Test Killer7 : un jeu comme on n'en a jamais vu ! sur PlayStation 2
16 20
- Déjà culte !
- Esthétisme affirmée
- Plus qu'un jeu, de l'art !
- Créatif au possible
- Gameplay déroutant mais original
- La grande richesse du scénario
- Plusieurs niveaux de lecture
- Réalisation soignée
- Ambiance personnelle et unique
- Des énigmes peut-être un peu simples
- Durée de vie moyenne
- Une expérience à vivre jusqu'au bout
- Ne plaira pas à tout le monde
Qui sont donc les agents Smith ? Qu’est-ce que Killer7 ? Hiroyuki Kobayashi est-il un génie ou un fumiste ? Sommes-nous, avec Killer7 face à un jeu vidéo stricto sensu ? Autant de questions auxquelles nous n’allons pas forcément répondre dans les lignes qui suivent.
En effet, comment décrire l’indescriptible puisque Killer7 est avant tout une expérience personnelle à vivre et à apprécier. Au-delà du trop manichéen schisme entre ceux qui vont adorer et ceux qui vont détester, il se pose même la question de savoir si on doit appréhender et donc, pour notre métier de critique, noter Killer7 comme n’importe quelle autre production issue de l’industrie du jeu vidéo. L’idéal serait de se dédouaner de cette interrogation en vous invitant, oh chers lecteurs, à tenter par vous-même l’expérience Killer7 afin de vous forger votre propre opinion. Malheureusement pour moi, cette argumentation a peu de chances de vous convaincre et je m’en vais donc vous conter la façon dont j’ai perçu ce… jeu ( ?).
LIBRE... D'AIMER
Déroutant est inévitablement le qualificatif qui vient à l’esprit quand commence le voyage dans le monde de Killer7. Entre un parti pris graphique osé, un gameplay ne se pliant pas aux canons du genre, des personnages incongrus et des dialogues surréalistes, le joueur comprend vite qu’il n’est pas face à un jeu lambda. Passé donc le temps d’adaptation nécessaire pour le commun des mortels, on apprend à apprivoiser la bête et surtout, très vite, on constate que le gameplay de Killer7 n’est que le support d’une œuvre pensée par Hiroyuki Kobayashi. En effet, si on a déjà pu disserter sur le système de contrôle du jeu de Capcom, il se révèle à l’usage extrêmement simple : une touche pour avancer, une autre pour faire demi-tour, le stick gauche ne servant qu’à viser les ennemis lors du passage en vue à la première personne ou à choisir une direction ou un objet quand un embranchement se présente. Le jeu se déroule en effet sur des rails et votre liberté d’action est quasi nulle. Ce qui pourrait passer pour un énorme défaut pour 99% des jeux se justifie totalement pour Killer7 puisque on sent là la volonté d’un créateur de nous faire découvrir son œuvre de la façon dont il l’a conçue dans son fond et sa forme (ndr : deux concepts assez réducteurs, je le reconnais). La liberté va se situer alors ailleurs, dans la perception et l’analyse que nous allons avoir du scénario et de ses tenants et aboutissants. Si certaines clefs vous seront fournies tout au long de l’aventure, ne vous attendez pas à une révélation finale pareille à celle d’un film de M. Night Shyamalan et sans rien vouloir vous gâcher, sa conclusion va laisser de nombreux points en suspens. Si cette démarche n’est pas inédite dans d’autres médias, David Lynch en étant l’exemple le plus évident avec une œuvre telle que Mulholland Drive, elle est, autant qu’on s’en souvienne, unique dans l’univers du jeu vidéo. Si une suite éventuelle aurait pu éclaircir plusieurs lanternes, le flop commercial enregistré au Japon risque bien de clore définitivement une éventuelle série mais également d’aider à la création d’un culte évident pour ce jeu.
