Test Peaky Blinders Mastermind : c'est quand même moins brillant que la série tv sur PC
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Plaisant, agréable et relativement fidèle à la série, Peaky Blinders souffre tout de même d'un manque de moyens évident. Ses différents défauts peuvent être imputés à un budget de développement modeste, à commencer par un habillage minimal qui ne rend pas vraiment honneur au matériau d'origine, ainsi qu'à un nombre insuffisant de missions. Il appartient donc aux joueurs de savoir fermer les yeux sur les différentes lacunes de ce Mastermind, s'ils souhaitent en profiter sereinement. Car on aurait bien tort de jeter le bébé avec l'eau du bain ! Le gameplay à la Commandos/Desperados rehaussé d'une fonction de contrôle du temps fonctionne bien, et peut même constituer une bonne initiation au genre de l'infiltration tactique en temps réel.
- Le concept fonctionne bien
- Personnages et lieux reconnaissables
- Bande-son plutôt agréable
- Les deux dernières missions, plus longues que les autres
- Pas de replay après les missions
- Pas assez de missions
- Pas de vraies cinématiques
- Pas de doublage audio
Diffusée depuis 2013 sur la BBC et sur Netflix, la série britannique Peaky Blinders en est à sa cinquième saison et jouit d'une très bonne réputation dans le monde entier. Son scénario s'étend sur les (més)aventures d'un gang de criminels basé à Birmingham dans les années 20. Si la violence est naturellement de mise, ce sont finalement l'intelligence, les plans finement échafaudés, et la propension à avoir toujours un coup d'avance qui caractérisent le plus Tommy, le chef de famille. Autant de particularités qui ont manifestement inspiré le studio FuturLab qui, plutôt que de nous proposer un bête jeu d'action, a choisi de développer un émule de Commandos/Desperados mâtiné de gestion temporelle.
Voilà qui explique également le sous-titre "Mastermind", un qualificatif que l'on pourrait traduire en français par "tête pensante" et qui s'applique parfaitement bien à Thomas Shelby. Que les joueurs qui ne connaissent pas la série se rassurent, l'action du jeu se déroule avant même les événements de la première saison et fait donc en quelque sorte office de préquelle à cette dernière, même si les enjeux restent ici relativement modestes (pour simplifier : le clan Shelby affronte un autre clan). Les joueurs pas encore familiers avec l'univers Peaky Blinders sont les bienvenus et ne devraient donc pas se sentir perdus. Quant aux amateurs de la série, ils auront le plaisir de retrouver leurs personnages préférés (les membres principaux de la famille sont tous jouables) et même quelques lieux iconiques (notamment le quartier général et le pub The Garrison). En revanche, il ne faut pas s'attendre à un quelconque aspect cinématographique. Le jeu a manifestement été développé avec un petit budget, et cela se ressent en permanence. Ainsi les scènes "cinématiques" qui introduisent les différentes missions ne sont constituées que de dessins fixes. Ces derniers sont plutôt de bonne facture puisqu'on reconnaît sans peine les différents acteurs de la série, mais on aurait préféré pouvoir profiter de scènes en mouvement. De plus, les dialogues (traduits en français) qui accompagnent ces dessins sont uniquement textuels, les lignes se déroulant au simple son d'une machine à écrire. Ce point est d'autant plus regrettable que les accents typiquement birminghamiens de la série en VO participent grandement à son charme et son identité. Pour des questions de coût et de droits, les musiques du jeu ne reprennent pas non plus l'excellente bande-son des différents épisodes télévisés (Nick Cave and the Bad Seeds, Joy Division, Leonard Cohen, PJ Harvey, The White Stripes, Arctic Monkeys…). Cependant, les musiques de substitution remplissent plutôt bien leur rôle, les compositions du groupe anglais Feverist arrivant à distiller l'ambiance rock qui convient. Quant au moteur graphique, il joue la carte de la simplicité puisqu'on ne peut ni zoomer ni tourner la caméra. Étonnamment, les différents membres de la famille Shelby restent parfaitement reconnaissables dans cette vue de dessus, ce qui s'avère primordial pour le gameplay.
COMMANDO SHELBY AU RAPPORT !
