Test Wild Hearts : oui, Monster Hunter et Capcom peuvent commencer à trembler
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Le succès de Monster Hunter, désormais international, a poussé Electronic Arts à agir en conséquence et venir gratter des parts de marché. Si l’intention est sans doute mercantile à la base, l’exécution est en revanche assez réussie. Oui, Wild Hearts reprend la formule Monster Hunter, mais il réussit à aller au-delà en se distinguant par des éléments inédits jusqu’à présent. L’usage de Karakuri, ces structures qu’on peut invoquer pour aider à triompher, apporte énormément au gameplay. Le jeu gagne alors en intensité, en stratégie, mais aussi en possibilités de combat, ce qui rend les affrontements épiques et assez jouissifs on ne peut pas le nier. Mieux, le jeu sait aussi prendre en compte son level design, notamment en termes de verticalité, pour gagner en agressivité. Clairement, Wild Hearts a été pensé pour plaire au plus grand nombre, surtout le public occidental, qui saura aussi être réceptif à la direction artistique très séduisante, inspirée des œuvres du studio Ghibli. En revanche, difficile de ne pas s’offusquer du rendu technique obsolète pour un jeu de 2023 et qui ne sort que sur PC, PS5 et Xbox Series. Entre les graphismes d’un autre âge et le frame-rate toussotant, il y a encore une grosse marge de manœuvre pour que Wild Hearts soit digne de perdurer. Mais c'est déjà un excellent début !
- Les Karakuri, la vraie bonne trouvaille du jeu
- Des combats dynamiques, d’une grande souplesse
- Gameplay riche et varié
- Le design réussi des Kemono
- Bestiaire varié
- Pas mal de verticalité
- Arsenal varié et évolutif
- Une direction artistique vraiment séduisante
- On retrouve l'esprit Mononoke Hime
- Jeu localisé entièrement en français (voix + textes)
- Techniquement, c’est limite honteux pour un jeu qui ne sort que sur "next gen"
- Frame-rate qui toussote bien à certains moments
- Caméra qui a du mal à suivre parfois
- Mise en scène des dialogues d’une platitude affolante
- Perso muet (alors qu’on peut choisir sa voix)
- Pas mal de bugs de collision
Vingt ans bientôt que la franchise Monster Hunter fait le bonheur – et les comptes – de l’éditeur Capcom qui a su trouver sa nouvelle poule aux œufs d’or. Réservée pendant de nombreuses années à des initiés, la série a pris une autre envergure avec l’épisode Monster Hunter World (2018), qui détient le record du plus gros lancement d’un jeu Capcom, avec 6 millions d’exemplaires vendus en seulement deux semaines d’exploitation. Un succès international qui a enfin permis à la licence de percer sur les différents marchés occidentaux (Etats-Unis + Europe) et de donner quelques idées à la concurrence. Electronic Arts en particulier, qui s’est associé avec l’éditeur KOEI TECMO et le studio japonais Omega Force pour nous concocter ce Wild Hearts, aux ambitions affirmées : chasser sur les terres de Monster Hunter. Et en vrai, ça le fait !
Faire de l’ombre à Monster Hunter, cela fait des années que certains s’y sont essayés, rarement avec succès, mais parfois avec de bonnes idées. On retient notamment la série des Toukiden, qui a en effet eu quelques fulgurances par le passé via son système de Mitamas, des âmes d'anciens guerriers qu'il était possible d'associer à son personnage pour gagner en puissance (boost, soin, poison, anti-feu, etc.). La série a évidemment d’autres qualités et c’est sans doute ce qui a tapé dans l’œil des responsables d’Electronic Arts, qui ont fait appel à la même équipe pour mettre sur pied ce Wild Hearts, pensé avant tout pour le public occidental. Du Monster Hunter en moins chiant et plus épique, c’est grosso modo la ligne directrice que les concepteurs se sont imposés, tout en essayant de se distinguer du modèle d’origine. Car on ne va pas se mentir, Wild Hearts reprend à peu près la formule Monster Hunter World à la virgule près, mais en y instaurant une feature qui change radicalement le gameplay, mais aussi notre perspective à se lancer dans les combats. Cette mécanique de gameplay n’est autre que les Karakuri, largement mis en avant dans les trailers et les différentes vidéos de présentation qui ont ponctué la campagne promotionnelle du jeu. Il s’agit d’une technologie ancienne issue du monde d’Azuma, permettant de fabriquer et de bricoler des machines créées pour la chasse. Il en existe trois sortes : les basiques, les fusionnées et les draconiques, avec des usages et des utilités différentes. Caisses à empiler, tremplin pour réaliser des bonds vertigineux, ancre céleste pour s’agripper aux monstres, ou bien encore hélicoïde pour prendre de l’altitude, ces structures nous aident aussi bien à évoluer dans l’open world que lors des combats contre les créatures corrompues, les fameux Kemono.