LA FIN DE L'INNOCENCE
Le scénario de Killer7 a plusieurs niveaux de lecture. On peut très bien l’appréhender comme la lutte de 7 tueurs professionnels, archétypes de tueurs, générés par la schizophrénie d’un personnage central face à une menace terroriste. Le choix du chiffre 7 ramène, bien évidemment inévitablement, aux sept samouraïs ou à sa sublime déclinaison, les sept mercenaires. Pour cette couche supérieure de l’oignon Killer7, je vous incite d’ailleurs à lire ou relire la preview du jeu qu’avait réalisée Maxime où tous les personnages sont détaillés en long et en large ainsi que les bases du gameplay. Je ne vais pas vous refaire ici tout ce descriptif pour m’attarder davantage sur les thèmes abordés par Killer7. C’est là que le jeu prend tout son côté adulte, au-delà des images chocs ou violentes qui peuvent le pimenter. Le thème de la fin de l’innocence et, par corollaire, celui du passage à l’adolescence, me semble être en filigrane tout au long de votre cheminement. Entre la frustration sexuelle évidente émanant de plusieurs scènes, les références à un âge doré désormais achevé, une fureur contenue, la révolte contre ses géniteurs ou l’utilisation détournée d’objets liés à l’enfance (une poupée, des simili Power Rangers), les pièces du puzzle s’assemblent pour donner une cohérence à l’œuvre de Hiroyuki Kobayashi. Au petit jeu des références, on peut même à s’amuser à interpréter certains indices tels que la date de naissance d’un personnage essentiel du jeu : le 22 novembre 1942, soit 21 ans jour pour jour avant l’assassinat de JFK à Dallas par – officiellement – Lee Harvey Oswald, marquant là aussi la fin d’une certaine période d’innocence pour les Etats-Unis. Cela n’est que mon interprétation du scénario de Killer7 et vous en aurez, sans doute, une autre perception. Vous pourrez, également, vous amuser à décrypter certains indices mais les deux derniers niveaux ne feront que parachever une thématique justifiée par le scénario. Les références politiques sont également présentes avec des relations conflictuelles explicites entre le Japon et les USA et seront même symbolisées dans le jeu par des affrontements de symboles culturels populaires, non sans une certaine dose d’humour d’ailleurs. Ces petites respirations sont les bienvenues tant l’univers de Killer7 sait parfois être oppressant, entre rapport et esthétique SM, folie contenue ou exprimée et ennemis (les Smiles) n’incitant pas spécialement au sourire.
AILLEURS...
Il faut dire que les partis pris artistiques de Killer7 lui confèrent une ambiance, là encore, unique. Dans le travail sur l’image, tout d’abord, puisqu’on ne peut pas à proprement parler de cel-shading, le travail sur les ombres étant original et la volonté de "brûler" parfois l’image lui donnant une esthétique immédiatement reconnaissable. Les caméras imposées ont permis également de proposer des angles de vue particulièrement intéressants malgré le fait que bien des situations se déroulent dans des espaces fermés (couloirs, pièces,…). Les voix (en anglais sous titré), les bruitages et, surtout, les musiques, ont également bénéficié d’un travail remarquable. Ces dernières deviennent d’ailleurs, de plus en plus réussies au fil de votre progression pour s’achever dans un magnifique générique de fin. On sera, par contre, légèrement, moins enthousiaste sur les cris qui accompagnent vos choix dans le menu principal, l’effet étant un peu trop facile à notre goût. A propos de facilité, le jeu contenu sur deux galettes, se termine en une petite vingtaine d’heures, les combats tout comme les énigmes n’étant pas bien difficiles dans la plupart des cas. Sur votre plan (pas toujours très lisible) seront toujours indiqués les personnages requis pour une action bien précise ou les emplacements à énigmes. Alors, évidemment les pisse-froid de tous bords n’y verront là que des rails et aucun intérêt mais en dépouillant son gameplay à l’extrême, Killer7 s’affranchit des contraintes pour proposer une expérience artistique incroyable.
L'AVIS DE MAXIME CHAO
Parce qu'un second avis est toujours bon à prendre en compte...
A l'heure où le jeu vidéo tourne en boucle, Killer7 est un OVNI qui assume ses différences et ose prendre le marché à contre-courant. Loin des suites et des redites, l'oeuvre de Suda51 est un formidable doigt d'honneur à toutes les productions qui se contentent d'un résultat lucratif. Killer7 est un jeu qui se vit, se ressent et se déguste jusqu'à la dernière miette. Qu'on accroche ou pas à l'univers complètement barré de Capcom, il est impossible de nier la présence d'un vrai travail, aussi bien dans la forme que dans le fond. Si vous aimez les expériences fraîches, nouvelles et originales, Killer7 est bel et bien votre jeu de l'été si vous avez un tant soit peu l'esprit ouvert, et tordu aussi.