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Chanceux est le joueur qui découvrira le genre du FPS avec Singularity ! Car il ne se rendra pas compte que quasiment chaque élément du jeu a déjà été vu ailleurs. Dès lors, il s'amusera franchement et pourra même de temps en temps pousser des petits cris d'émerveillement. En revanche, pour les vieux de la vieille, l'impression constante de jouer à une compilation des meilleurs jeux d'action de ces dernières années plombe quelque peu l'expérience. Dommage, car en dehors du bug concernant les textures, la réalisation globale tient plutôt bien la route. La possibilité de jouer avec le temps, même limitée, est sympathique et l'histoire se laisse parcourir sans déplaisir. Pas le jeu de l'année, mais un bon second choix.
- Globalement bien réalisé
- Ambiance et architecture soviétiques
- La possibilité de jouer avec le temps
- Manque de personnalité
- Le bug de chargement des textures
- Faible durée de vie
Après avoir réalisé un Wolfenstein sympathique mais pas inoubliable, l'équipe de Raven Software nous propose un nouveau FPS à mi-chemin entre réalité historique et paranormal. Mais cette fois, pas de licence prestigieuse pour soutenir le projet ! D'ailleurs, l'éditeur a sorti Singularity en catimini, sans tambours publicitaires ni trompettes marketing. Dès lors, aurait-on affaire à un jeu honteux et tout pourri ? Hé bien non, Singularity s'avère relativement plaisant, même s'il est loin d'être exempt de défauts.
Après nous avoir plongé dans la Seconde Guerre Mondiale avec Wolfenstein, Raven Software nous embarque en pleine Guerre Froide. Pourtant, l'action du jeu se déroule initialement en 2010 alors qu'un commando américain débarque sur une île russe oubliée, dans le cadre d'une simple mission d'investigation. Simple, mais potentiellement dangereuse puisque le lieu émet une signature énergétique inhabituelle. Et le fait est qu'à peine arrivé sur place, l'hélicoptère de reconnaissance se crashe lamentablement. Quelques minutes plus tard, le soldat Renko retrouve ses esprits et commence à visiter l'étrange station de recherche Katorga-12, abandonnée par les dirigeants soviétiques depuis le terrible accident de 1955. La raison à toutes ces péripéties tient en un mot : E99. Il s'agit d'une source d'énergie inégalée, exclusivement localisée sur l'île. Et comme vous allez rapidement le constater, l'une de ses caractéristiques est de pouvoir altérer le cours du temps. Pour le joueur, cela se traduit par quelques allers-retours dans les années 50. Comme la plupart des films, romans et jeux vidéo qui osent s'amuser avec la quatrième dimension, Singularity nous propose son lot de voyages dans le passé, capables de changer le présent et autres paradoxes temporels. Rien de vraiment révolutionnaire d'un point de vue scénaristique, mais une aventure de ce type reste forcément plus intéressante qu'une bête histoire de guerre moderne. Le jeu utilise d'ailleurs plusieurs procédés pour décrire les événements passés et présents. En dehors des inévitables scènes cinématiques, on peut ainsi découvrir des notes, des enregistrements audio, des films d'archive laissés par les habitants de 1955, et même croiser quelques apparitions fantomatiques, qui rejouent devant nous leur passage de vie à trépas.
Menu Best of
Tout cela rappelle fortement BioShock ! On pourrait s'en réjouir car la référence est excellente, mais au final une assez désagréable impression de déjà-vu l'emporte. Il faut dire que Singularity utilise le même moteur 3D (l'incontournable Unreal Engine 3) que le hit de 2K Games, et l'utilise de manière très proche. Même l'interface semble un peu trop familière. A l'usage, ce manque de personnalité s'avère carrément être une constante, et les emprunts à telle ou telle série sont nombreux. Le gameplay rappelle souvent celui de Half-Life 2 et l'on croise le chemin d'une Kathryn qu'on jurerait être la sœur d'Alyx. Les petits films de propagande reprennent le ton naïf de ceux des différents épisodes de Fallout, et de BioShock par la même occasion. Le principe des films d'archive laissés par des scientifiques d'une station secrète installée sur une île mystérieuse évoque immanquablement Lost. L'architecture et l'ambiance soviétiques font irrémédiablement penser à Metro 2033 et S.T.A.L.K.E.R. : Shadow of Chernobyl. L'interface holographique des machines permettant d'améliorer l'équipement et les capacités du héros a très certainement été influencée par Dead Space, dont Singularity reprend également le principe du guidage à la demande. Il suffit en effet d'appuyer sur une touche pour que des traces de pas s'affichent au sol et nous indiquent clairement la voie à suivre. Quant aux possibilités de manipulation du temps, que nous allons détailler plus bas, elles ressemblent fort à celles déjà aperçues dans TimeShift. Comble de la malchance, du manque d'imagination, ou du plagiat par anticipation (allez donc savoir...), certains ennemis semblent même calqués sur ceux du futur Rage. Mais mettre sur le compte du hasard la présence de l'ensemble de ces références ne serait pas raisonnable. Plutôt qu'un défi aux statistiques, il s'agit manifestement d'un système érigé en principe de game design : celui d'une reprise forcenée et méthodique des meilleures idées apportées ces dernières années par la concurrence. Avec de tels ingrédients, la soupe ne peut certainement pas être mauvaise. Mais elle manque tout de même de saveur et d'originalité.
