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Un croisement entre Killer7 et GTA, voilà le raccourci facile qu’on pourrait employer pour qualifier No More Heroes, nouvelle signature de Monsieur Suda51. S’il emprunte bien la touche artistique du jeu de Capcom et quelques mécaniques de la série de Rockstar Games, No More Heroes reste une œuvre à part entière, avec sa propre identité et son bagout unique. Incarner Travis Touchdown, l’un des héros les plus attachants et charismatiques de ces dernières années, est un plaisir de tous les instants ; d’autant que la jouabilité adaptée à la Wiimote et au Nunchuk est, elle aussi, l’une des plus jouissives depuis la naissance de la Wii. Dommage en revanche que le jeu pâtisse d’une légère linéarité, ce qui casse quelque peu la fluidité de la progression. Qu’importe, No More Heroes est bien la preuve vivante que l’on peut faire des jeux à la fois créatifs et accessibles sur Wii.
- Travis Touchdown : la classe ultime
- Une vraie approche artistique
- Les nombreux clins d'œil
- Son côté GTA-like
- Jouabilité impeccable
- Univers complètement barré
- Des répliques cinglantes
- Passer aux WC pour sauvegarder
- Une ville qui manque de vie
- Une moto trop raide
- Trop de va-et-vient
- Quelques missions ennuyeuses
- A été censuré en Europe
Dans une industrie où la rentabilité mène la danse au détriment d’une créativité reléguée au second plan, certains acteurs militent à l’encontre de cet état d’esprit jugé réducteur. Parmi ces rebelles, on peut compter sur Suda51, connu et reconnu pour son travail effectué sur Killer7, OVNI sorti tout droit de son imagination un beau matin de 2005. Malgré l’échec commercial cuisant de sa première œuvre, Suda51 n’a pas l’intention de se laisser abattre, et avec le studio Grasshopper Manufacture, le bonhomme réitère sur Wii ce qu’il sait faire de mieux, à savoir des jeux à l’univers barré et à l’approche artistique unique. Quand on vous dit que ce mec est hors-normes…
Avec sa coupe de Tecktoman, ses lunettes top fashion, son t-shirt moulant, sa veste en cuir rouge, son jean troué et ses baskets vintages, Travis Touchdown possède la panoplie complète du jeune zonard qui erre dans les rues de Santa Destroy à la recherche d’un bon plan. S’il prend le temps de cultiver son look, Travis consacre aussi ses journées à pratiquer la lucha libre et à regarder des cassettes pornos dans son modeste appartement d’otaku. Des posters plein les murs, des étagères remplies de goodies et autres statuettes en résine et un frigo toujours vide, c’est dans cette garçonnière atypique que Travis peut se reposer entre deux missions. Car au-delà de son apparence de glandeur professionnel, Travis est un jeune homme ambitieux et la proposition que lui a faite Sylvia Christel – jeune blonde à forte poitrine et à la cambrure intéressante – lui a permis de se fixer un objectif, celui de devenir le number one killer de la ville. En plus de la carotte financière et d’une notoriété assurée, Travis a également l’intention de séduire la jeune femme, visiblement ouverte à toutes sortes de propositions. C’est le pitch de No More Heroes, un brin déjanté voire même décalé quand on s’amuse à creuser un peu plus dans cette histoire d’ego où tuer les grands pontes de Santa Destroy nous propulse au rang de superstar. La classe quoi.
Grand Theft Hero
Mais avant de pouvoir s’autoproclamer roi de l’assassinat et obtenir sa golden medal, Travis va devoir parcourir un certain nombre de kilomètres et enchaîner les petits boulots avant de pouvoir rencontrer les dix boss qui ponctuent l’aventure. Ceux qui ont l’habitude de jouer à GTA et qui ont eu l’occasion de vivre l’expérience Killer7 ont d’ores et déjà tiqué face à ses références sur lesquelles Suda51 s’est appuyé pour construire son jeu. Véritable ville à part entière, Santa Destroy est donc le lieu privilégié pour traîner ses guêtres lorsque l’appart’ de Travis ne suffit plus. Evidemment, parcourir ces kilomètres de bitume à pied ne serait pas raisonnable pour sa santé. Heureusement pour lui, notre petite frappe est en possession d’un véhicule à deux roues un peu particulier, la Schpel Tiger qu’elle s’appelle. Croisement entre un vaisseau spatial et une moto, l’engin motorisé de Touchdown est encore un de ces clins d’œil dont raffole Suda51. Une référence qui rappelle bien entendu la superbe moto de Kaneda, le héros d’Akira, le chef d’œuvre de l’animation de Katsuhiro Otomo sorti au début des années 90. Pas franchement souple dans sa conduite, elle a aussi la fâcheuse tendance à se renverser au moindre contact avec un autre bolide. Rassurez-vous, rien de rédhibitoire puisque Travis est invulnérable sur son char d’assaut. La Schpel Tiger est donc le seul moyen de transport pour que notre héros se rendre d’un point A à un autre. C’est d’ailleurs l’un des points faibles du jeu, à savoir les incessants aller-retours d’un lieu à un autre pour soit permettre à l’aventure d’avancer, soit réaliser quelques petits boulots facultatifs pour que Travis gagne en expérience mais surtout fasse gonfler son portefeuille. Même si la ville offre une superficie acceptable, les balades se résument souvent aux mêmes endroits si bien qu’au bout de plusieurs heures de jeu, se balader dans Santa Destroy fait davantage office de corvée que d’une véritable découverte.
