Test Like a Dragon Ishin : pas vraiment un remake, plutôt un remaster
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Marketé comme un remake avec son nouveau moteur graphique, Like a Dragon Ishin n’est en réalité qu’un remaster à qui on a boosté ses cinématiques. Passées les cutscenes améliorées et la modélisation impeccable des personnages, le jeu reprend ses droits et affiche ses lacunes techniques, qu’elles soient dans ses animations à la rigidité cadavérique, ses bugs, son déséquilibrage et même la structure globale du jeu (au secours les allers-retours incessants). Forcément, avec un titre sorti il y a bientôt 10 ans, difficile de faire des miracles (à moins d’une refonte totale). Mais la force des jeux Yakuza, c’est aussi leur immersion, les nombreuses activités et leur histoire qui réussissent à transporter le joueur dans un voyage presque onirique. Il faut dire que jouer l’une des grandes figures samouraïs de la fin de l’ère Edo, Sakamoto Ryôma en l’occurrence ici, avec en prime le visage de Kazuma Kiryu, ça n’arrive pas tous les jours. Et pour peu que vous soyez sensibles à la série et que vous souhaitez retrouver des vieux personnages tués dans les précédents épisodes, ressuscités dans des rôles différents, il y a de quoi se laisser transporter. Oui, il y a une certaine pénibilité à jouer à Like a Dragon Ishin en 2023, mais il y a aussi un certain plaisir coupable qu’il est difficile de cacher.
- Ambiance immersive
- La fin du Shogunat racontée avec les persos de Yakuza
- Quatre styles de combat bien différents
- Un jeu qui déborde d’activités
- Qualité des sous-titres français
- Un jeu mal équilibré
- Le redondance des allers-retours
- Animations bien rigides
- Techniquement daté
- Clipping assez honteux
- Pas mal de bugs quand même
- C’est un remaster, pas un remake
Fort d’une popularité grandissante en Occident depuis maintenant quelques années, la saga Yakuza (qu’on doit désormais appeler « Like a Dragon ») peut aujourd’hui se permettre de tenter l’impossible, à savoir proposer la restauration d’un spin-off vieux de 10 ans. En effet, longtemps réservé au public japonais, l’épisode Ishin est enfin arrivé chez nous, dans une version vendue comme étant à mi-chemin entre le remaster et le remake (on va en débattre hein). Cerise sur le sushi, SEGA a même débloqué un peu de budget pour que le jeu soit entièrement sous-titré en français. Alors, champagne ou bien ?
Neuf ans, c’est donc le temps que le public occidental aura dû attendre pour enfin découvrir Yakuza Ishin dans les meilleures conditions possibles. A l’époque, SEGA ne s’était pas encore séparé de Toshihiro Nagoshi, le créateur de la série (qui vogue aujourd’hui pour les Chinois de NetEase), et n’avait pas non plus renommé le nom de cette saga désormais culte aux yeux de nombreux joueurs, notamment les initiés. L’arrivée de ce Like a Dragon Ishin a d’ailleurs une saveur assez particulière, car non seulement c’est la première fois qu’il est exporté officiellement hors des frontières japonaises, mais en plus, il permet de nous transporter dans le Japon féodal, durant l’ère Edo. Ce choix historique n’est pas anodin, car il correspond à ce moment clef du Japon où le pays a décidé de ne plus vivre en autarcie et de s’ouvrir au monde. Une décision qui n’a pas été acceptée par l’ensemble du peuple japonais, frileux à l’idée de voir débarquer les étrangers sur leurs terres, eux qui arrivent avec leur mentalité laxiste et leurs armes à feu dévastatrices. C’est à partir de ce postulat que le scénario de Like a Dragon Ishin a été concocté, avec cette idée d’incarner un certain Sakamoto Ryôma, sans doute l’un des samouraïs les plus célèbres de l’histoire du Japon, et retravaillé pour les besoins du jeu. Avec le faciès de l’acteur Takaya Kuroda, le personnage de Sakamoto Ryôma peut alors s’inscrire comme étant l’ancêtre de Kazuma Kiryu, le héros de la série principale. On fera de toutes les façons en sorte que ce soit le cas, puisque les deux protagonistes partagent les mêmes valeurs, comme ce besoin d’aider systématiquement son prochain. Les liens de parenté et les clins d’œil envers les jeux Yazuka canoniques vont même plus loin, puisque d’autres acteurs ont été recastés pour incarner un personnage certes différent dans l’histoire d’Ishin, mais au caractère identique. Goro Majima par exemple incarne Soji Okita dans le jeu, personnage lui aussi historique du Japon durant le Bakumatsu.