Grosso modo, le jeu reprend les principes des Commandos et autres Desperados, et nous donne donc le contrôle de plusieurs personnages, qui doivent utiliser au mieux leurs capacités bien spécifiques afin d'éviter et d'éliminer différents gardes, dont l'activité de surveillance est représentée à l'écran par un classique cône de vision. Ainsi, Tommy peut persuader certains PNJ bien spécifiques de réaliser telle ou telle action (ouvrir une porte, aller chercher une clé…), tandis que le jeune Finn peut passer par certaines fenêtres et autres trous dans les murs. Les représentantes de la gente féminine sont quant à elles capables de traverser les champs de vision des ennemis sans éveiller leurs soupçons. De plus, telle Kate O'Hara dans Desperados III, Ada a la possibilité de distraire les gardes, et donc de raccourcir et détourner leur cône de vision, tandis que Polly peut crocheter les portails et soudoyer certains adversaires (afin qu'ils arrêtent purement et simplement leur surveillance). Si l'on souhaite un contact plus direct avec les ennemis, il faut faire appel à John et Arthur, les deux brutes de la famille. Ces derniers peuvent faire face aux gardes et les ruer de coup, avant de les achever d'un coup de casquette à lames de rasoir. Un détail qui fera plaisir aux amateurs de la série. Accessoirement, John est capable de brûler des barrières en bois à l'aide d'une lampe à huile, tandis que certaines portes ne peuvent être défoncées que par Arthur. Par ailleurs, chaque personnage peut porter un objet à la fois (clé, lampe à huile...), et éventuellement le passer à l'un de ses compères, lorsque leurs chemins se croisent. Les différents niveaux sont donc autant d'énigmes géantes, que l'on ne peut résoudre qu'en utilisant les bons persos aux bons endroits et surtout… aux bons moments ! En effet, la spécificité principale du jeu provient de la nécessité de synchroniser parfaitement les différentes actions de nos anti-héros préférés. Pour cela, on dispose d'un contrôle total sur le temps qui passe. Il est non seulement possible de mettre l'action en pause pour observer les décors et planifier au mieux nos opérations, mais également de rembobiner le temps d'un coup de gâchette gauche ou d'avancer rapidement d'un coup de gâchette droite (sur PC, le jeu est également jouable au clavier/souris mais l'ergonomie est meilleure à la manette). Ce principe évite également tout véritable game over, puisqu'il suffit de remonter le temps dès que l'un de nos personnages se fait repérer. C'est plus sympa et plus souple que de devoir recharger une sauvegarde.
LE MAÎTRE DU TEMPS
Tout le sel du jeu consiste donc à synchroniser au maximum les déplacements et actions des personnages, Finn se faufilant par une fenêtre pour ouvrir pendant deux secondes une porte à Ada, tandis qu'à l'autre bout de la carte, Arthur et John défoncent simultanément un couple de gardes après que Polly ait soudoyé un policier de manière à ce qu'il détourne les yeux de la scène. Afin de motiver le joueur à réaliser tout cela le plus efficacement possible, les différents objectifs doivent être réalisés dans un temps donné. Les amateurs de défis pourront même viser différentes médailles (or, argent et bronze) en fonction du temps mis pour terminer chaque mission, et essayer de récolter des montres à gousset cachées dans les décors. Concrètement, une mission se déroule de la manière suivante : on programme les actions d'un personnage, puis on remonte le temps afin d'en contrôler un autre, et ainsi de suite. Une frise chronologique, que l'on pourrait comparer à un logiciel de montage vidéo, est disponible en bas de l'écran. Chaque piste représente un personnage particulier et des icônes indiquent ses différentes actions et leurs durées. Cet outil aide à optimiser le trajet des différents protagonistes mais qu'on ne s'y trompe pas, c'est bien en prenant directement le contrôle de chaque héros qu'on "programme" ses actions. Ce concept est relativement original et plutôt agréable. On vous déconseille toutefois d'activer les aides, qui indiquent en permanence où doit se rendre chaque personnage.
Le jeu n'est pas très difficile et, surtout, ces aides ont tendance à nous faire réaliser chaque étape de la mission sans avoir pleinement conscience du plan général. De plus, autant rallonger au maximum la durée de vie… qui n'est pas bien élevée. Il suffit en effet de six heures pour boucler l'aventure. Ce n'est pas forcément un problème en soi (mieux vaut un bon jeu court qu'un jeu long et ennuyant), mais ici cela va de pair avec une impression d'incomplétude. Seulement dix missions sont accessibles et la plupart d'entre elles sont courtes et didactiques. Sur ces dix niveaux, seuls trois se détachent réellement. L'un d'entre eux nous fait par exemple vivre les hallucinations de Tommy, qui se retrouve par moments dans les tranchées de la première guerre mondiale. Mais ce sont surtout les deux dernières missions qui impressionnent car ce sont les plus longues, les plus grandes, et celles qui font intervenir le plus de personnages simultanément. Autrement dit, c'est au moment où on commence à vraiment s'amuser que le jeu se termine. On a presque plus l'impression d'avoir affaire à un excellent prototype ou à un énorme didacticiel qu'à un jeu réellement abouti. D'ailleurs, certaines capacités ne servent qu'une ou deux fois dans tout le jeu (c'est à l'avant-dernière mission qu'on nous informe que Finn peut dérober des objets aux gardes lorsqu'ils sont distraits par Ada), et même le tout dernier niveau nous présente un élément de gameplay supplémentaire (faire sonner des cabines téléphoniques pour faire diversion). Elément qui, forcément, ne pourra être réutilisé par la suite puisqu'on a alors atteint la fin du jeu. Dernier reproche notable : on aurait aimé que chaque mission réussie soit suivie d'une option de replay, ce qui nous aurait permis d'apprécier le ballet final des différents personnages et la parfaite synchronisation de leurs actions.