Cours de MT
Heureusement, Singularity peut compter sur son manipulateur temporel (MT) pour introduire un peu de piquant dans sa recette. Cet outil, que le héros finit par se greffer au bras gauche, permet différents tours de passe-passe. Une nouvelle fois, il n'y a rien qu'on ait vraiment jamais vu ailleurs, mais l'ensemble des possibilités de ce bijou technologique dopé à l'E99 le rendent très sympathique. Tout d'abord, tel le Gravity Gun de Half-Life 2, il permet de soulever certains objets et de rattraper au vol les plus gros projectiles. Il peut également lancer des sphères de chrono-énergie qui ralentissent le temps, histoire de s'accorder un peu de répit face à une vague importante d'ennemis ou de figer les pales d'un ventilateur géant qui bloque le passage, ou bien encore infliger une violente impulsion énergétique, qui repousse les ennemis au loin. De manière totalement anecdotique, il permet également de ramener en 2010 des objets déphasés en 1955. Cela aurait pu être l'occasion de poser au joueur quelques énigmes bien tordues, mais il n'en est rien. On s'en sert à deux ou trois reprises à des endroits prédéterminés pour attirer à nous une caisse ou un baril explosif, et voilà tout. Plus intéressant, grâce à lui, on peut transformer les soldats en horribles créatures, tellement assoiffées de sang qu'elles n'hésitent pas à se retourner instantanément contre leurs anciens camarades de régiment. Ces différentes capacités sont débloquées au fil de l'aventure, ce qui assure d'une progression permanente dans le gameplay. Mais la première d'entre elles est également la plus importante, et donc celle dont on se sert au final le plus. Il s'agit carrément de la possibilité de vieillir les objets, ou de les ramener à leur état d'origine. On peut s'en servir par exemple pour faire rouiller un cadenas et accéder ainsi à un placard auparavant verrouillé. Même principe pour les portes des coffre-forts, que quelques secondes suffisent à délabrer. A l'inverse, un escalier effondré retrouvera une nouvelle jeunesse et ouvrira un nouveau chemin, tandis que les débris d'une mallette de munitions se transformeront à nouveau en distributeurs de bonus plein à craquer. Ici, c'est un dispositif d'ouverture électronique de porte qu'on rétablira, tandis que là, c'est une armoire électrique qu'on déglinguera afin d'électrocuter les ennemis alentours. Mais la plupart du temps, les énigmes de progression faisant appel au MT se limitent à redonner sa forme initiale à une caisse brisée, afin de pouvoir grimper dessus et atteindre une hauteur autrement inaccessible. Ou bien à la glisser dans sa forme aplatie sous un rideau de fer trop abaissé, avant de lui redonner du volume pour forcer l'ouverture.
Plutôt qu'un défi aux statistiques, il s'agit manifestement d'un système érigé en principe de game design : celui d'une reprise forcenée et méthodique des meilleures idées apportées ces dernières années par la concurrence."
Ce genre d'interactions est hélas limité aux objets ayant été marqués à l'E99 (comprenez : aux objets choisis par avance par les développeurs), et ils ne sont pas bien nombreux. En revanche, on n'hésitera pas à faire usage du MT sur un maximum de soldats, qui vieillissent alors instantanément et se retrouvent transformés en squelettes bien inoffensifs. En ajoutant à cela un arsenal plutôt bien fourni et améliorable sur plusieurs niveaux (dégâts de chaque arme, capacités du chargeur, vitesse de rechargement), on obtient de multiples manières de se débarrasser des adversaires. De quoi s'amuser très honnêtement, mais hélas pendant peu de temps puisqu'il faut environ sept ou huit heures pour terminer la campagne solo. Un joueur pressé, qui ne prendrait pas la peine d'explorer les lieux et de s'intéresser aux messages audio et vidéo laissés à son attention, pourra même certainement se gâcher son plaisir en cinq petites heures. La version PC souffre par ailleurs d'un bug qu'on espère voir corrigé bientôt : parfois, le chargement de textures ne se fait pas assez rapidement et l'on peut observer des surfaces très peu détaillées. Un problème de l'Unreal Engine 3 déjà aperçu dans Bioshock ou Unreal Tournament III, mais qui ne durait alors qu'une ou deux secondes. Ici, il peut se passer plusieurs minutes pendant lesquelles on évolue dans des décors sérieusement dégradés. Pas de quoi se formaliser outre mesure tout de même, car ce n'est pas systématique et dans le feu de l'action on n'y fait pas toujours attention. Terminons par un mot sur le mode multijoueur, qui oppose une équipe de soldats à une équipe de créatures mutantes. Ces dernières évoluent en vue à la troisième personne, ce qui apporte un peu de renouveau au gameplay. Mais du succès commercial du jeu dépendra l'intérêt de ce mode multi. Sans personne à affronter, à quoi bon guerroyer ?