KAKATTE KOI
Très vite, on va se rendre compte que ces Karakuri sont au centre du gameplay de Wild Hearts et que sans ces machines, il est tout bonnement impossible de sortir vainqueur de ces affrontements à mains nues. Certes, on dispose d’armes pour trancher dans le vif, mais elles ne seront jamais suffisantes pour sortir indemne de ces affrontements féroces et souvent très longs. On ne dit pas qu’une fois les 8 armes forgées à leur paroxysme, on ne peut pas venir à bout de certains monstres, souvent les plus petits d’ailleurs, mais dès lors qu’on avance dans le jeu et qu’il faut faire face à des streums plus costauds, il est impensable de ne pas faire appel à ces machines ancestrales. Amaterasu (le phénix), Deathstalker (le loup givré) ou bien encore Earthbreaker (l’ours de pierre qui fait la taille d’une montagne), et encore moins le dernier boss (un dragon) ne s’élimine pas avec un katana et quelques flèches, c’est juste présomptueux. D’autant qu’en évoluant dans l’aventure, les Karakuri deviennent de plus en plus puissants et indispensables pour arrêter certaines attaques frontales. Là où les concepteurs ont réussi à faire l’analogie avec notre réalité, c’est que les Karakuri existent parfaitement dans la culture japonaise. Ils sont directement inspirés des poupées mécaniques "karakuri ningyō" produites entre le XVIIème et le XIXème siècle. Il s’agit d’une véritable science visant à optimiser les conditions de travail des opérateurs ainsi que la productivité au sein des usines. Jolie trouvaille n’empêche.
Là où les concepteurs ont réussi à faire l’analogie avec notre réalité, c’est que les Karakuri existent parfaitement dans la culture japonaise. Ils sont directement inspirés des poupées mécaniques "karakuri ningyō" produites entre le XVIIème et le XIXème siècle.
Mais revenons à nos moutons, car un peu à la manière de Fortnite, il est possible d’invoquer ces structures rapidement, à condition d’avoir les ressources nécessaires, le fameux "Fil" notamment, que l’on récolte en coupant des arbres ou en creusant dans de la roche noire. Et oui, à l’image de Monster Hunter, la récolte de ressources fait aussi partie des activités à réaliser dans Wild Hearts, et ramasser toutes sortes de plantes, petits animaux et autres matières premières relèvent de la plus haute importance. Et de la même façon que le jeu de chasse de Capcom, il est possible de personnaliser son plan d’attaque dans l’open world de Wild Hearts. Parce que oui, les Kemono sont en libre accès dans le jeu, dans le sens où il est possible de tomber sur n’importe lequel d’entre eux si on s’amuse à se balader dans le monde d’Azuma. Evidemment, si vous n’êtes pas équipé ni n’avez le niveau nécessaire pour les combattre, vous vous ferez écraser comme une vulgaire larve dès la première rencontre, mais au moins, il est possible d’aller tâter le terrain. Autre détail qui a son importanc : Wild Hearts permet aussi au joueur d’installer ses fortifications et ses pièces un peu partout pour établir une stratégie d’attaque, sachant que les Kemono sont rarement statiques et qu’ils n’hésitent pas à changer de lieu en plein affrontement.
