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Laissé pour mort après le changement d’orientation pris par Capcom et son Resident Evil 4, le survival horror vient tout juste de renaître de ses cendres grâce à Electronic Arts et son formidable Dead Space. Exceptionnellement beau et doté d’une ambiance horrifique exemplaire (la bande-son est à tomber par terre), le titre d’EA Redwood Shores mérite aussi le respect grâce à son gameplay et à sa jouabilité, peut-être pas exempts de défauts, mais savamment bien goupillés pour qu’on s’imprègne véritablement du rôle du classieux Isaac Clarke. Avec Dead Space, Electronic Arts nous prouve qu’il est encore possible d’innover dans le jeu vidéo, même lorsqu’un genre semble, à première vue, en voie d’extinction. C’est ça aussi la marque des grands.
- Isaac Clarke, un look d'enfer
- Une ambiance de folie
- Réalisation exceptionnelle
- Bande-son exemplaire
- Des décors souvent splendides
- Level design très réussi
- Des armes vraiment originales
- Bestiaire varié
- L'interface, classe et intelligente
- Des Boss imposants
- Durée de vie très convenable
- Ultra gore
- Isaac ne sait pas parler
- Isaac ne sait pas se baisser
- Combats au corps à corps un peu bancals
- Système d'upgrades à revoir
- Impossible de se retourner à 180°
- On aurait aimé plus de Boss
- Accès disques trop longs
- Dead Space Downfall : le pire animé jamais fait
Essentiellement connu pour les licences Les Sims et Need For Speed, Electronic Arts semble depuis quelques années se chercher une nouvelle identité. En effet, depuis l’avènement des consoles haute-définition, l’éditeur américain multiplie les nouvelles franchises et souhaitent à tout prix se débarrasser de cette étiquette de société opportuniste en manque d’inspiration. 2008 devrait être une année charnière dans sa carrière avec deux titres qui risquent d’en calmer plus d’un, à savoir le prochain Mirror’s Edge et surtout l’exceptionnel Dead Space. Voici d’ailleurs sa chronique.
Pensé pour voir le jour à travers plusieurs mediums, Dead Space a été bâti de la sorte. Un dessin animé pour installer les bases du scénario, un jeu vidéo pour continuer l’aventure de manière interactive et enfin un comic-book pour connaître plus en profondeur les passagers de l’Ishimura, un vaisseau spatial qui a cessé d’émettre depuis la découverte d’un vestige extraterrestre. Si l’histoire de Dead Space n’a rien d’original (il fait référence à Alien, 2001 : L’Odyssée de l’espace et Event Horizon, le seul film valable de Paul W.S. Anderson), elle a au moins le mérite d’être efficace et de captiver le joueur du début de l’aventure jusqu’au dénouement final. Dans la peau d’Isaac Clarke, ingénieur de profession, le joueur est donc chargé de porter secours aux passagers de l’Ishimura, visiblement envahi par des créatures étranges et sorties de nulle part. Notre héros n’aura pas besoin d’errer bien longtemps dans les couloirs désertés et ensanglantés du vaisseau pour s’apercevoir qu’il va falloir sortir les armes pour rester vivant. Au bout de quelques minutes, l’équipe de sauvetage est attaqué par des êtres difformes, équipés de long rasoirs à la place des mains, et affublés d’un instinct de meurtre assez affolant. Séparée en plusieurs groupes, nos intervenants vont tout faire pour tenter de se retrouver dans ce labyrinthe qu’est l’Ishimura, tout en tentant de comprendre ce qui a bien pu provoquer un tel génocide. Ames sensibles et cœurs fragiles s’abstenir.
Space cow-boy
Si l’ami Isaac Clarke a été envoyé pour secourir les passagers de l’Ishimura, c’est bien évidemment pour ses compétences professionnelles de haute volée. Ingénieur le jour, notre héros semble pratiquer d’autres activités la nuit. Boucher par exemple, vu la dextérité avec laquelle il parvient démembrer et décapiter les créatures qui auront le malheur de croiser son chemin. Pour ce faire, notre ingénieur dispose d'un chouette armement qu’il devra glaner au fil de sa quête. S’il débute sa plongée spatiale avec le Cutter Plasma, il pourra par la suite faire joujou avec le Trancheur, le Découpeur, le Mega-PK, le Choc-Laser, un lance-flammes et enfin un fusil d’assaut. Evidemment, chacune de ces armes possèdent des particularités bien spécifiques qui lui permettront de découper les ennemis avec plus ou moins de facilité, d’autant qu’un tir alternatif (en appuyant sur RB ou R1) offre une variante souvent sympathique. Ces dernières peuvent également gagner en puissance puisque le jeu intègre un système d’upgrade (représenté par un plan de travail baptisé Nano-réparation) qui permet d’augmenter la puissance de feu, le nombre de munitions, la vitesse de rechargement, l’amplitude ou bien encore la portée. Les possibilités sont certes nombreuses, mais le système établi (des points de force à récupérer pour ensuite les souder) est tellement mal pensé qu’à la moitié du jeu, aucune de nos armes n’avaient vraiment gagné en compétences.
