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Il aura fallu près de quinze années pour que le Prince de Perse retrouve enfin toutes ses lettres de noblesse. Ressuscité par les géniteurs de Sam Fischer, Prince of Persia : Les Sables du Temps est un petit bijou de gameplay doté d'un level design vertigineux. Ubisoft Montréal nous prouve, une fois encore, leurs talents de développeurs hors-pairs. Il serait dommage de passer à côté de ce conte au charme si envoûtant.
- Gameplay en béton armé
- Un mode Rewind enfin intéressant
- Level design ingénieux
- Un espace maîtrisé
- Un peu court
- Des énigmes un peu prises de tête
- Quelques bugs de collision
Son passage en 3D l’avait fait passer de vie à trépas et on pensait la série des Prince of Persia enterrée à jamais. C’était sans compter sur les talents de nécromancien d’Ubi Soft Montréal pour nous faire vivre à nouveau les contes des milles et une nuits. Notre beau Prince svelte est bien de retour et risque même de devenir une nouvelle référence en matière de jeux d’action/plates-formes.
Qui d’autre que le talentueux studio montréalais d’Ubi Soft, à qui l’on doit l’impressionnant Splinter Cell, pouvait exhumer au mieux notre Prince de Perse et lui redonner toute sa superbe ? Fraîchement récompensé par les Euro Cyber Games pour étant le meilleur studio de développement 2003, nos amis Canadiens avaient la rude tâche de refaire vivre une légende du jeu vidéo et croyez-le ou non mais la pente sur laquelle ils se trouvaient était bien glissante. Et pourtant, Prince of Persia : Les Sables du Temps fut LA grande surprise de l’E3 de cette année, allant même jusqu’à faire déplacer Shigeru Miyamoto (le papa de Mario) en personne, sur le stand d’Ubi Soft.
Il faut laisser le temps au temps
Y a-t-il réellement une recette imparable pour refaire vivre un mythe passé à la trappe ? Une bonne question qui ne trouvera malheureusement pas sa réponse ici. Toujours est-il qu’Ubi Soft a décidé de s’entourer des bonnes personnes et en l’occurrence de Jordan Mechner, déjà à l’origine du premier Prince of Persia. Pour ce quatrième opus de la série, Monsieur Mechner occupait le poste de consultant pour la création et le scénario du jeu. L’idée était donc de conserver le gameplay de l’épisode originel, tout en l’adaptant à la 3D. Tout d’abord, pour changer, l’idée de la princesse qui se fait enlever par le calife est mise de côté pour laisser place à une nouvelle intrigue. C’est en récupérant la dague du temps et en l’utilisant avec le sablier géant que tout bascule. Une malédiction vient alors frapper le palais tout entier, métamorphosant la plupart des occupants en des créatures enturbannées et quasi invincibles. Le seul moyen de les éliminer étant de leur porter un coup létal à l’aide de votre dague afin de récupérer le sable que chacun porte en eux. Et c’est en accumulant ces sables que vous pourrez utiliser le pouvoir de la dague, tant convoitée par le calife. A l’instar d’un certain Blinx, il sera possible de jouer avec le temps, soit en le ralentissant, soit en le remontant, tel le bouton rewind d’un magnétoscope et revenir à sa guise quelques secondes avant la bourde pour la corriger. Là où la mascotte de Microsoft s’était plantée, le titre d’Ubi Canada a su tirer profit de cet atout pour dynamiser les combats déjà bien dosés.
Acrobates des temps anciens
Sans avoir la prétention de révolutionner le genre, Prince of Persia : Les Sables du Temps jouit néanmoins d’un gameplay solide, notamment grâce à ses phases d’action, devenues presque chacune anthologique. Muni de son cimeterre et de sa dague du temps, le Prince de Perse sera opposé à des adversaires qui ont la fâcheuse tendance d’attaquer en nombre supérieur. Et c’est dans ces moments-là que le gameplay montre son extrême souplesse, en permettant au Prince de se servir du décor mais aussi de ses adversaires. Virevolter d’un ennemi à un autre, tout en prenant appui sur un mur ou leur passer dans le dos via la voie aérienne, se fait avec une intuitivité exemplaire. Une seule pression sur le bouton X est le tour est joué. Bien entendu, il sera possible de combiner les touches pour enchaîner plusieurs combos donnant ainsi plus de vie aux combats. L’effet bullet time, qui consiste à ralentir l’action, et les placements de caméra judicieux confèrent aux combats une nervosité et un style dans la plus pure tradition des films asiatiques. Notre héros peut aussi exécuter des roulades au sol et des saltos arrière pour esquiver rapidement les attaques ennemies. Et dans les moments les plus difficiles, sachez que si vous vous retrouvez à terre, il sera possible de se protéger et de parer les coups des adversaires. Grisant. Et si la faiblesse se fait sentir, boire un peu de flotte à une fontaine ou à un point d’eau permet de regagner de l’énergie.
