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Trêve de mauvais esprit, il est inutile de s’attarder davantage, nous n’empêcherons ni les impératifs commerciaux de faire tourner le monde, ni les sorties indésirables de jeux à licences bâclés, mais nous pouvons toujours mettre les gens en garde : les enfants aussi ont le droit de jouer à de bons jeux.
- Cale très bien la table bancale de la salle à manger.
- La bande son n’irrite pas, mais elle est bien la seule.
- Honteusement court.
- Honteusement, tout court.
Attention les yeux, aujourd’hui nous vous proposons du lourd, du concentré ! THQ a récemment commercialisé, simultanément avec la sortie du film éponyme, l’adaptation vidéoludique du Pôle Express, commise par son studio australien Bluetongue. Les adaptations de film jouissant de la réputation qu’on leur connaît, "Surtout ne pas partir avec des a priori", me répétais-je consciencieusement au moment d’allumer la console innocente. Malheureusement, le miracle de Noël n’aura pas eu lieu pour le coup.
Si vous fréquentez un peu les salles obscures, vous n’aurez pas manqué de remarquer le matraquage autour de la dernière production du tandem Tom Hanks/Robert Zemeckis auquel on doit par exemple la très culte trilogie Retour Vers le Futur. Adapté d’un bouquin de Chris Van Allsburg, Le Pôle Express (actuellement en salles) tient le rôle du conte de Noël familial de cette fin d’année 2004. Tom Hanks y est l’interprète principal, numérisé à l’aide d’un procédé en vogue, la Performance Capture. Cette technique d'animation consiste à créer des personnages virtuels à partir de la prestation d'un acteur de chair et de sang, captée au moyen de caméras numériques reliées à un ordinateur. Bref c’est un pur dérivé de la Motion Capture dont nous avons déjà beaucoup parlé dans le jeu vidéo, sauf qu’ici le moindre frémissement facial peut être reproduit et qu’un même acteur peut interpréter plusieurs personnages antithétiques en modifiant la taille, la corpulence, ou la forme du visage. Hanks incarne ainsi dans ce film non seulement le contrôleur dégarni du train polaire, mais aussi le petit garçon ! L’acteur joue en tout le rôle de six personnages, et non seulement ça fait faire des économies de frais d’acteur mais sachez pour la petite histoire qu’on envisage, dans un avenir pas si lointain, de se servir de cette technologie pour "employer" des acteurs après leur mort. Elle est pas belle la vie ?
Hassan Cehef. C’est possible !
Certainement développée en une semaine (et encore, sans les mains) cette merveilleuse production vous met dans la peau du petit garnement que nous sommes tous, et qui attend fébrilement minuit, en cette sainte nuit du 24 décembre. En lieu et place du traîneau de Santa Claus, c’est ce tas de ferraille de Pôle Express qui fait escale devant la chaumière fumante. Le mioche est invité par Tom "SNCF" Hanks à monter à bord, direction le Pôle Nord, les cadeaux, l’amour, l’amitié, les sapins, la neige, la bière et tout le reste. Sans même prendre le temps de s’habiller d’ailleurs, bien vu le coup du peignoir qui évoque inconsciemment la silhouette d’Harry Potter. Pour cette adaptation à mille lieux de celle du célèbre magicien, Bluetongue a réalisé un amalgame de mini-jeux s’emboîtant maladroitement les uns dans les autres, entrecoupés de quelques scènes du film. Lâché au milieu des autres gniards, il vous faudra supporter des ressorts dramatiques d’une nullité affligeante, les doublages effroyables en ce qui concerne les personnages secondaires, et l’absence totale de charisme de l’aventure. Si on ajoute à cela une réalisation de petite envergure, pour l’émotion et l’enchantement il faudra aller voir ailleurs. Chacun des mini-jeux est un modèle de vacuité en terme d’intérêt. En fait, ils représentent tous un ersatz de styles plus ou moins en vogue, comme les quelques séquences musicales, où il faut retenir des séries de quatre boutons et les reproduire en rythme. Chose assez incroyable, les développeurs semblent ignorer le sens du mot « progression ». Par exemple, tous les mini-jeux de type musicaux sont strictement identiques en terme de difficulté, aucun ne sera plus dur qu’un autre pour corser un peu le jeu en fin de partie. On peut aussi parler des séquences « infiltration », dont l’intérêt se situe proche du zéro absolu (- 273.15, le Pôle Nord c’est Ibiza à côté). Le reste est majoritairement vaguement orienté plates-formes. Il s’agit de se débarrasser des vilains jouets rebelles avec ce qui nous tombe sous la main (nourritures, peluches) pour se frayer un chemin entre les wagons. Aucune réflexion ne sera davantage requise dans les séquences de glisse, inutilement longues et creuses. Mais le pompon est sans conteste décerné à la séquence de "tennis", laquelle réussit l’exploit d’être moins subtile qu’une partie de Pong !
Pire Express
Je vous ai néanmoins gardé le meilleur pour la fin ! Montre en main, ce succédané de jeu vidéo se boucle en… 2h30 ! Et sans se dépêcher s’il vous plaît. Le jeu n’est pas vendu 5 € mais 50 €, ce qui pose tout de même un léger problème de rapport longévité/prix. Vous ais-je parlé des deux mini-jeux annexes utilisant la caméra EyeToy ? Non ? Ce n’est pas grave. Pour répondre aux mères de famille qui se demandent si mettre Le Pôle Express sous le sapin représente un bon investissement susceptible de satisfaire sa progéniture grasse, nous répondrons oui, mais seulement si l’enfant a été très très méchant cette année.