15 20
- Du concentré de bonne humeur
- Univers aussi bordélique que chatoyant
- Des dizaines d’heures de jeu
- Personnages craquants
- Système de jeu encore frais et prenant
- Moins abouti que Disgaea
- Une répétitivité inhérente au genre
Après avoir tenté une incursion en Europe avec Disgaea l’année dernière, Koei récidive en distribuant prochainement deux autres Tactical / RPG de Nippon Ichi sur notre territoire. Que faut-il attendre de l’aîné de Disgaea, sorti au Japon il y a déjà 3 ans ? Réponse avec ce test import.
Mise à jour de notre test import réalisé le 31 janvier 2005.
Commençons par remettre les choses à leur place. Trois T-RPG signés Nippon Ichi débarquent chez nous : La Pucelle : Tactics, prévu pour avril, est le plus ancien du trio, mais il est celui qui nous arrivera en dernier, puisque l’excellent Disgaea est apparu chez nous l’année passée et que Phantom Brave, le petit dernier, sera lui disponible dès février. Débarquant après Disgaea et Phantom Brave, La Pucelle : Tactics devra donc user de ses plus beaux atours s’il veut se faire remarquer au milieu de cousins plus jeunes et plus aboutis. Trois longues années nous séparent effectivement de la sortie japonaise du jeu original et on pourrait facilement penser que cette production est d’ores et déjà obsolète et dépassée. Pourtant, un certain charme persiste à nous faire fondre.
Irrésistible
Nippon Ichi fait du RPG, mais il n’est pas Square Enix pour autant. Un jeu Nippon Ichi n’est en effet pas une super production née pour rafler tous les prix de beauté et exploser les records de ventes. Non, lorsqu’elle n’est pas à l’origine de simulations de japoniaiseries trop peu fédératrices pour le joueur occidental (l’exemple de simulations de chaînes cablées ou de cuisine devrait suffire), la petite société née en 1993 s’illustre dans le RPG/T-RPG. Couleurs chatoyantes, character-design kawai à la limite de l’irrésistible et musiques orchestrales somptueuses, fruits du compositeur Tenpei Sato à découvrir, sont autant d’ingrédients donnant ce goût si particulier aux titres de la société. Episode annexe à la série des Marl, La Pucelle en reprend les Nya, mignons petits chats crétins et vicelards, mascottes de cette dernière, mais en oublie pour autant les personnages principaux, de toute façon inconnus sous nos latitudes. De Disgaea, on retrouve cette fois-ci la fraîcheur et la volupté des protagonistes, et s’il ne s’agit pas du même character-designer, Nomura Yoshiharu a croqué l’ensemble des personnages atypiques de La Pucelle. Il suffit d’ailleurs de jeter un coup d’œil aux screenshots et aux artworks pour tomber sous le charme de la griffe Nippon Ichi. Si le franponais (japonais émaillé de quelques mots français) employé par Vyers de Disgaea vous faisait déjà tordre de rire, La Pucelle : Tactics vous achèvera. Le titre est d’ailleurs déjà assez évocateur en soi.
Alors que Disgaea nous narrait quelques chroniques de l’Enfer, La Pucelle fait la part belle au monde de la lumière, le Clergé, les églises, la purification de l’âme, les Divinités et Calamités, et tout le tutti quanti. Dans le paisible Royaume de Paprica, où l’on prie la Déesse Poitrine, réside l’organisation de La Pucelle, groupe de Saints et Saintes, pas toujours très catholiques, chargé d’éradiquer divers démons. La tumultueuse sœur rouquine Prier, 16 ans, et son petit frère Culotte, 12 ans, sont deux orphelins employés par l’organisation religieuse du père Salade, sous la direction de leur aînée, Sœur Alouette (celle qui rit quand on la plume). Les premiers chapitres de l’aventure révèleront les prémices d’une guerre Sainte à venir contre une organisation ecclésiastique surpuissante, l’Eglise de la Mère Divine. Heureusement donc, ou malheureusement c’est selon, pour son arrivée en Occident La Pucelle n’aura même pas été victime de modifications de ses noms, pourtant on ne peut plus grotesques pour des oreilles francophones. La manœuvre de localisation aura sans doute été jugée inutile puisque le jeu lors sortira en Anglais, voix et textes, dans notre pays. Nippon Ichi pousse le trip franchouillard dans absolument tous les lieux et personnages du jeu, et ce ne sont pas sœur Olive, le port Mayonnaise, le mercenaire Croix Raoul, le Capitaine Homard, et tant d’autres qui nous contrediront.