Une architecture maîtrisée de bout en bout
En sus des phases d’action, que serait un Prince of Persia sans ses moments de plate-forme complexes ? Maintenant que la 3D permet un regard plus complet des formes géométriques et de se replacer dans son environnement, il va falloir prouver qu’on sait s’adapter rapidement. Le soft désireux d’être le moins directif possible, un exercice autre que l’utilisation de ses doigts est nécessaire pour trouver le chemin qui mène à la sortie d’une pièce. En d’autres termes, il va falloir user de sa matière grise. Pour cela, le bouton L2 s’avère être indispensable, permettant d’obtenir une vue d’ensemble éloignée pour ceux qui ne se sont pas encore adaptés au fait que la caméra se place automatiquement à certains endroits de la pièce. Néanmoins, vous pourrez à tout moment choisir l’angle de vue de la caméra à l’aide du stick analogique droit. Les différentes pièces du château (70 pour être précis) ont été pensées pour démontrer vos talents de voltigeur en proposant un level design vertigineux. Tout a été réglé au millimètre près afin de permettre au héros de faire corps avec le décor. On passe donc le plus clair de son temps à jouer les Tarzan en escaladant les corniches, bondir de colonnes en colonnes, s’accrocher aux rebords des parois ou bien encore virevolter sur des portes drapeaux. Et il faut voir avec quelle aisance le Prince est capable de se mouvoir sans se soucier outre mesure de l’inaccessibilité des lieux. Une simple pression sur le bouton R1 suffit à fouler du pied les murs et autres surfaces sans la moindre hésitation des mouvements, offrant une sensation de liberté totale. Il faut donc considérer le palais comme un personnage à part entière de part sa grandeur et son architecture imposante. Autre personnage clef du jeu est la présence de Farah. Cette jeune femme mystérieuse viendra vous épauler tout au long de votre périple, sans que le joueur ne puisse la diriger. Muni de son arc et de ses flèches, Farah vous sera d’une grande aide lors des nombreux combats. Elle sera tout aussi utile pour activer des leviers inaccessibles en se faufilant dans des trous de souris. Et comme dans tout conte des mille et une nuits, il faut donc envisager une histoire d’amour entre nos deux protagonistes faisant ainsi monter la température du palais de quelques degrés.
Un deuxième coup de maître ?
Prince of Persia : Les Sables du Temps bénéficie du même moteur 3D que celui Beyond Good & Evil du même développeur, appelé Jade (nom de l’héroïne imaginée par Michel Ancel, le père de Rayman). Un moteur qui permet d’afficher un environnement très détaillé, aussi bien en intérieur qu’en extérieur. Les graphismes y sont chiadés au possible avec des effets spéciaux et lumineux de toute beauté. L’effet de blur, quant à lui, permet de conserver le charme des contes des milles et une nuits tellement envoûtant. Le design des différents personnages est tout aussi réussi avec une évolution du Prince tout au long de son périple. Le jeune homme commence sa quête vêtu de son uniforme princier pour terminer torse poil à la fin du son périple, accusant les stigmates de ses affrontements contre le mal. Quant à l’animation, elle se montre exceptionnelle avec pas moins de 700 postures différentes qui ont été combinées pour permettre à notre héros de se mouvoir avec une crédibilité sans précédent. L’ensemble du soft ne bronche pas d’un cil proposant une fluidité exemplaire sans accuser un seul ralentissement.
Alors les concepteurs montréalais ont-il crée le jeu ultime exempt de défaut ? On traduira cela par une réponse négative à commencer par un petit détail qui frustrera les plus pointilleux d’entre vous. En effet le Prince n’est pas foutu de sauter par-dessus certains objets (des caisses par exemple) l’obligeant alors à les détruire à l’aide de ses armes blanches. Difficile à croire lorsqu’on le voit exécuter ses prouesses acrobatiques à faire pâlir un Tony Jaa (Ong Bak). On peut aussi reprocher au soft un rythme quelque peu haché dans sa continuité. Les combats se déroulent, pour la plupart, au terme d’une série de phases de plates-formes.De la plate-forme qui risque de rebuter les novices pas encore adeptes du timing et de la précision. Ceux-là risquent fortement d’être victime de calvitie précoce après moult arraches de cheveux. Des obstacles à refaire maintes et maintes fois jusqu’à en connaître le chemin par cœur ainsi que le timing parfait afin de pouvoir à progresser. Mais n’est-ce pas là non plus l’essence même d’un Prince of Persia qui nous empêche ainsi de le terminer en un claquement de doigts ?