu tardivement que battle.net, son serveur de jeu en ligne, n’était pas adapté à son nouveau poulain. Les joueurs veulent aujourd’hui des produits beaux et stables, offrant du jeu en solo qui dépote et des options multi qui tuent, et satisfaire à toutes ces exigences nécessite de prendre son temps, de "peaufiner". La volonté de soigner les détails constitue d’ailleurs l’argument récurrent des retardataires : SEGA (Alpha Protocol), Activision (Blur), Electronic Arts (All Points Bulletin), 2K Games (Mafia 2, Red Dead : Redemption et le fameux BioShock 2), THQ (Darksiders), tous en usent, voire en abusent. S’en plaindra-t-on ? Noël sera un peu triste, mais si les studios soignent autant leurs produits qu’ils l’affirment aujourd’hui, le premier trimestre 2010 ne sera qu’une longue succession de grands moments de bonheur ludiques. Votre porte-feuille fera la tête mais, après tout, la crise sera finie…