YAKUZA ORIGINS
Cette familiarité va ainsi nous permettre de rentrer plus facilement dans cette histoire de code d’honneur bafoué, de traitrise et de vengeance, même si en vérité, à part le setting et quelques mécaniques de gameplay, Like a Dragon Ishin reste sensiblement identique aux précédents Yakuza. On va en effet retrouver la même structure de jeu avant l’arrivée de l’épisode 7 qui a pas mal chamboulé les codes de la série, et ce retour aux sources est loin d’être désagréable, surtout quand on est un tantinet sensible au Japon féodal. Déambuler dans les rues d’un Kyoto du début du XIXème siècle procure en effet de belles sensations, d’autant que le centre-ville regorge de magasins, restaurant et autres petites échoppes traditionnelles qui font mouche à tous les coups. On a même droit à la version ancestrale du célèbre Don Quijote, enseigne ultra populaire du Japon d’aujourd’hui où l’on vend de tout et n’importe quoi sur des étages entiers. L’ambiance est là, avec ses rues animées, ses passants qui invitent à la discussion et parfois ses scènes de foule qui accaparent totalement notre attention, au point souvent de nous détourner de la quête principale. Like a Dragon Ishin fait d’ailleurs comme les autres Yakuza, il regorge de missions secondaires, aussi utiles que futiles, allant de la simple quête FedEx à des histoires secondaires qui permettent de faire connaissance avec des personnages parfois attachants, comme cette maman désespérée que son fils – adulte – ne sorte plus de sa chambre. Geekerie ? Dépression ? Fainéantise ? Rien n’est trop superficiel pour que Sakamoto Ryôma mette son grain de sel dedans.
Là où ce Like a Dragon Ishin parvient à se distinguer des autres jeux Yakuza, c’est dans son système de combat, adapté aux besoins historiques et scénaristiques. Avec la fin du Shogunat et l’arrivée des Occidentaux et de leur héritage, Sakamoto Ryôma peut compter sur quatre styles de combat qu’il peut changer en temps réel d’une simple pression de bouton : Swordsman, Gunman, Brawler et Wild Dancer. Swordsman fait appel aux compétences liées au katana, parfait pour se prendre pour un véritable samouraï et faire couler des hectolitres de sang. D’ailleurs, sur l’hémoglobine, le jeu ne fait pas dans la demi-mesure. Les joueurs allergiques à la moindre coupure et plaie peuvent alors choisir la technique du « Brawler » (et non du branleur), qui consiste à se battre uniquement avec ses poings et ses pieds. On se rapproche alors un peu plus du gameplay des autres Yakuza, offrant de multiples possibilités de combo et de prises de catch toujours aussi amusantes. La technique du Gunman, comme son nom l’indique, permet de faire usage d’armes à feu et donc de prendre de la distance par rapport aux adversaires. Un style qui peut paraître figé de prime abord, mais rapidement, on se rend compte que les développeurs ont prévu pas mal de chorégraphies pour dynamiser le tout, avec des exécutions souvent sympathiques à contempler. Reste alors le Wild Dancer qui consiste à marier le meilleur du sabre avec le pistolet, et qui multiplie alors les possibilités de combo.
