*Test* The Quiet Man : un jeu qui aurait dû passer sous silence
6 20
Square Enix et Human Head Studios tenaient là un concept au potentiel certain mais le destin en a décidément autrement. The Quiet Man n’est pas juste raté, c’est une aventure courte mais dix fois trop longue à vivre qui trébuche sur tous les obstacles qu’il fallait enjamber, laissant penser que ce héros à la capillarité illégale n’est pas juste sourd mais également miro comme une taupe. Du jeu d’acteur à la direction artistique kitsch en passant par un gameplay digne de l’âge de pierre et, surtout, une écriture sponsorisée par Ronflex, les objectifs ne sont clairement pas atteints. Seule la maîtrise graphique du moteur et quelques finish-moves satisfaisants viennent le sauver du naufrage absolu : on aura en tout cas bien rigolé. Quel dommage !
- Un moteur maîtrisé, c'est plutôt beau quand ça ne bouge pas
- Des finish-moves brutaux quand ils ne se répètent pas constamment
- Bird Man, le méchant, seul perso plutôt classe
- C'est court
- Un vrai concept...
- ... mais qui passe totalement à la trappe
- Remplis de stéréotypes, c'en est presque hilarant
- Aucune profondeur de gameplay
- Des arènes qui manquent trop d'interactions et qui se répètent
- Un gameplay hasardeux et sans évolution
- Des animations de l'ancien temps
- Des bugs de collision (et autres) un peu partout
- Une narration soporifique
- Un jeu d'acteur à coucher dehors
À l’E3 2018, Square Enix annonçait avec fierté The Quiet Man, un jeu énigmatique aux ambitions innovantes qui mêlait live-action, phases de jeu vidéo réelles et concept de surdité original. Pourtant, la société japonaise s’est depuis faite particulièrement discrète à son sujet, en dépit de son game design tout à fait louable qui aurait certainement mérité plus de lumière : quelques mois plus tard, le jeu est finalement disponible au téléchargement et la douche n’est pas froide, elle est sacrément glaciale.
The Quiet Man part d’un concept réellement unique : celui de mettre le joueur dans la peau d’un sourd et de lui faire vivre une aventure résolument cinématographique. Le pitch est simple et met en scène un jeune homme discret dont la femme qu’il chérit admirablement, une pianiste de jazz, se fait enlever par un dangereux criminel masqué. Ni une, ni deux, notre homme silencieux se jette à sa poursuite et bonne nouvelle, ses compétences de combat feraient justement pâlir Jean-Claude Van Damme en personne. L’occasion parfaite pour éclater des gangsters entre deux cinématiques, mais attention, uniquement dans des arènes closes ultra-restrictives aux innombrables problèmes de collision. Si seulement, il n’y avait que ça…
TURN UP THE VOLUME
Le problème absolument fondamental du jeu, co-développé par, on le rappelle, Square Enix et Human Head Studios (à l’origine du Prey de 2006), c’est qu’il passe drastiquement à côté de son but premier : nous mettre dans la peau de ce héros sourd et aborder l’histoire en tant que tel. Pour faire simple, l’entièreté de l’aventure souffre d’un sound design volontairement silencieux, où chaque bruit et chaque voix se voient étouffés et réduits à des sonorités minimalistes, presque dérangeantes et, à la longue, à l’ambiance quasi-malsaine. On ne pourra pas dire si telles sont les réelles sensations d’une personne atteinte de surdité – on imagine que les développeurs ont en tout cas œuvré dans ce sens – mais le vrai souci est l’incompréhension absolue qui se dégage de toute la narration. Au lieu de nous mettre dans la peau de ce protagoniste qui lui, connait son handicap, sait vivre avec et parvient à comprendre son environnement, Square Enix opte finalement pour une voie absurde, celle de couper simplement l’audio et de nous laisser nous démerder avec des images muettes. Autrement dit, c'est comme faire incarner un spectateur tout fraîchement atteint de cette