Test Tunic : moitié Zelda, moitié Dark Souls, et la réussite est totale !
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Sous ses airs de simple et tout mignon hommage à Zelda, Tunic dissimule en réalité une expérience assez ardue, qui emprunte beaucoup à Dark Souls et consorts. Déjà intéressant en soi, ce mélange audacieux se voit sublimé par le système de vrai-faux manuel de jeu à collecter et décrypter. Diablement intéressante et bien pensée, cette aide cachée risque tout de même de frustrer les joueurs qui auraient le malheur de passer à côté. Il suffit d'un peu d'inattention ou de malchance pour se retrouver avec un personnage incapable de monter de niveau, et donc bien trop faible pour faire face aux défis de l'aventure. Mais puisque nous vous avons prévenus de cette subtilité, vous n'avez désormais plus aucune excuse pour délaisser ce fort sympathique Tunic, qui en plus a le bon goût d'être disponible sur le Game Pass.
- Un mélange Zelda + Dark Souls étonnant
- Des graphismes tout mignons
- Le manuel de jeu à retrouver et décrypter
- Beaucoup de passages secrets à dénicher
- Délaisser le manuel peut mener à une expérience frustrante
- Les boss restent difficiles dans tous les cas, ce qui pourra rebuter certains joueurs
Si Tunic avait été annoncé et présenté à l'E3 2018 lors de la conférence Microsoft, il avait un peu disparu des radars depuis. Mais loin d'indiquer des difficultés de développement, cette absence de communication de la part de l'éditeur semble au final avoir été bénéfique pour Andrew Shouldice, le développeur canadien à l’œuvre sur cette nouvelle production indé. Le jeu remporte en effet les suffrages des joueurs et des critiques, et c'est bien volontiers que nous nous joignons à la liesse générale. Car nous avons effectivement affaire à une aventure pas tout à fait comme les autres.
Pour un joueur non averti (ce que vous ne serez plus après avoir lu ce test), la découverte de Tunic s'effectue généralement en trois étapes. Dans un premier temps il paraît évident que le titre rend hommage à la série des Zelda. Certains iront même jusqu'à parler, précipitamment et à tort, de plagiat. Après tout, le héros vêtu d'une tunique verte se réveille sur une plage, doit libérer un personnage retenu prisonnier, part avant toute chose à la recherche d'une épée et d'un bouclier, casse des pots en terre et tranche les hautes herbes. Pour couronner le tout, quelques donjons, mécanismes et autres énigmes sont bel et bien présents. De plus, le style graphique rappelle clairement celui des productions Nintendo, et plus particulièrement The Legend of Zelda : Link's Awakening sorti fin 2019 sur Switch. Ici aussi le héros a l'air d'une véritable petite figurine évoluant dans un monde miniature digne d'une maquette. Mais si les buissons sont carrés et les arbres peu polygonés, il s'agit d'un effet de style et non d'une limitation technique (il faut dire que le jeu sort sur Xbox et PC, et non sur Switch…). La preuve de la maîtrise graphique et technique se trouve dans la modélisation de certaines créatures, rondouillettes à souhait, et les effets de lumière avancés, qui nous offrent par moments de très belles scènes. La direction artistique, vive, colorée et légèrement enfantine, ne manque vraiment pas de charme, tandis que la musique, souvent légère et éthérée, se montre également séduisante, voire reposante. En réalité, Tunic fait tout ce qu'il peut pour se faire passer pour ce qu'il n'est pas, à savoir un petit clone de Zelda classique et inoffensif. Mais comme dirait l'amiral Ackbar : c'est un piège !
RENARD, CHENAPAN !
La deuxième étape de découverte consiste donc à prendre conscience de la véritable nature du jeu, qui est en vérité loin d'être enfantin et facile d'accès. Le cœur du gameplay et la difficulté s'inspirent en effet des Dark Souls. Oui, oui, Tunic est bel et bien un petit "Soulsborne" (ou doit-on dire un "Soulsbornering" dorénavant ?). Ainsi, des autels à l'effigie d'une déesse renarde tiennent le rôle des feux de camp des productions From Software. Ils permettent tout à la fois de sauvegarder la progression, de remplir les fioles de potions et de redonner la pleine santé au héros... mais font également réapparaître tous les ennemis sur la carte. Au fil de l'exploration on peut d'ailleurs débloquer différents raccourcis qui permettent alors d'éviter quelques-uns de ces adversaires à la résurrection facile. Les combats à l'épée mettent l'accent sur la défense, se déplacer et user de la roulade et du bouclier étant plus que nécessaire pour espérer survivre. Foncer bêtement dans le tas est synonyme de défaite et d'humiliation immédiates, surtout face aux boss principaux qui laissent vraiment peu de place à l'improvisation. Quelques sorts de gel et autres bâtons de dynamite sont bien là pour nous aider, mais leur nombre limité fait qu'on ne peut pas totalement se reposer sur eux. Un autre outil à notre disposition est la touche permettant de "cibler" les ennemis. Elle ne bloque pas l'attaque ou la vue sur eux, mais fait apparaître leur barre de vie, ce qui peut s'avérer utile pour jauger de l'efficacité de nos coups. Étonnamment, cette fonctionnalité sert également l'exploration puisqu'elle fait légèrement varier la perspective isométrique de base. Il devient ainsi plus simple d'évaluer certaines différences de hauteurs et, surtout, de repérer l'un des nombreux passages secrets présents dans le monde. Un point à ne surtout pas négliger, car vous aurez bien besoin du contenu des coffres qui s'y dissimulent pour vous faciliter la vie.
ON LÈVE UN GOUPIL
Déjà intéressante en soi, celle dualité "zeldarksouls" est sublimée par une troisième couche qui rend le jeu réellement unique (prononcez la liaison et vous aurez un jeu de mots en cadeau...). En dissimulant volontairement certaines informations, les développeurs ont choisi de faire confiance à l'intelligence et à la curiosité des joueurs. Ainsi, les différents textes de l'interface sont majoritairement composés de caractères runiques incompréhensibles. Et lorsque s'affichent certains messages abscons avec une réponse "oui/non" à valider, c'est au joueur de faire appel à sa connaissance vidéoludique générale et au contexte pour choisir la bonne option. Ce qui se fait sans mal, rassurez-vous. Mais la véritable astuce de gameplay se dissimule dans le manuel du jeu... qui est intégré dans l'univers du jeu. Il faut tout d'abord maximiser l'exploration afin de réunir le plus de pages possibles, ces dernières étant disséminées sur l'ensemble de la carte. Joliment illustré en 2D, ce livret d'instructions "méta" regroupe de nombreux conseils, astuces et même principes élémentaires de jeu. Sauf que les choses ne s'arrêtent pas là ! Il est lui aussi rédigé majoritairement en runes, seuls quelques termes essentiels apparaissant en français. Il faut donc une nouvelle fois faire travailler son cerveau pour en tirer toutes les informations, et pousser la lecture jusqu'aux notes griffonnées dans les marges. Cette trouvaille vidéoludique intéressante et réjouissante pose tout de même un problème, car si un joueur délaisse le manuel ou ne trouve pas les bonnes pages, il risque de passer à côté d'informations essentielles. Il en va ainsi du système de progression du personnage, "détaillé" (le mot est fort) en page 18. Étudiez-bien la question, car sans cela la difficulté passe de élevée et stimulante à frustrante et injuste !