Ingénieur le jour, notre héros semble pratiquer d’autres activités la nuit. Boucher par exemple, vu la dextérité avec laquelle il parvient démembrer et décapiter les créatures qui auront le malheur de croiser son chemin."
Si l’arsenal est varié et assez nombreux, les munitions à l’inverse se feront rares. Dead Space prône son statut de survival horror avec une certaine fierté et c’est en suivant les codes d’un genre – en perte de vitesse, il est vrai – qu’il a bien l’intention de se faire respecter. Les gâchettes faciles vont donc devoir se retenir et se montrer par-dessus tout précis dans leurs tirs. Contrairement à Resident Evil où le headshot permettait de se débarrasser d’un zombie d’une seule balle, ce sont les membres des abominations qu’il faut viser dans Dead Space pour avoir une chance de s’en sortir. Inutile donc de vider son chargeur sur la tête d’un streum, c’est en lui arrachant les jambes ou les bras qu’il devient vulnérable. Par ailleurs, puisqu’il faut se montrer économe avec les munitions, Isaac peut faire appel à ses propres capacités physiques. Au corps à corps, il peut filer quelques mandales, assez puissantes puisque notre ingénieur peut très bien arracher des têtes en insistant un peu. Mais le meilleur reste tout de même le coup de pompe au sol, ultra efficace pour achever une créature qui aurait tendance à gesticuler encore un peu. Avec ses bottes anti-gravité en acier, qui lui confèrent d’ailleurs des propriétés très utiles dans les zones en zéro-gravité, il serait dommage de ne pas en profiter. Mais il n’y a pas que les bottines d’Isaac qui ont la classe, sa tenue entière pourrait aussi très bien faire fureur dans les défilés de mode de Jean-Paul Gaultier. S’il débute l’aventure avec une simple cote de maille et quelques renforcements sur les côtés, Isaac fera évoluer sa tenue de plusieurs niveaux grâce à la machine Stock, qui lui permettra en plus d’acheter de nouvelles armes, des munitions, des kits de santé et d’autres items fort utiles pour poursuivre sa quête. Grâce à cette armure au design exceptionnel (bravo d’ailleurs à Chi-Wai Loo, designer à l’origine de ce look d’enfer), notre ingénieur est paré aux attaques de ces créatures pour le moins suicidaires.
Babylone Zoo
Si sa tenue intergalactique lui permet d’afficher une classe internationale, elle confère surtout à notre héros quelques facultés bien utiles. Il est possible ainsi de ralentir le temps, une option intitulée Stase, pour le moins pratique, et qui permet d’anticiper les attaques d’une vague d’ennemis ou de passer à travers un sas qui aurait tendance à se refermer trop vite. L’effet est de courte durée, donc mieux vaut savoir ce qu’il faut faire avant de l’activer. En sus de suspendre le temps pendant quelques secondes, Isaac peut également déplacer des objets et des corps – inertes – à distance grâce à ses dons de télékinésie. Là encore, les développeurs ont intégré ce pouvoir directement dans le cœur du gameplay, puisque certaines énigmes se résolvent par l’utilisation de la télékinésie. Pour ce qui est du reste de la jouabilité, on peut avancer sans peur de se faire lyncher que Dead Space s’inspire fortement de Resident Evil 4. Caméra placée à mi-épaule juste derrière le personnage, déplacements limités (Isaac ne peut ni sauter, ni s’abaisser, ni même parler d’ailleurs) et parfois rigide (impossible de se retourner à 180° rapidement), Dead Space reprend également le système d’achats et de ventes du titre de Capcom, obligeant ainsi le joueur à fouiller les moindres recoins pour récupérer de l’argent ou un item à utiliser par la suite. Il faudra par ailleurs faire quelques compromis, puisque certaines salles s’ouvrent en sacrifiant un point de force. Cruel dilemme.