Car au-delà de son apparence de glandeur professionnel, Travis est un jeune homme ambitieux et la proposition que lui a faite Sylvia Christel – jeune blonde à forte poitrine et à la cambrure intéressante – lui a permis de se fixer un objectif, celui de devenir le number one killer de la ville.
Une sorte de GTA donc mais en version allégée, aussi bien dans son approche qu’au niveau de la réalisation. Bien moins imposante que le Liberty City de GTA III, Santa Destroy manque surtout de vie. Les rues sont généralement vides et les quelques passants qui circulent ici et là se résument à marcher bêtement, et ne se donnent même pas la peine de fuir la route lorsque Travis débarque à toute berzingue avec son tank à deux roues. A l’instar de la série de Rockstar Games, le jeu peut s’appréhender de deux façons. La première, qui consiste à enchaîner les missions obligatoires, permet d’avancer dans le jeu et suivre les péripéties de notre otaku fougueux. La seconde lecture, plus libre, permet de prendre du bon temps et de profiter des avantages que peut nous offrir Santa Destroy. S’il est évidemment de bon ton de passer à la boutique vintage pour s’acheter le dernier t-shirt à la mode ou la dernière paire de pompes qui va bien, Travis peut aussi s’amuser à sculpter son corps à la salle de muscu, ramasser les détritus au sol pour jouer son rôle de bon citoyen, tondre la pelouse d’un voisin ou bien encore aider un commerçant à récolter des noix de coco. Une façon comme une autre de combler le vide.
Psycho logique
Mais s’il y a un bien un point à retenir de No More Heroes, au-delà de sa touche graphique exceptionnelle ponctuée de pixel-arts et de ses dialogues corrosifs, c’est bien sa jouabilité efficace, appuyée par un système de combat ultra chiadé. En effet, à l’heure où la prise en main dite révolutionnaire de la Wii fait débat, Grasshopper Manufacture assume ses différences et ose prendre le marché à contre-courant. Contrairement aux réflexes imposés par la Wii, les attaques dans No More Heroes ne se réalisent pas en gesticulant la télécommande comme un demeuré pour tenter de sortir un coup valable. Ici, tout est simplifié à son maximum et c’est la touche A qui fait office de nerf de la guerre. On se contente alors d’appuyer sur ladite touche pour enchaîner les attaques, et lorsque la barre de vie de l’adversaire approche du néant, il est possible de l’achever d’un simple coup de poignet, en suivant le pictogramme qui s’affiche à l’écran. Un finish him plutôt jouissif qui se conjugue à un système de locke qui permet de cibler sa cible rapidement, de tourner autour d’elle mais aussi d’esquiver les attaques en réalisant des roulés boulés sur les côtés. Mieux, en appuyant sur la gâchette B au moment d’étourdir l’ennemi, il est alors possible de réaliser quelques mouvements de catch (le sport favori de Travis, rappelez-vous) à l’aide de la Wiimote et du Nunchuk. L’interactivité avec la Wiimote va encore plus loin dans le sens où il faudra parfois se servir de la zappette comme téléphone en approchant le haut-parleur à son oreille pour écouter une conversation. Inattendu et épatant.
Mais le challenge de No More Heroes ne serait pas aussi relevé sans la présence de ces dix boss à exécuter pour devenir le patron de Santa Destroy. Ils représentent en effet l’aboutissement de tout un acheminement progressif où chaque rencontre est un moment assez unique. Entre le vieux yakuza amateur de vin de qualité et porté sur les grosses lames, le cow-boy chanteur has-been ou bien encore la femme fatale aux allures de samouraï, il y a de quoi créer des situations et des conversations anthologiques ; chose qu’a mis en place Suda51, pointilleux sur le moindre détail, surtout celui qui tue. Parfois crus, les dialogues instaurent un climat souvent corrosif entre notre bourreau et ses victimes, si bien qu’à la fin de l’interlude entre les deux protagonistes, on attend toujours la petite phrase qui marquera les esprits. Et souvent, la surprise est de taille. Non vraiment, hormis une ville modélisée de façon succincte, une moto aussi raide qu’un balai et quelques missions ennuyeuses, No More Heroes se révèle être un jeu jouissif, pour peu qu’on adhère aux concepts décalés.