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En tout cas, cela fait vraiment plaisir de voir l’ancienne version relookée comme un sou neuf malgré une réalisation légèrement vieillissante. La plupart des joueurs qui n’avait pas eu l’occasion de découvrir le premier opus pourront désormais se rattraper. Malheureusement, les petits défauts qui englobent le jeu l’empêchent de se hisser au rang de maître et même si il reste aussi enivrant que l’original, il n’a pas toutefois la même saveur que ce dernier en son temps.
- Le remake d’un titan
- Gameplay en béton
- Mélange des genres
- Un réel sentiment de liberté
- Addictif
- Le vent soufflant toujours dans la même direction
- Scénario un peu léger
- Répétitivité de l’action
Bien malin celui qui devine que, sous une mine déconfite, se cache en fait l’un des plus illustres game designer de sa génération. Je parle évidemment de Sid Meier qui, au-delà de son nom, s’est véritablement imposé comme un label grâce à ses réalisations plus ambitieuses les unes que les autres. Si on dénote ainsi Railroad Tycoon ou encore Civilization sur le CV du Monsieur, Pirates! reste l’une de ses plus grandes œuvres et après un remake sur PC, c’est sur Xbox que l’abordage prend place.
Même s’il est sorti en 1987, Pirates! est et reste encore une source d’inspiration en la matière. Sid Meier nous propose de redécouvrir son titre légendaire sous un jour nouveau, mais respectant à la lettre les traits de son prédécesseur.
Pirates des Caraïbes
Acculés sous le poids des dettes, les membres d’une famille aristocrate ruinée se virent séparés les uns des autres et subirent les affres et l’humiliation de l’esclavage. Seul un jeune garçon parvint à s’en échapper et jura d’entreprendre sa vengeance à sa majorité et de retrouver les siens. Dix ans plus tard, il profita d’une mutinerie à bord d’un navire pour en prendre le commandement et accomplir sa promesse. C’est ainsi que le jeu se lance avec pour fil conducteur une histoire un peu simpliste mais qui va toutefois réussir à nous enivrer des heures entières, notamment grâce à un gameplay riche. Mariant habilement plusieurs genres, le fait de pouvoir aborder Pirates! de manières totalement différentes nous transpose rapidement vers un sentiment de liberté que l’on avait presque oublié dans un jeu vidéo. Mais commençons par le commencement. Nous sommes dans les Caraïbes au milieu du XVIIème siècle, l’âge d’or pour les pirates qui infestent la région. L’Espagne détient la majorité des ports mais ses ambitions expansionnistes sont vivement contestées par la France et l’Angleterre tandis que les Pays Bas semble nettement plus en retrait. Sans attache patriotique particulière, on ne concourt donc que pour amasser des pièces d’or, une valeur universelle sur laquelle tout le monde s’entend bien évidemment. Mais avant de partir à l’aventure, mieux vaudra se tenir informé des différents conflits ou périodes de trêve par le biais des gouverneurs de chaque port et retirer auprès d’eux une précieuse lettre de marque, synonyme du passage du statut de vulgaire pirate à celui plus prestigieux de corsaire vous autorisant le pillage des navires et villes adverses sans avoir à répondre de ses actes par la suite. Sur ces entrefaites, on est maintenant libre de mener sa vie comme on l’entend. Peut-être choisirez vous celle d’un chasseur de prime ou de trésor enfoui, peut-être celle d’un honnête marchand, d’un Don Juan en puissance ou bien encore d’un pirate sanguinaire. Bref, autant dire que les possibilités sont multiples et nous allons désormais nous attarder sur chacune d’entre-elles.
A l’abordage !