infirmité, ne sachant aucunement la gérer ou vivre avec. Comprenez par-là qu’aucun effort n’est fait pour nous aider à comprendre ce qui se passe devant nous ou à nous immerger dans ce réel problème humain : même lorsque le héros parle, avec sa voix ou même en langage des signes, le sous-titrage est absent et nous fout tout simplement dans l’embarras de l’incompréhension. S’en résulte ainsi une narration monotone, ennuyante et dont le désintérêt s’avère définitivement effectif au bout d’une heure de jeu. Pour vous dire à quel point le jeu a été pensé à l’envers, l’éditeur a dernièrement annoncé l’arrivée d’une mise à jour qui pourra rétablir l’audio, pour une « nouvelle relecture » du périple. Autant dire que l’option aurait dû être proposée dès le début…
"IL N'A PAS DÛ ENTENDRE LES DIRECTIONS D'ACTEURS"
Avec un parti pris risqué, celui de mêler scènes en live-action et séquences de gameplay réelles, The Quiet Man fonce tout droit dans le mur que l’on redoutait et que de nombreux autres jeux ont déjà expérimenté par le passé : la formule est on ne peut plus kitsch et n’aboutit pas. Pourtant, la volonté de nous emmener aux tréfonds de la nuit new-yorkaise est séduisante mais malheureusement emplie de clichés dramatiques : il y a le gang latino aux bandanas verts et aux voitures lowriders (la côte ouest, c’est de l’autre côté, les gars), les mafieux en costard (mais de 25 ans) qui tiennent le club de nuit, le flic quarantenaire en imperméable, les bons gros flashbacks in-game sur le passé douloureux du héros… sans parler du chara-design général qui frôle le ridicule, particulièrement pour ce personnage principal tout sauf badass, qui nous plonge tout droit dans le dixième cercle de l’enfer, celui du mauvais-goût. Même le jeu d’acteur ne rattrape pas l’affaire avec des réactions ultra-forcées, certainement pour compenser l’absence prononcée de toutes les voix. On passera également sur les multiples retournements de situations abracadabresques, dont on ne prêtera même plus attention tant on aura décroché depuis un bon moment déjà pour quelque chose de plus intéressant, comme L’Amour est dans le Pré ou la dernière saison des Anges.
PLEASE, GET ME OUT OF HERE...
Le clou du spectacle réside indéniablement dans les vraies phases de jeu proposées, dont on aura exploité tout le potentiel les premières minutes. Quand les interminables et soporifiques cinématiques se terminent, on bascule d’une manière réussie et discrète (et ce n’est pas ironique) sous l’Unreal Engine pour s’enfoncer dans un Beat Them All ultra-rudimentaire. Quelques actions de combats sont disponibles et viennent se répéter indéfiniment, avec autant de profondeur que le héros a de style avec sa coupe de cheveux. Aucune évolution dans la jouabilité n’est à noter – hormis contre quelques boss qui demanderont plus d’esquives qu’à l’habitude – et, pire encore, le tout souffre de bugs de collision qui nous renvoient à l’époque pourtant bénie de la PS2. Entre les ennemis qui apparaissent comme par magie dans la salle, qui traversent les murs et les objets ou des animations qui bloquent hasardeusement, on ne sait plus trop quoi faire entre rire et pleurer. Et ce n’est pas la démarche du héros, qui s’est visiblement enfilé un stock entier de kits auditifs volés à la pharmacie dans l’arrière-train, qui viendra dire le contraire. En revanche, le jeu se sauve de l’auto-flagellation totale avec une réalisation technique plutôt solide, effets de lumière et modèles 3D détaillés à l’appui, malheureusement desservie n’importe comment par tout le reste. Cette belle aventure se terminera environ en trois heures et demie - une poignée de trop à notre avis - qui demandera toutefois la rançon de 14,99€ pour être vécue. C’est dommage, car avec plus d’investissement et de temps, A Quiet Man aurait pu réellement de distinguer autrement que par sa médiocrité…