Test The Chant : de l'horreur et de la spiritualité, mais aussi beaucoup de fausses notes
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The Chant ne devrait pas résonner longtemps dans la mémoire des joueurs, du fait de visuels datés et de combats pas aussi riches qu'espérés. En cette fin 2022, qui nous a offert récemment A Plague Tale Requiem, Scorn, Bayonetta 3 ainsi que les versions PC de Spider-Man et Uncharted, il en faut un peu plus sous le capot, sur le fond comme sur la forme, pour réussir à se démarquer. Visuellement, The Chant oscille entre une technique moderne et des éléments tristement datés, ce qui déséquilibre l'ensemble. Un défaut qu'on retrouve aussi dans le gameplay, lui aussi bancal, avec des situations ubuesques où les attaques faibles ont plus d'impact que les coups puissants. Globalement, le système d'attaque manque de dynamisme et de subtilité. Les joueurs à la recherche d'un gameplay grisant ou d'une claque graphique peuvent donc passer leur chemin et aller tranquillement voir ailleurs. Ceux, plus conciliants, qui sauront fermer les yeux sur les défauts du jeu profiteront tout de même d'un scénario et d'un univers plutôt plaisants. De quoi s'occuper pendant une huitaine d'heures avant de passer définitivement à autre chose. Bref, nous avons affaire à une production de série B, à l'image de certains films d'horreur dont elle cherche à s'inspirer.
- Un univers et un scénario intéressant
- Une ambiance qui rappelle Lost
- Le design réussi de certaines créatures
- Des énigmes plutôt bien équilibrées
- Des graphismes inégaux, et souvent très datés
- Gameplay bancal, mal équilibré
- Des animations trop rigides
- Système de dialogues anecdotique
- Une structure un peu prévisible sur certains points
- Une VF et des dialogues assez basiques
Inconnu au bataillon jusqu'à aujourd'hui, le studio canadien Brass Token abrite des "vétérans de l'industrie", selon l’expression consacrée. Parmi eux figureraient même des développeurs ayant travaillé par le passé sur Bully et Sleeping Dogs. Voilà qui incite plutôt à la confiance, mais qui se voit tout de même contrebalancé par la taille modeste du studio. Le travail sur The Chant a commencé en effet en 2017 avec un petit groupe de quatre développeurs, et se termine aujourd'hui avec une équipe de seulement dix-neuf personnes. Et nous allons voir que ce manque de moyens se ressent hélas un peu trop...
Tout démarre en 1972 sur l'île de la Gloire, alors qu'une secte s'apprête à accomplir un mystérieux rituel. Une jeune femme s'échappe au dernier moment, entraînant ainsi la colère du gourou et le début d'une petite course-poursuite servant surtout à présenter les commandes de base au joueur. Car cette introduction n'est en réalité qu'un simple flash-back, le restant de l'aventure se déroulant de nos jours. L'héroïne que l'on incarne se prénomme Jess et rejoint son amie Kim sur l'île de la Gloire afin de participer à une retraite spirituelle. Naturellement, après quelques balades en forêt et autres poses de yoga, les choses vont très rapidement dégénérer. Il faut dire que chacun des participants possède ses propres traumas (dans le cas de Jess, la noyade de sa sœur durant son enfance) et que Tyler, le chef de groupe, tient lui aussi plus du gourou que du sympathique directeur de colonies de vacances. Le scénario va alors dérouler une partition faite de dimension parallèle, de créatures effrayantes, d'énergie cosmique et de cristaux surnaturels. Si tout cela évoque naturellement tout un tas de films d'horreur, et quelques jeux du même acabit (le récent The Quarry par exemple), l'ambiance rappelle plus particulièrement celle de Lost. Du fait de l'île surnaturelle, de la présence de communautés cherchant à s'y installer, et de références continues à un passé à redécouvrir. Jess tombe ainsi régulièrement sur des bobines de films datant des années 70, les briefings et la propagande de l'organisation Prismic Science étant manifestement inspirés par ceux du Projet Dharma de la célèbre série télévisée. Cet aspect constitue d'ailleurs l'une des qualités principales du jeu, qui nous offre un scénario et un univers relativement intéressants. Rien de révolutionnaire, mais les forces obscures utilisent à bon escient les traumatismes des différents protagonistes, tandis que l’atmosphère de secte fonctionne bien et justifie correctement la bascule entre le réalisme et le surnaturel.