LE VENT SE LÈVE
Il se dégage ainsi une belle sensation de liberté dans Wild Hearts, qui permet d’ailleurs de contempler les jolis panoramas servis par ce Japon féodal, sorti tout droit de l’imagination de Hayao Miyazaki et du film Princesse Mononoke. Le titre de KOEI TECMO et d’Electronic Arts possède en effet les mêmes grosses thématiques du fondateur du studio Ghibli, avec la nature, l’écologie et l’équilibre qui façonne le monde d’Azuma. S’il faut abattre ces créatures presque célestes désormais corrompues et ayant fusionné avec leur environnement, c’est évidemment à contre-cœur, mais il y va de la survie de l’Humanité. Wild Hearts essaie d’ailleurs de captiver le joueur par son récit, rempli de cinématiques, mais malheureusement un peu plates il faut bien l’admettre. Sans oublier sa quantité de personnages avec lesquels on prend certes plaisir à discuter, sauf que notre avatar est incapable de sortir le moindre mot de sa bouche. Pourtant, au moment de la création du personnage, le jeu nous donne le choix de sa voix, mais on se demande encore à quoi elle pouvait bien servir... Résultat, on se retrouve comme dans Zelda Breath of the Wild avec des intervenants qui se font des monologues un tantinet emmerdants, tout ça parce que notre perso n'est pas fichu de leur répondre. C’est quand même assez idiot.
Il se dégage ainsi une belle sensation de liberté dans Wild Hearts, qui permet d’ailleurs de contempler les jolis panoramas servis par ce Japon féodal, sorti tout droit de l’imagination de Hayao Miyazaki et de Princesse Mononoke. Le titre de KOEI TECMO et d’Electronic Arts possède en effet les mêmes grosses thématiques du fondateur du studio Ghibli, avec la nature, l’écologie et l’équilibre qui façonne le monde d’Azuma.
En revanche, pour ce qui est de l’immersion visuelle, Wild Heart souffle le chaud comme le froid. Si le jeu jouit d’une direction artistique réussie et assez folle par le biais de ce Japon féodal fantastique, le jeu pêche en revanche du côté de sa technique. On a parlé de sa mise en scène absolument plate lors des dialogues, avec des champs / contre-champs qui rend les séquences presque inertes, voire végétatives, mais il faut aussi pointer du doigt la technique un peu à la ramasse. Oui, la DA de Wild Heart cache sa misère technique, avec de nombreux éléments dans les décors qui nous renvoient à la génération PS3 / Xbox 360. Les aplats de textures en guise de végétation, des branchages et des feuillages d’un autre temps ou des éléments de décor qui virent au flou quand on approche la caméra, on a du mal à penser que Omega Force n’a pas su utiliser les ressources financières d’Electronic Arts pour nous offrir un jeu qui soit techniquement digne de sortie en 2023. Oui, ça jure pas mal, avec du poping dans tous les sens aussi, et encore une fois, le jeu a cette chance incroyable de bénéficier d’une direction artistique séduisante, car la sanction aurait été bien plus sévère.
JAPON OCCIDENTAL
Heureusement, l’intérêt premier de Wild Heart se situe avant tout dans son gameplay et ses combats qu’on nous a promis épiques. De ce point de vue-là, le titre d’Electronic Arts ne déçoit pas et fait même mieux que Monster Hunter. Entre les différentes propositions de combo avec les armes blanches, les Karakuri à utiliser pour appuyer ses attaques (on prend de la hauteur, on s’accroche aux créatures, on se protège derrière des murs de bois), et le level design parfaitement intégré aux combats, on prend un véritable plaisir à chasser ces créatures qu’on aurait aimé contempler dans leur habitat naturel s’ils n’étaient pas agressifs. C’est surtout dans les déplacements et cette faculté à s’adapter aux environnements qui rend le gameplay de Wild Hearts plus attractif que celui de Monster Hunter, même si la série de Capcom s’est quand même assouplie ces dernières années. Notre chasseur se montre en effet plus agile, avec cette possibilité de courir, sauter, esquiver et glisser pour être à la hauteur des Kemono qu’il faut parfois ne pas lâcher d’une semelle. Ces derniers ont toujours une zone plus faible qu’il ne faut pas hésiter à matraquer pour essayer de les abattre rapidement. La verticalité fait aussi partie des arguments forts de Wild Hearts, qui joue de ses environnements et de son level design bien pensé. On pourra évidemment pester contre la gestion de la caméra et des combats qui peuvent perdre en lisibilité compte-tenu du rapport d’échelle importante entre le chasseur et le Kemono, mais c’est surtout le frame-rate qu’il faut pointer du doigt. Il ne sera pas rare de voir le jeu souffrir lors de certains affrontements, au point de se dire que l’optimisation n’a pas été la grande force des développeurs d’Omega Force. Compte-tenu d’une technique qui a quelques années de retard, il est assez impardonnable de voir le jeu faire du 15fps lors de certains passages. Surtout que le studio n’en est pas à son premier Monster Hunter like. On espère qu’un patch viendra corriger tout cela rapidement…