Toutes les villes sont calquées sur la même structure, abritant chacune un négociant avec qui l’on peut commercer, un constructeur naval qui se fera une joie de réparer, acheter ou bien améliorer votre flotte, une taverne et enfin le fameux gouverneur. Les seules différences notables se trouvent alors sur la population présente et sur son niveau de prospérité. Par exemple, les prix des cargaisons s’équilibrent en fonction de ces indices uniquement et non pas en fonction du jeu de l’offre et de la demande, c'est-à-dire que les marchandises sont vendues ou achetées à un prix strictement équivalent. C’est donc sur le transport de ces dernières que l’on peut se procurer une marge bénéficiaire intéressante. Ainsi, des épices négociées à 27 pièces d’or à Puerto Bello peuvent se vendre dans les 57 pièces sur le marché de Santiago. On peut donc s’orienter uniquement vers le commerce pour peu que l’on connaisse sur le bout des doigts les tarifs en vigueur. De même, un faible équipage sera amplement suffisant pour naviguer et réalisant ainsi des économies sur la nourriture. Et oui, il faudra en effet prévoir suffisamment de vivres pour faire de longues traversées, un équipage plus nombreux réclamant davantage de ressources, ne pas répondre à leur exigence serait s’exposer à une mutinerie. Mais le côté rébarbatif de ces traversées commerciales nous poussera bien vite à vouloir jouer dans la cour des grands et se tourner vers des activités plus « lucratives » comme l’abordage de galions remplis d’or ou le pillage des villes et villages. Et pour cela, il faudra mettre sur pied une armada digne de ce nom avec un équipage solidement entraîné, relançant de plus belle le problème de la nourriture. De même, il est impossible d’acheter un navire de manière légale et il faudra en premier lieu se contenter de piraterie de bas étage pour se constituer une petite flottille de cinq bateaux maximum. Heureusement, chaque nation tolère plusieurs incartades avant de vous fermer l’accès de ses ports et éventuellement mettre votre tête à prix. Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, il suffira de vous vanter de vos exploits auprès des gouverneurs adjacents qui pourront même vous anoblir pour vos actions. Par exemple, le rang de duc permet de recruter des hommes de manière plus aisée et de bénéficier d’une remise sur la réparation de vos avaries. En sus des différentes nations, vous pourrez trouver des territoires "neutres" comme des missions de Jésuites, des tribus indigènes ou encore des repaires de bandits.
"Ce fut admirable de découvrir l'Amérique mais cela aurait été mieux de passer à coté"
Non content de devoir nourrir son équipage, il faudra aussi veiller au bon moral des troupes ainsi que sur votre santé personnelle. De trop longues traversées en mer ou un manque d’ambition pourra faire perdre à vos acolytes toute confiance dans votre capacité à les commander et leur donner envie de regagner la terre ferme. Il n’y a alors qu’une alternative : soit vous réussissez rapidement à faire de grandes prises, soit vous leur donnez raison et partagez le butin amassé dès le début de l’aventure au port le plus proche. Vous toucherez bien évidemment une commission à hauteur de 5% à 25% selon la difficulté sélectionnée mais devrait presque repartir de zéro. J’entends par là que vous ne conservez qu’un seul navire, vos titres, un faible pécule et une poignée de fidèles prêts à vous suivre à nouveau contre vents et marées. A l’inverse, votre personnage vieillira au cours de vos pérégrinations et finira par subir lourdement le poids des années. Les matelots préférant toujours suivre un jeune homme solide comme un roc qu’un vieillard malade, on sera même contraint de prendre sa retraite au bout d’un certain nombre d’années. Le bilan de toutes vos actions sera alors rapidement passé au crible et, en fonction des points accumulés, on se retire avec un titre honorifique qui va de gouverneur à simple pêcheur. Evidemment, seuls les vrais loups de mers deviendront par la suite des hommes d’influences. Cerise sur le cake, on peut débloquer toute une pléiade de bonus divers à la fin de la partie. Des centaines de croquis, différents concepts de packaging, le making-of du jeu – qui n’a malheureusement pas été traduit dans la langue de Molière – ou encore de nombreuses vidéos. L’équipe de développement a décidé de tout nous faire partager, y compris ses plus profonds délires.
