11 20
- Très joli graphiquement
- Donner vie à son QG
- De nombreuses techniques à apprendre
- Scénario antédiluvien
- Trop classique
- Manque total de dynamisme
Ni remake, ni suite directe du Brave Fencer Musashiden de Squaresoft paru en 1998 sur PlayStation, Square Enix nous sort de son chapeau un inattendu Musashi : Samurai Legend. Contrairement à son aîné, celui-ci a l’honneur de sortir en Europe, par l’intermédiaire d’Atari. Preuve que les temps changent, et que les mentalités s’élargissent en même temps que les horizons commerciaux. Square Enix + Action-RPG = bonheur ? Pas forcément...
Certes, au départ il a plutôt la classe notre preux bretteur. Lui, ainsi que les deux autres principaux personnages du jeu ont l’honneur d’être dessinés par le très bon Nomura Tetsuya, chara designer de la majorité des Final Fantasy. L’artiste emprunte ici un style à mi-chemin entre Takei Hiroyuki (Shaman King) et Harada Takehiko (Disgaea) couplé à un cel shading aux contours tracés au marqueur, pour un résultat très moderne et pas désagréable, mais fortement typé avec des paluches et des petons démesurés de façon assez grotesque. L’introduction, un dessin animé complètement déluré, rappellera un peu FLCL, et pour cause Square Enix a fait appel au studio d’animation Gainax. Et alors ? Rien, c’est juste que le contraste entre le dynamisme de l’introduction et le rythme réel du jeu est flagrant.
L’autre Miyamoto
Cette vision moderne de Miyamoto Musashi (1584-1645), popularisé au cinéma par Mifune Toshiro, en littérature par Yoshikawa Eiji, ou encore en manga par Inoue Takehiko, conserve sa technique de combat à deux sabres. Il dispose même d’une certaine classe, jusqu’à ce qu’il se mette à parler, doublage anglais assez insipide oblige, sans oublier les traductions enfantines façon Nintendo. Notre samurai arbore une cool attitude et une insouciance qui le place assez loin de l’image que l’on a de celui qui s’appelait en vérité Shinmen Takezo, et on l’imagine assez mal se mettre a rédiger le Traité des cinq roues, recueil qui expose l’art de vivre martial et philosophique du maître.
Déjà-vu
La réalisation est indéniablement le point fort de cette production. Les couleurs sont vives, et la carrure des ennemis de très bonne facture, mais le tout rame et pas qu’un peu. Le frame rate ne tient tristement plus la route dès que l’on débarque dans un espace un peu vaste, ce qui ne fait qu’aggraver le manque de pêche dont souffre cette aventure. Tristement surprenant pour du Square Enix, le scénario est bateau, mal mené et surtout mal rythmé. Il nous emmène dans un monde pas original pour un sou et complètement déstructuré dans lequel le samurai à la mèche folle se voit téléporté sans que l’on sache quoi que ce soit sur le personnage. Et le voilà qui part à l’aventure sans se poser une seule question, guidé par un vieux chat maître en art du sabre. On a connu plus motivant comme prologue, et la suite ne s’avère guère plus réjouissante. Jugez plutôt : la compagnie dirigé par le diabolique Gandrake et ses cinq généraux, puise dans un ressource naturelle de la planète afin de fournir le peuple en énergie. Cela vous rappelle quelque chose aussi ? Si encore Musashi avait l’honneur d’être un clone mou de Final Fantasy VII, il serait sans doute déjà excellent. Mais en réalité, rien à voir, et ce n’est pas faute d’avoir collé des scènes à moto de temps à autre. Ici on donne plutôt dans du Kingdom Hearts bas de gamme, mâtiné d’un infime soupçon du génie qui caractérise la série Suikoden, pour le QG à faire prospérer.
