Test Hellblade : une expérience incroyable qui vous marquera à jamais sur PC
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Son prix raisonnable et ses visuels forts pourraient faire passer Hellblade : Senua's Sacrifice pour une aventure vaguement interactive à la faible durée de vie, façon Dear Esther ou Everybody's Gone to the Rapture. Heureusement, il n'en est rien. Ninja Theory nous offre un véritable jeu, au gameplay simple et efficace. Mais c'est surtout l'ambiance, le propos et la réalisation, tous trois fortement influencés par la maladie mentale de l'héroïne, qui marquent le joueur et font de Hellblade un titre vraiment pas comme les autres. Malgré quelques petites imperfections, sa singularité met à l'amende bon nombre de AAA, trop formatés pour susciter une quelconque émotion. Senua, elle, vous marquera à jamais.
- Les voix qui servent le propos et le gameplay
- La direction artistique de haute volée
- Le jeu des acteurs parfait
- L'ambiance lourde et oppressante
- La menace de la mort permanente
- Des combats et énigmes agréables
- Zéro élément d'interface
- Le juste prix
- Les bugs de sous-titres
- Un ou deux passages pénibles
- Une caméra trop proche du personnage
Le CV du studio Ninja Theory, fondé en 2004 sur les cendres de l'éphémère studio Just Add Monsters, est encore mince mais plutôt de bonne qualité. Après Heavenly Sword, Enslaved : Odyssey to the West et DmC : Devil May Cry, voici donc venir Hellblade : Senua's Sacrifice qui, à la différence de ses prédécesseurs, n'est pas soutenu par un gros éditeur. Passer du AAA au jeu indépendant peut-il se faire sans heurts ? Oui, et la liberté ainsi acquise peut même donner naissance à un véritable bijou...
Si Hellblade : Senua's Sacrifice s'était retrouvé entre les mains d'un gros éditeur, l'héroïne du jeu ne serait certainement pas ce qu'elle est aujourd'hui. Car si cette guerrière celtique sait parfaitement manier l'épée, ce sont en réalité ses faiblesses plus que sa force qui la rendent intéressante. Senua est en effet atteinte de troubles psychotiques, qui lui font entendre des voix et lui font confondre le réel et l'imaginaire. Ce propos sert directement le gameplay et toute l'expérience de jeu de Hellblade. Le point le plus évident concerne la présence de différentes voix dans la tête de Senua. On vous conseille d'ailleurs très fortement de jouer au casque, afin de profiter au mieux de leur placement précis. Parfois bienveillantes, parfois hostiles, elles commentent l'action tout autant qu'elles l'influencent et participent grandement à installer une ambiance lourde et paranoïaque.
VOYAGE AU BOUT DE L'ENFER !
L'habileté suprême des développeurs consiste à distiller par moments des indices concernant le gameplay à travers ces voix, sans jamais briser l'immersion ni la cohérence de l'ensemble. De la même manière, le jeu s'abstient d'absolument tout élément d'interface, afin que Senua et le joueur ne fassent réellement qu'un. Et la recette fonctionne parfaitement ! On s'attache à l'héroïne bien plus qu'on ne le ferait pour un personnage de jeux vidéo standard, on embrasse instantanément tous ses problèmes mentaux, et on fait nôtre sa quête désespérée. Loin de participer à une quelconque bataille trop terre à terre, la guerrière celtique se rend au Helheim, l'équivalent de l'enfer dans la mythologie nordique, afin de libérer l'âme de Dillion, l'être aimé perdu. Ce voyage intérieur au bout de l'enfer donne au joueur l'occasion de traverser des paysages aussi splendides que désolés. Sombre, sale et violente, la direction artistique n'en est pas moins sublime, et elle se trouve encore relevée par l'utilisation de nombreux filtres graphiques, dont certains sont signifiants par rapport à la maladie de l'héroïne (un petit documentaire vidéo livré avec le jeu vous détaillera cela une fois que vous aurez terminé l'aventure).
Si Hellblade : Senua's Sacrifice s'était retrouvé entre les mains d'un gros éditeur, l'héroïne du jeu ne serait certainement pas ce qu'elle est aujourd'hui.
Quant à ceux qui ne jurent que par l'aspect technique des choses, ils auront de quoi être bluffés par la perfection de la motion capture, qui est ici au service de l'expression des visages et donc de l'émotion. Senua est plus vraie que nature, à tel point qu'on peine à différencier les personnages générés par la machine de ceux qui sont simplement filmés et apparaissent lors de certaines cinématiques. D'ailleurs, le jeu des différents acteurs est absolument irréprochable, tandis que la bande son nous offre elle aussi quelques passages de haute tenue. Bref, le régal est autant visuel que sonore, même si c'est surtout la force de l'ambiance et de l'histoire que vous retiendrez le plus au final. N'allez pas croire pour autant que le jeu est purement narratif ! Loin d'être famélique, le gameplay allie exploration, combats et énigmes. Ces dernières consistent essentiellement à retrouver dans les décors la forme de quelques runes, issues de l'ancien alphabet nordique, afin de débloquer certains passages. Concrètement, il faudra retrouver une sorte de M ("Madr" pour les connaisseurs) formé par l'ombre de branches, reconnaître dans des corps crucifiés les traits d'un Y ("Elgr") ou encore se placer correctement devant un pylône afin qu'il forme un P ("Wynn") une fois aligné avec des poutres. Moins basique qu'on pourrait le penser, ce jeu de cache-cache fait souvent appel à la perspective et à la superposition d'éléments différents, obligeant ainsi le joueur à se creuser un peu les méninges avant de pouvoir débloquer certains passages.
L'ENVERS PSYCHOTIQUE
Il faudra également jouer à plusieurs reprises avec des dispositifs (arches, masques, fonction de focus) qui modifient subtilement le level design, apportant ainsi la solution à une situation qui tiendrait autrement de l'impasse. Ces séances de réflexion alternent avec des séquences de combats assez lourdes (au sens "darksoulien" du terme), où l'on affronte de un à une dizaine d'ennemis massifs. Attaque rapide, attaque lente, attaque de mêlée, parade et esquive constituent l'intégralité des coups disponibles, et il n'en faut pas plus pour rendre les affrontements intéressants, sachant que ces derniers ne constituent pas le cœur du jeu. Histoire de rajouter un peu de tension, les développeurs vous font la promesse en début de jeu d'une mort permanente. Chaque échec est sanctionné par la propagation d'une marque noire sur le bras de l'héroïne qui, si elle atteint sa tête, sonnera la fin de la quête et la perte de toute la progression effectuée jusqu'alors. Cette noirceur fait également écho à celle qui ronge Senua depuis sa tendre enfance, le scénario n'hésitant d'ailleurs pas à s'éloigner par moments de la quête amoureuse pour revenir vers de sombres histoires familiales. Pour autant, n'attendez pas de gros twist scénaristique. Le jeu est bien plus subtil que cela, et sa fin douce amère vaut bien une quelconque révélation grandiloquente. La perfection n'étant pas de ce monde, il reste tout de même quelques points à reprocher à l'expérience. Certains passages sont un peu longuets ou frustrants, la caméra est tellement proche de l'héroïne qu'on a parfois du mal à appréhender les environnements, et il y a ici ou là quelques problèmes avec les sous-titres (phrases manquantes ou ne correspondant pas à ce qui est dit). Mais tout cela est de l'ordre du détail face à la force générale du propos.