Je parle, je parle et on n’en vient toujours pas à l’essentiel. La carte a été quelque peu simplifiée pour l’occasion pour que les voyages maritimes ne soient pas trop longs et ainsi vous permettre de vous déplacer sans se perdre inutilement. La vitesse de vos déplacements reste conditionnée par votre habilité à jouer avec le vent voire la météo mais, petit bémol incompréhensible, le vent souffle sans répit vers l’ouest et ralentit donc de manière excessive tout voyage en direction inverse. Si vous mettez les voiles vers une zone portuaire, vous rencontrerez logiquement de nombreux navires de tout acabits : de la simple barque de pêche jusqu’aux colossaux bâtiments de guerre. Le bouton X permet de ralentir le temps et accessoirement d’afficher les caractéristiques des vaisseaux adjacents, une bonne manière de réfléchir et s’assurer qu’il n’est pas imprudent d’engager le combat. Dans ce cas, la caméra zoome sur l’action pour offrir une meilleure visibilité. Les joutes maritimes se résument à une multitude de manœuvres visant à se mettre dans un bon angle pour être à couvert des tirs ennemis et envoyer son adversaire par le fond dans un même temps. On peut alterner rapidement entre trois types de munitions ayant tous une particularité spécifique. Le boulet rond traditionnel permet de pulvériser la coque du navire adverse, on préférera le boulet enchaîné si l’on souhaite viser les voiles pour l’immobiliser et la mitraille pour mettre en compote les marins qui se trouvent sur le pont. Ne reste donc que l’étape cruciale de l’abordage pour s’approprier le vaisseau et sa cargaison. Il se peut que l’équipage adverse se constitue alors directement prisonnier si vous avez pris soin de le mettre particulièrement à mal auparavant mais, dans la plupart des cas, la victoire se fera par les armes, l’issue de la bataille entière dépendant du seul résultat du duel entre le capitaine rival et vous. Passant du jeu de stratégie à celui de jeu de réflexe, il faudra le toucher 5 ou 6 fois successivement en alternant entre les trois estocades disponibles et trois parades correspondantes. Et si les deux équipages s’affrontent également, ils n’ont en réalité qu’une influence très relative sur le cours des choses dans la mesure où il faut que l’un réduise à néant l’autre pour pouvoir l’emporter. Dans le cas d’une large infériorité numérique, le héros se chargera de nettoyer le pont des marins adverses pour peu que vous réussissez à appuyer en timing et sans erreur plusieurs séquences de touches. Quant au système d’assaut des villes portuaires, on change à nouveau du tout au tout en passant directement au jeu de stratégie au tour par tour. On commence par placer judicieusement ses unités sur une carte prédéfinie à l’avance en prenant en compte les prédispositions de ces dernières et du type de terrain puis, enfin, il faudra faire preuve d’astuce et de chance pour remporter la partie.
Sid Meier, mon amour
Sid Meier aura incontestablement laissé sa marque dans l’univers du jeu vidéo et Pirates! reste l’une des premières démonstrations de son génie, sur sa capacité à associer avec brio des éléments apparemment antagonistes, de mélanger subtilement les genres dans sa marmite sans jamais perdre de vue le désir du joueur : la liberté et du plaisir avant tout. Si Pirates! propose sa propre trame, elle n’est toutefois pas une fin en soi et le joueur a le loisir de ne pas la suivre et de la reléguer au second plan, voire même ne pas s’en préoccuper du tout, pour assouvir ses fantasmes. En effet, le titre regorge de quêtes de tout acabit. On peut par exemple fouiller les côtes à la recherche de trésors enfouis grâce aux indices glanés dans des taverne mal famées, ou encore courtiser les filles des gouverneurs en leur offrant moult bijoux et en acceptant leur invitation au bal. Bref, on pourrait tergiverser encore des heures durant mais il suffit simplement de retenir que Pirates! est doté d’un gameplay en béton. Le constat est un peu moins élogieux sur le mode multi qui se concentre sur les joutes navales mais il assume tout de même sa fonction première : la convivialité.