Mais Dead Space mérite de vifs applaudissements en ce qui concerne sa réalisation : sublime ; et le mot est faible."
Si Dead Space n’a aucune honte à s’inspirer de Resident Evil 4, il apporte à son tour quelques nouveautés qui risquent d’être repris par d’autres titres en mal d’imagination. Félicitons ainsi le choix de l’interface vide ou du moins épurée, où la barre de santé est intégrée directement dans le scaphandre d’Isaac (par le biais d’une colonne vertébrale synthétique), où les munitions s’affichent directement sur l’arme, ou bien encore que la moindre information textuelle ou vidéo apparaît à l’écran via un hologramme projeté par la tenue du héros. Excellente trouvaille au passage. Evidemment, l’absence de parasites visuels sur l’écran favorise grandement l’immersion du joueur, au taquet dès lors qu’il faut pénétrer dans une nouvelle zone jusqu’à présent vierge de toute présence humaine. Fort heureusement, le Traceur, une sorte de fil d’Ariane, évite le joueur de rester trop longtemps perdu, et une simple pression sur le stick analogique droit permet d’afficher ce tracé bleu qui, en sus, donne la direction par le biais de flèches clignotantes. Astucieux.
Mais Dead Space mérite de vifs applaudissements en ce qui concerne sa réalisation : sublime ; et le mot est faible. Si certains objets (comme les pommes ou la chevelure des persos secondaires) ont été modélisés dans la précipitation, globalement, le titre d’Electronic Arts est une œuvre graphique à contempler avec extase et émotion. C’est simple, Dead Space fait partie des plus beaux jeux de sa génération, toutes consoles confondues. Des textures ultra détaillées au design très travaillé du bestiaire, en passant par l’animation exemplaire des personnages, ou bien encore les décors à la fois variés et extraordinaires, rien n’a été laissé au hasard, et c’est bel et bien une claque visuelle qu’on est en train de prendre. A cette prouesse technique s’ajoute une ambiance d’exception où se mêlent plusieurs sentiments tels que la peur, l’angoisse et la claustrophobie. Tout cela est rendu possible grâce à la bande sonore du jeu, de haute volée, où le moindre bruit de pas, le moindre écho nous fait réagir au quart de tour. Il ne fait plus aucun doute quant au fait que Dead Space est un survival horror ; un vrai !
Mais ce n’est pas tout car Dead Space introduit aussi quelques séquences de Quick Time Event, beaucoup plus intelligentes que la moyenne."
Les éloges envers le titre développé par EA Redwood Shores ne tarissent pas, même après plus de 9 000 signes. Impossible en effet de ne pas citer l’excellente mise en scène dont a fait l’objet le jeu. La caméra manuelle permet ainsi de faire ses propres plans, aussi bien lorsqu’Isaac est mouvement ou statique, pratique lorsqu’il faut faire ses propres screenshots. Mais ce n’est pas tout car Dead Space introduit aussi quelques séquences de Quick Time Event, beaucoup plus intelligentes que la moyenne. Bien évidemment, on ne vous parle pas des parasites à éjecter de la combinaison en mitraillant la touche A ou X, mais de ces moments où la vue passe en mode cinématographique, lançant une séquence scriptée mais à laquelle le joueur peut participer, soit en faisant usage de son calibre, soit en appuyant sur la bonne touche. Il ne fait plus aucun doute quant à la puissance de ce Dead Space, à la fois réussi techniquement qu’en termes d’ambiance ou de jouabilité. Le jeu s’offre en plus le luxe de bénéficier d’une durée de vie très honnête puisqu’il faut compter une douzaine d’heures de jeu pour avoir le droit à affronter le dernier Boss parmi les étoiles. Toutefois, l’expérience restera solitaire puisque Dead Space ne propose aucun mode multijoueur, même pas offline pour rallonger le plaisir. Reste alors les deux autres médiums : le dessin animé et la bande dessinée, qu’on ne saurait vous conseiller pour avoir toutes les cartes en main pour saisir entièrement le scénario. Cela dit, ils ne sont pas du même acabit et encore moins de la même qualité, Dead Space Downfall étant le pire film d'animation qu’il nous ait été donné de voir depuis un sacré bout de temps ; digne de figurer parmi les vieux dessins animés qu'on regarde le dimanche matin sur France 3 en prenant son petit déjeuner. C’est dire…