15 20
Aussi fou que cela puisse paraître, le caprice Ninja Gaiden : Dragon Sword est presque un coup de maître. Compte tenu de la puissance du support, le titre constitue une petite prouesse technique que l’on prend plaisir à découvrir. Vif, brutal et saignant, il respecte les fondamentaux artistiques de la série, à défaut de pouvoir exhiber la même assurance lorsque l’on touche au gameplay. Avec son seul mode Normal au démarrage, Ninja Gaiden DS impose une première traversée que les amateurs auraient certainement aimé éviter. De plus, même les moins pointilleux noteront que les circonstances et la prise en main n’offrent pas la technicité caractéristique de la série, même si les contrôles ont le mérite de se montrer à la fois intuitif et évident.
- Hayabusa comme on l'aime : vif, brutal et saignant
- Techniquement remarquable
- Aucune fausse note dans l'animation
- Prise en main intuitive et évidente…
- …qu'elle fasse perdre en précision et en technicité
- Challenge qui manque de piquant en mode Normal
- Durée de vie toute légère
Toutes les stars ont leurs petits caprices ; même dans notre industrie vidéoludique. Après avoir été élevé au rang de dieu vivant par les fans les plus hardcores d’action et d’hémoglobine, Tomonobu Itagaki était en mal de challenge. Avec des sbires d’ores et déjà acquis – à tort ? – à la cause des aventures haute-définition de Ryû Hayabusa, l’ex-homme fort de Team Ninja et de Tecmo s’est mis en tête de créer un Ninja Gaiden sur une machine aussi atypique et grand public que celle au double écran et au stylet. Pour quel résultat ?
Le premier point qui est censé alerter tout apôtre de Hayabusa qui se respecte concerne la technicité de cet opus nomade. Avérée et motif de vénération dans les Ninja Gaiden tri-dimensionnels, l’exceptionnelle qualité du gameplay cuisiné par l’ex-chef de la maison Team Ninja a, en temps normal, de quoi faire pâlir quelques licences issues du jeu de combat. En basant sa réputation sur une maîtrise parfaite des notions de hitstun et blockstun, la série imposait une prise en main rigoureuse, pour ne pas dire un skill confirmé, tranchant radicalement avec ses concurrents, plus bourrins, avec en tête de liste un certain Kratos notamment. La légitimité des interrogations est toute naturelle compte tenu du manque de puissance du support, et se retrouve même renforcé une fois que l’on a pris connaissance de la maniabilité particulière du titre. Comme nous le demanderait ce bon vieux Professeur Kawashima, ou encore Hotel Dusk, ici, nous devons tenir la console verticalement, avec à gauche, l’affichage de la carte sur l’écran supérieur de la machine, et à droite l’action qui se déroule donc sur l’écran tactile. Ninja Gaiden : Dragon Sword nous demande d’abandonner notre croix directionnelle et les touches qui ornent la console, celles-ci n’étant utiles que pour se maintenir en position de garde. Tout le reste passe par un maniement assidu du stylet, où de petits tapotements successifs servent à l’utilisation des armes de jet, les tracés pour les saignants coups de katana, et la reproduction grossière de kanji au déclenchement d’une incantation. Bien sûr, la command list de Ryû ne s’arrête pas à quelques shurikens et quelques vastes coups de sabre, et c’est avec grand plaisir que l’on retrouve, en variant nos mouvements, un aperçu assez conséquent de la palette dont disposait notre ninja dans le premier volet, Izuna Drop compris. Un bref mouvement vers le haut permet d’effectuer un saut, et dans les nombreux puits et autres cheminées qui parsèment les niveaux, répéter l’opération permet de les escalader acrobatiquement en prenant appui sur les murs. Du grand classique, et qui s’effectue avec une aisance aussi agréable qu’étonnante, voire évidente. Du moins dans un premier temps. Car très vite, ce que l’on pensait être une adaptation réussie laisse entrevoir quelques approximations (logique, le tout étant coordonné par l’écran tactile), pour ne pas dire limites, qui entraînent quelques beaux bordels à l’écran, nous poussant davantage à gratter les ennemis dans tous les sens, plutôt qu’à chercher la beauté du geste. Dommage.
Hardcore, jusqu’alors
Compte tenu des difficultés liées à une adaptation parfaitement fidèle du gameplay, on aurait pu penser que Team Ninja se serait efforcé à nous livrer une aventure aussi éprouvante que ses homologues de salon. Malheureusement, ici encore, une amertume persistante dérangera les initiés. Pour commencer, le titre ne propose qu’un mode de difficulté "Normal" lors de la première partie, et pour tout vous dire, celui-ci s’apparente davantage à une promenade de santé plutôt qu’au trip hardcore auquel nous étions en droit de nous attendre. Trop facile malgré le déluge d’ennemis, il se permet également le luxe de proposer une majorité de boss un peu trop faiblards pour qu’on puisse les prendre au sérieux. De plus, au même titre que le reste de la fratrie qui tourne sur cathodique et autres plasmas, le bestiaire de Ninja Gaiden DS ne brille pas par son QI, loin de là. Certes, leurs gifles peuvent faire très mal, mais globalement, pas de quoi trembler devant l’assistance qui se contente souvent d’encaisser masochistement les coups de savate. On aurait pu espérer que les dégâts enregistrés se montrent déterminants, mais là encore, c’est la déception avec une moyenne d’un point de sauvegarde tous les trois écrans. Salvateurs pour certains, honteux pour d’autres, ils ont pour capacité de restaurer automatiquement notre jauge de vie, tout comme celle l’utilisation des sorts, ce qui obligera les plus fous à les éviter afin de rester dans le rouge. En fait, le principal obstacle viendra surtout du confinement des lieux visités, ou encore des perspectives qui s’adaptent à la disposition des niveaux, entraînant un manque de lisibilité de l’action. S’il ne se loupe véritablement à aucun niveau, Ninja Gaiden : Dragon Sword accumule tout de même ces quelques défauts qui ne plairont pas aux fans, mais qui ne se montrent pas rédhibitoires pour autant. En effet, pour rattraper ces désagréments qui gêneront principalement les fans, Team Ninja nous livre ici une véritable pépite technique, qui saura faire son effet, quoi qu'on en dise. C’est à une véritable prouesse, que nous assistons ici, tant Ryû se montre agile et particulièrement bien animé, ne faillant à aucun moment dans l’exercice si périlleux de la fluidité. De leur côté, les modélisations ne sont pas en reste, avec notamment une mention spéciale pour la taille des boss, parfois admirable. Et s’ils n’offrent pas toujours la résistance d’un char d’assaut, on appréciera l’intensité parfois persistante des nuées d’ennemis qui nous assaillent, bonnement addictive et jubilatoire. Si en Ninja Gaiden : Dragon Sword ne coule pas l’essence hardcore que l’on était en droit d’attendre, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’un très bon jeu d’action, malgré une durée de vie un peu brève.