Musashi City
Effectivement, le peuple qui a fait appel à vos services vit dans l’Anthédon, une cité volante dépeuplée de ses habitants. Il ne tient qu’à vous de libérer ces 28 quidam enfermés dans des sphères, tout au long de votre périple. Chacun ayant des services plus ou moins intéressants à remplir : on trouve en vrac un boulanger pour vendre du bon pain riche en HP, un inventeur, une bibliothèque, une voyante, un forgeron pour améliorer son katana etc… C’est ici le petit côté plaisant à la Suikoden, qui consiste à peupler son quartier général, en beaucoup plus limité évidemment. Surtout que l’architecture de la cité est lamentablement triste, circulaire sur trois étages, on finit par en avoir marre de se traîner d’une porte à une autre, tant ce lourdaud de Musashi traîne la patte. Les cycles du jeu sont découpés par la découverte des cinq princesses et des cinq épées élémentaires qui les accompagnent, chacune d’entre-elle permettant à la cité volante d’aller plus loin pour ainsi accéder à un nouvel endroit. Vous avez bien lu, il y a donc six zones en tout et pour tout. Mais elles sont vastes, et afin que le jeu tienne une vingtaine d’heure, l’astuce consiste à le parsemer de petites quêtes peu intéressantes, comme pécher un poisson pour permettre au cuistot de préparer son chili-de-la-mort-qui-tue (appellation authentique qui vous donnera une idée de l’esprit de la traduction) de telle sorte qu’on se retape gaiement les mêmes zones. Musashi accède à de nouveaux secteurs grâce à l’acquisition des facultés habituelles que sont le double saut, grimper aux arbres, marcher sur l’eau etc.
Mal aux jambes
Mais le vrai passe-temps de Musashi c’est de porter des princesses. A tel point que le jeu en fait une vraie private joke, à ceci prêt que, drôle, le jeu ne l’est à aucun moment. On comprend vite que l’on devra régulièrement se coltiner le retour de donjon avec une nouvelle princesse, aux jambes carencées en calcium, dans les bras. L’image est romantique. Mais le plus drôle, c’est qu’on peut s’en servir pour cogner sur les ennemis, et figurez-vous qu’un coup de princesse fait deux fois plus mal qu’un coup de katana. Ce séducteur de Musashi peut aussi projeter sa donzelle en l’air pour frapper autour de lui, et la récupérer ensuite. Bref, cette vision nouvelle de la galanterie séduira peut-être les princes charmants en herbes, mais n’aurait-il pas été plus intéressant de devoir prendre soin de sa protégée, plutôt que de s’en servir comme barre à mine ?
Le mot clé de ce Musashi : Samurai Legend est : classique. Vous vous dîtes peut-être : "Il est blasé". Pourtant non, et même si nous autres Européens sommes en manque de références contemporaines dans le domaine de l’Action-RPG, le fait est que tout ici sent le vu et revu des centaines de fois. Sans charme, le studio 7 de Square Enix n’a pas réussi à mélanger les ingrédients de façon imaginative. Les musiques apparaissent quant à elles terriblement inégales, avec un penchant pour l’électro-rock anodin. Autant dire que là aussi on est loin des meilleures prestations de la compagnie. Le duo Junya Nakano et Masashi Hamauzu, respectivement responsables des bandes son de Final Fantasy X et de SaGa Frontier 2, ne font d’ailleurs pas vraiment parti de ma track list, mais reconnaissons tout de même quelques extraits qui sortent du lot grâce à une orchestration très pure, notamment les thèmes des princesses. En revanche le titre s’en sort un peu mieux sur le plan de la jouabilité. Même si il semble peu flexible au premier abord et surtout peu dynamique, le personnage de Musashi se révèle rapidement assez complet, de par sa faculté d’assimiler les pouvoirs ennemis ! Tourbillon, coup aérien, dépeçage façon sashimi, rien d’inédit dans tout ça, mais au moins la variété offensive est au rendez-vous. Pourtant, même à ce niveau il manque quelque chose, sans que l’on sache trop quoi. Ah si, peut-être un minimum d’inventivité dans le game design. Il n’y a pas à dire, sur ce coup, la soupe est vraiment tiède chez Square Enix.