Votre aventure commence dans la ville de Pot-au-Feu (tiens je l’avais oubliée celle-la), quartier général de La Pucelle, où vous faites connaissance avec votre trio infernal de départ. Prier l’extravertie, malgré ses accès de colère répétés et son refus de l’autorité, rêve de devenir la « Maiden of Light », plus haute distinction du genre. Culotte est le petit frère souffre-douleur, et pas seulement à cause de son nom peu viril, et Alouette est une jeune enseignante spécialiste des coups de Bible (sur le crâne de Prier, notamment) et dont le passé s’est effacé de sa mémoire. Après ces présentations et une fois le jeu en main, on se rend compte que les déplacements au sein de la cité ont été bigrement simplifiés puisqu’on dirige son avatar sur une seule ligne, de droite à gauche donc, le bouton X servant à intéragir avec les personnages ou à pénétrer dans d’autre lieux. Cette ravissante cité de départ, peuplée de badauds aux préoccupations au moins toutes aussi existentielles que celle du vieil homme qui veut savoir si les démons femelles sont aussi sexy qu’on le dit, sera votre unique lieu de repos, encore qu’il suffit d’aller sur la carte du monde pour retrouver toute son énérgie. Comprenant quelques lieux pour bavarder comme l’orphelinat, ou le restaurant de nouilles, la cité met surtout une boutique à votre disposition, pour vous ravitailler et remplir les quatre slots de chaque personnage. Ces emplacements sont par ailleurs complètement indépendants, et si vous désirez vous équiper de 4 objets de protection, sachez que rien ne vous en empêche. Autre aspect intéressant, en devenant bon client, vous aurez la possibilité d’influer sur les stocks mis à votre disposition, en réclamant par exemple davantage d’armes ou d’objets plus chers (mais aussi plus efficaces). Le jeu se découpe en différents chapitres et le premier d’entre eux nous familiarise avec le système de combat, cœur de ce Tactical-RPG aux phases de recherches anodines.
La Pucelle : Tactics “I'm going to be the Maiden of Light !”
Les possesseurs de Disgaea se retrouveront ici en terrain connu, puisque La Pucelle comporte les mêmes bases, mais avec toutefois moins de possibilités. Avant le système des Geo Panel, Nippon Ichi avait ainsi conçu celui des Dark Portal, des cristaux d’où émanent des lignes d’énergie. Générateurs d’ennemis au bout d’un certain nombre de tours, il convient donc de les détruire impérativement, provoquant ainsi des réactions en chaîne pouvant entraîner des coups spéciaux si certaines conditions sont remplies. Par exemple si vous arrivez à dévier les énergies des Dark Portal de façon à former un flux circulaire, et que vous les détruisez ensuite, tout ennemis se trouvant à l’intérieur du cercle sera victime d’une puissante invocation, l’attaque « Miracle ». Détruire des Dark Portal à la chaîne permet également de renforcer votre équipement. Mais revenons aux bases, vous dirigez donc vos unités les unes après les autres dans une aire isométrique relativement moche, disons-le. Les commandes sont simplissimes, et outre purifier les Dark Portal, vous n’aurez que le choix entre l’attaque basique ou les attaques spéciales (contre quelques MP) que vous gagnerez au fur et à mesure de votre expérience. Comme dans Disgaea, la subtilité des affrontements réside alors dans les attaques groupées, et il s’agit de placer vos personnages proches les uns des autres avant de lancer une attaque sur un pauvre ennemi qui se fera alors agresser par le groupe tout entier. La Pucelle : Tactics apparaît alors suffisamment stratégique pour mériter son nom, mais il est à noter qu’une partie des événements restera au bon soin du hasard. Les skills (aptitudes) se déclenchent par exemple de façon complètement aléatoire (il peut s’agir d’un coup critique, ou d’une protection renforcée), et même chose pour vos adversaires. Ainsi, un coup critique tuant sans crier gare votre meilleure unité peut tout à fait inverser le cours d’un match qui semblait jusqu’alors bien engagé. Notez également que chaque lieu comporte plusieurs champs de batailles et qu’il est parfois possible de choisir son chemin. Chaque chapitre peut alors se clore de deux façons, avec la bonne ou la mauvaise fin, et pour la bonne, il faudra commencer par ne rater aucune case spéciale, celles-ci déclenchant des scènes spécifiques.