ZEN, SOYONS ZEN
Le jeu s'articule d'ailleurs entièrement autour du mysticisme. Ainsi, les trois caractéristiques principales à gérer sont le mental, la santé, et la spiritualité, dont les jauges se rechargent respectivement grâce à de la lavande, du gingembre et des champignons. Cette thématique zen et new-age se retrouve même dans les armes à fabriquer. Il est ainsi possible de donner des coups de bâton de sauge, de fouet incandescent et de bâton de sorcière, tandis que les consommables à lancer sur les ennemis ou à déposer au sol en tant que pièges sont l'huile essentielle, le sel et le pétrole. Une roue des prismes permet par ailleurs de choisir entre six pouvoirs spéciaux, débloqués l'un après l'autre au fil de l'aventure. Il est alors possible de ralentir les ennemis, de les repousser, de faire sortir des pics du sol, d'invoquer des créatures torturées, d'envoyer des insectes de l'enfer sur une cible, et même de devenir invisible quelques instants. Un système d'améliorations vient se rajouter à l'ensemble, mais tout cela ne suffit pas à créer un système de combats parfaitement convaincant. Les attaques légères nous ont semblé bien plus efficaces que les puissantes, l'esquive manque clairement de dynamisme et de vitesse et, au final, les différentes subtilités ne s'avèrent guère utiles. Pourquoi s'embêter à placer des pièges ou à réfléchir à quelle type d'attaque fait le plus de mal à quel monstre, quand bourriner l'attaque légère de n'importe quelle arme suffit la plupart du temps ? Nous parlons ici bien évidemment du mode normal, et non du mode facile. On pourrait également se formaliser du fait que des coups de bouquets de sauge suffisent pour se débarrasser de créatures infernales, mais ce serait chercher la petite bête.
UN CHANT GUÈRE ENCHANTEUR
Heureusement, les combats ne sont qu'une composante du gameplay qui, survival horror oblige, fait également la part belle aux petites énigmes. Ces dernières nous demandent de trouver des clés, des fusibles et des engrenages, ou encore de placer correctement des faisceaux lumineux. Rien que du classique mais la difficulté, jamais triviale ni frustrante, est plutôt bien équilibrée. Le jeu se dote également d'un système de dialogues, mais celui-ci s'avère en réalité totalement anecdotique car les interactions de ce type restent extrêmement rares. Les trois fins différentes semblent quant à elles dépendre simplement de la jauge que chaque joueur aura le plus augmenté ou utilisé. Pour notre part, nous avons eu droit à la fin "Mental", pas bien formidable d'ailleurs. L'écriture ne soulève pas non plus l'enthousiasme tandis que les voix françaises, ni vraiment bonnes ni vraiment mauvaises, tiennent du passable. Elles ont au moins le mérite d'exister, et certains jeux au budget bien plus conséquent ne peuvent même pas en dire autant.
En revanche, le design de ces créatures s'avère plutôt réussi et certaines d'entre elles font même carrément sensation. Ce qui n'est pas un mince exploit au regard du retard graphique du jeu ! Plus exactement, les visuels oscillent en permanence entre des techniques modernes et des aspects extrêmement datés.
La taille modeste du studio rend d'ailleurs certains écueils assez compréhensibles, à l'image d'une structure un peu trop prévisible par moments. Par exemple, des informations sur les différentes créatures à combattre sont présentes dans les niveaux. Une initiative louable, mais qui tombe un peu à plat quand on se rend compte que trouver la fiche de tel ou tel ennemi signifie immanquablement que Jess va le rencontrer et l'affronter dans la minutes suivante. En revanche, le design de ces créatures s'avère plutôt réussi et certaines d'entre elles font même carrément sensation. Ce qui n'est pas un mince exploit au regard du retard graphique du jeu ! Plus exactement, les visuels oscillent en permanence entre des techniques modernes et des aspects extrêmement datés. Certaines textures paraissent très détaillées et d'autres pas du tout, les animations faciales sont relativement convaincantes mais collées sur des corps aux modélisations sommaires, et les animations vont de l'acceptable au bien trop rigide. Quant aux barbes et cheveux n'en parlons pas, les premières ressemblent à des postiches et les seconds à des touffes de paille. L'aventure doit donc être réservée aux joueurs compréhensifs et indulgents !