Test Past Cure : est-ce vraiment la première grande daube de 2018 ?
11 20
Clairement trop ambitieux par rapport aux moyens du studio indépendant qui l'a conçu, Past Cure ne risque pas d'emporter l'adhésion des foules. L'aventure est courte, parfois confuse et, surtout, ne propose pas un gameplay réellement convaincant. Mais l'ambiance est intéressante, le scénario (qui aurait pu être extraordinaire s'il avait été plus étendu et détaillé) pique l'intérêt, et on sent tout le long de l'aventure l'envie de bien faire des développeurs. Bref, le jeu ne mérite pas vraiment qu'on lui jette des pierres. Ni qu'on lui chante des louanges, hélas. Pour Phantom 8, ce coup d'essai n'est certainement pas un coup de maître mais, qui sait, le studio fera peut-être beaucoup mieux à l'avenir.
- Parfois joli (pour un jeu indé)
- Propose plein de choses
- Ambiance prenante
- Musiques réussies
- Parfois moche
- Ne réussit jamais vraiment rien
- Trop de questions laissées sans réponses
- Trop court
Past Cure est le premier projet de Phantom 8, un studio indépendant fondé en 2016 à Berlin et constitué de seulement une dizaine de personnes. Dans un tel contexte, de nombreux développeurs se seraient contentés de créer un petit jeu en gros pixels histoire de ne pas trop prendre de risques. Mais nos amis allemands ont décidé de voir grand, en nous proposant une aventure mêlant combats en motion capture, tir à la troisième personne, infiltration et aventure, le tout baignant dans une atmosphère de thriller psychologique torturé. Auraient-ils eu les yeux plus gros que le ventre ?
Ancien soldat engagé en Syrie, Ian a été capturé par une mystérieuse organisation pendant trois ans. Il en est ressorti sans aucun souvenir de ces dix-huit mois, mais doté de pouvoirs psychiques et victime de cauchemars récurrents. Voilà un point de départ intéressant, qui offre au joueur la possibilité d'agir à la fois dans la réalité et dans les rêves du héros. C'est ainsi que la première heure de jeu alterne entre des séquences oniriques et d'autres plus concrètes, afin de nous présenter l'étendue du gameplay. On commence par flinguer d'étranges et effrayants hommes en porcelaine, afin de prendre en main les mécaniques de tir à la troisième personne. Puis on découvre les deux pouvoirs psychiques du héros : la projection astrale et la perception du temps. Grâce à la première capacité, Ian peut sortir de son corps et explorer les environnements comme il le souhaite, dans un rayon toutefois très limité. On pourra éventuellement s'en servir pour voir si des adversaires nous attendent au détour d'un couloir, mais surtout pour déclencher quelques mécanismes à distance. Dans les séquences de cauchemar, cela permet de déclencher des interrupteurs colorés ; dans la réalité, de désactiver des caméras de surveillance afin de limiter les forces ennemies en présence.
Car à force de vouloir courir plusieurs lièvres à la fois, Past Cure ne réussit à en attraper aucun. Chaque pan du gameplay est largement perfectible et/ou totalement sous-exploité.
Plus classique, le second pouvoir est un bullet time à la Max Payne (qui semble clairement une référence pour les développeurs). On peut donc ralentir le temps afin de prendre de court les soldats adverses et de placer tranquillement quelques tirs à la tête (surtout qu'il en faut parfois plusieurs pour mettre certains ennemis à terre). Mais le jeu nous donne également la possibilité d'incarner un assassin discret, à base de déplacements accroupis, de parties de cache-cache derrière certains éléments de décor, d'études des rondes des gardes, et de mises à mort silencieuses si l'on arrive à approcher les ennemis par l'arrière sans se faire remarquer. Il est également possible de combattre au corps-à-corps grâce à un système de combo ultra simplifié (enchaîner trois coups de poing permet de déclencher un dernier coup fatal), et Past Cure nous propose même un chapitre particulier qui oscille entre le survival horror et le jeu d'aventures, avec quelques énigmes à résoudre.
CURE DE VITAMINES NÉCESSAIRE
Cette variété dans le gameplay est plutôt une bonne chose dans l'absolu. Cela évite la lassitude, et n'importe quel joueur un peu touche-à-tout appréciera d'avoir quasiment droit à plusieurs jeux en un. Ou plus exactement à plusieurs prototypes en un… Car à force de vouloir courir plusieurs lièvres à la fois, Past Cure ne réussit à en attraper aucun. Chaque pan du gameplay est largement perfectible et/ou totalement sous-exploité. Ainsi, l'aspect TPS aurait mérité un véritable système de couverture. L'infiltration est sommaire à cause de la vision inconsistante des gardes et de leur comportement basique, tandis que la possibilité de dérober un ennemi approché par l'arrière ne sert qu'une seule fois dans toute la partie. La baston à coup de poings est limité à une parade et un seul combo. Les séquences de cauchemars où l'on découvre nos pouvoirs psychiques en début de jeu ne reviennent pas par la suite, alors qu'elles se montraient plutôt prometteuses. Et les énigmes du chapitre aventure se comptent à peu près sur les doigts d'une main (un système de vannes, un système d'interrupteurs, une énigme textuelle et deux mini-jeux de type "poussage de blocs"). On reste clairement sur sa faim, et d'ailleurs il ne faut qu'environ cinq heures pour parcourir l'ensemble de l'aventure (avec un bon moment passé sur le boss de fin qui plus est). Dans ces conditions on pourrait être tenté de vouer directement le jeu aux gémonies, surtout que l'aspect technique souffle le chaud et le froid. Certains personnages sont très bien modélisés tandis que d'autres frisent le ridicule. Certaines animations sont réussies grâce à la motion capture, tandis que d'autres nous ramènent bien dix ans en arrière. Et il faut ajouter à ce tableau en demi-teinte la répétitivité de certains décors (coucou le passage dans le parking souterrain ultra-générique) ainsi que quelques menus problèmes de localisation (sous-titres qui passent en anglais durant quelques phrases ou encore traduction maladroite de "skeleton staff" en "squelettes"…).
On reste clairement sur sa faim, et d'ailleurs il ne faut qu'environ cinq heures pour parcourir l'ensemble de l'aventure (avec un bon moment passé sur le boss de fin qui plus est). Dans ces conditions on pourrait être tenté de vouer directement le jeu aux gémonies, surtout que l'aspect technique souffle le chaud et le froid.
Malgré tout, Past Cure possède une ambiance singulière et un scénario qui font plutôt mouche. Le combo "pouvoir psychiques + ancien soldat torturé physiquement comme mentalement + projet MK Ultra" est efficace et, au final, l'histoire constitue la motivation principale pour progresser dans l'aventure. On cherche en permanence à comprendre plus précisément ce qu'il se passe, à démêler les hallucinations de la réalité, à imaginer quelles sont les motivations de tel ou tel personnage, etc. Sauf que là aussi, le studio Phantom 8 loupe le coche. Une fois le générique de fin terminé, la plupart des questions restent sans réponses, et le scénario global reste à la libre interprétation de chacun. Si cette technique de poudre aux yeux peut marcher lorsqu'on est déjà connu et branchouille (les fans se chargeant alors de combler les trous et de tirer des plans sur la comète), elle est plutôt malvenue quand on débute et qu'on cherche à fidéliser un public. Malgré son ambition et sa bonne volonté, Past Cure aura donc bien du mal à trouver le sien...