Contrairement à Disgaea, où Laharl avait tout le loisir d’employer des sbires parmi différentes classes de guerriers, il ne sera ici pas possible de recruter des gens au sein de l’organisation de La Pucelle. Pour agrandir votre équipe, et ainsi faire face aux monstres de plus en plus redoutables, ce sont donc les ennemis eux-mêmes qu’il faudra enrôler ! Pour se faire, vous disposez de la commande Purifier (la même qui sert à détruire les Dark Portal) afin de convaincre l’ennemi de vous rejoindre après sa défaite ! Et voici comment on arrive après quelques heures de jeu à une équipe de 8 personnages composés d’individus aussi exotiques que des chauves-souris géantes, des ours mal léchés, des hippopotames efféminés ou des zombies squelettes. Ces bestioles aux âmes purifiées par vos soins disposent de commandes spéciales disponibles dans le menu "entraînement" qui pourront booster leurs capacités offensives ou défensives. Cependant un entraînement trop sévère ferait dégringoler leur jauge de bonheur au plus mal, auquel cas l’animal risquerait de vous fausser compagnie.
Concernant le levelling, prenez garde, puisque ici seuls les personnages qui achèvent un ennemi récoltent les points d’expérience, et ce n’est que dans le cas d’attaques groupées que les XP seront répartis équitablement. Il faut donc faire attention à ne pas délaisser un personnage en retrait, sans quoi son retard de niveau deviendra compliqué à rattraper. Mais la principale différence constatée avec Disgaea, lors des combats, est le changement de mode de représentation lorsqu’une attaque s’engage. On quitte ainsi la carte en 3D isométrique pour basculer sur une vue latérale, où les belligérants s’attaqueront à tour de rôle comme dans un RPG classique. On perd en dynamisme ce qu’on gagne en esthétisme, les très beaux écrans 2D étant bien plus agréables que les frustes ornements des champs de batailles isométriques. Plus facile et accessible que Disgaea au premier abord, le jeu devient toutefois rapidement corsé, et vous obligera à ne pas négliger vos séances de montées en puissance. Pour prolonger la comparaison avec le petit frère surdoué, La Pucelle : Tactics est surprenant à bien des égards, car malgré son âge certain il se paye le luxe de ravir davantage les yeux que Disgaea ! Les décors sont effectivement bien plus nombreux et surtout plus travaillés, et chaque lieu visité pendant les cut-scenes ressemble à un tableau d’œuvre d’art. Les couleurs utilisées sont une bénédiction pour des yeux réceptifs aux charmes des bourgades simples et des campagnes resplendissantes. Esthétiquement vieillot mon jeu ? Que nenni.
Et de toute façon qu’importe la qualité visuelle tant qu’on se prend à pouffer de rire devant le grotesque des situations ou devant les caractères attachants des personnages. Prier, l’héroïne, est absolument géniale dans le plus pur style de la jeune fille hystérique et hargneuse. Il faut la voir et l’entendre jurer comme une charretière en donnant des coups de pieds de brutes pendant les combats. Avec son attitude souvent impertinente et contradictoire envers les sphères sacrées qui l’emploient, elle est aussi la porte-parole d’une certaine moquerie envers les instances religieuses. Cela permet mine de rien au joueur profondément athée de ne pas s’inquiéter outre mesure, car si le jeu baigne dans l’eau bénite, le ton est aussi provocateur et dérisoire que celui employé pour dépeindre les vicissitudes des Enfers de Disgaea. Le plus surprenant reste quand même cette façon qu’à Nippon Ichi de créer des univers délirants et légers pour mieux nous prendre brusquement par les sentiments. Il arrive en effet à l’histoire de dériver (jamais trop longtemps, mais tout de même) de façon très sérieuse sur des sujets larmoyants comme la jalousie fraternelle, la solitude, l’amour à sens unique ou encore l’amnésie. L’ensemble est saupoudré d’une ambiance musicale enjôleuse, avec son thème d’introduction chanté sublime et une bande-son qui, à l’instar de cette production toute entière, dispose d’une véritable identité. Quant aux bruitages et aux voix de cette version occidentale, des comédiens de doublages réputés ont été sollicités et le résultat est résolument plaisant à tous les niveaux. Malgré quelques baisses de régimes passagères, les comédiens semblent prendre leur pied, même ceux incarnant les Nya, chargés de miauler stupidement, c’est dire à quel point la bonne humeur et la vivacité qui émanent de La Pucelle : Tactics sont communicatives. Et vous, qu’attendez-vous ?