Chaque style possède son arbre de compétences, basé sur un système d’orbes à valider selon les points d’entrées proposées. Le jeu est d’ailleurs tellement généreux dans les compétences à débloquer qu’il va falloir farmer un maximum si l’on souhaite pousser son personnage au maximum. Dégâts améliorés, combos étendus, contre-attaques, santé boostée, selon ses affinités et son style préféré, on fera en sorte d’améliorer tel ou tel style de combat en priorité. A cela s’ajoute aussi une mécanique de cartes à collectionner permettant d’ajouter des effets supplémentaires pour améliorer les compétences de Sakamoto Ryôma. Booster certaines attaques, ralentir le temps, distraire les ennemis ou se soigner en plein combat, ces ajouts pimentent les affrontements qui n’en avaient pas vraiment besoin. En effet, hormis les boss, les adversaires que l’on croise partout dans les ruelles font davantage office de sacs à PV que de véritables adversaires dignes de ce nom. En choisissant le style Gunman, il est même possible de les abattre à distance sans vraiment de difficulté. C'est d'ailleurs l’un des points fâcheux du jeu, à savoir son déséquilibrage global qui rend les combats nettement moins intéressants que les autres Yakuza, alors qu’il faut un temps fou pour éliminer un Boss qui aura tendance à abuser de leurs patterns d’invincibilité.
BEAU DE LOIN, LOIN D'ÊTRE BEAU
Pas bien équilibré, Like a Dragon Ishin accuse aussi le poids des années dans la structure de ses zones ouvertes, plus petites par ailleurs que les récents Yakuza (ce qui est assez logique, il est sorti il y a bientôt 10 ans), avec des allers-retours incessants entre sa chambre du Shinsen-gumi, l’auberge et les PNJ qui n’ont pas toujours des missions très intéressantes, soyons honnêtes. Dans le fond, c’est même assez rébarbatif de devoir passer son temps à voguer entre les trois grandes zones qui constituent le jeu, surtout que notre pauvre Sakamoto Ryôma s’essouffle assez rapidement. Il y a évidemment la possibilité d’augmenter sa jauge de course ou d’utiliser les voyages rapides, mais dans un contexte comme celui du Japon féodal, on a quand même envie de jouer l’immersion totale. Autre désillusion avec ce Like a Dragon Ishin, c’est sa plastique, pourtant aguicheuse dans les trailers, puisque SEGA avait énormément communiqué sur les cinématiques et du changement de moteur. Oui, cette version 2023 est plus belle que le jeu sorti en 2014, mais à part la modélisation des visages et quelques textures qui ont été mises à jour, l’ensemble est assez décevant. C’est surtout dans les animations que le jeu aurait eu besoin d’un vrai coup de polish, car pour l’heure, le jeu apparaît ultra rigides dans certains mouvements. SEGA nous l’a vendu comme un remake, mais il s’agit en réalité d’un remaster à peine déguisé, même avec ce changement de moteur 3D.
Là où Like a Dragon Ishin arrive à s’en sortir, c’est dans la représentation de ce Japon d’époque, séduisant par son ambiance et tous les à-côtés qui font de ce jeu un bel hommage à une période que beaucoup auraient voulu connaître, nous les premiers. Parce que oui, un Yakuza se vit aussi par ses nombreuses activités annexes, et de ce point de vue-là, Like a Dragon Ishin se montre plus que généreux. Danse de Buyo, karaoké, courses de coqs, jeux de dés (Cho-Han), jeux de cartes (Poker, Koi-Koi, Oichoi-Kabu), Shi-Fu-Mi, pêche, concours de buvette de saké, concours culinaire dans un râmen bar, séduction avec des geishas, l’esprit Yakuza et ses mini-jeux complètement déjantés est respecté, le tout transposé à l’ère Edo, et ça, c’est un vrai plaisir coupable.