Test également disponible sur : PS3

Test BioShock

La Note
note BioShock 19 20

Un texte bien long qui en dit finalement bien peu sur ce BioShock anthologique, qu’il faut, évidemment, jouer plutôt que décrire. FPS définitivement à part, servi par une réalisation quasi-parfaite et une bande-son sublime, la dernière œuvre des anciens d’Irrational Games est une splendeur, une merveille d’immersion, qui développe un univers aussi original que cohérent. Prise en main évidente, level-design impeccable, ambiance de folie, Bioshock est un titre quasi-irréprochable, une aventure novatrice mais pas déstabilisante pour autant. Le nouveau mètre étalon du genre, et un grand, très grand jeu vidéo.


Les plus
  • Ambiance fabuleuse
  • Richesse et cohérence de l'univers
  • Prise en main impeccable
  • Bande-son de folie
  • Version française mémorable
  • Durée de vie costaud
Les moins
  • Pas de multi
  • Final un peu faible
  • Quelques (brefs) passages barbants
  • De légers soucis d'IA
  • Aucun ajout supplémentaire


Le Test

Considéré pour beaucoup comme étant le jeu de l'année 2007, BioShock aura marqué les esprits de manière indélébile. Réalisation de feu, ambiance abyssale, gameplay ingénieux, scénario digne de ce nom et durée de vie colossale, le chef d'oeuvre de Ken Levine est parvenu à se hisser au Panthéon des titres les plus marquants de l'Histoire du jeu vidéo. Un an après son extraordinaire prestation sur PC et Xbox 360, BioShock engloutit maintenant la PlayStation 3 pour une expérience abyssale.


La fée électricité s’est un peu trop penchée sur le berceau d’Andrew Ryan. Ingénieur de génie, visionnaire pragmatique, le bonhomme souffre toutefois de légers troubles comportementaux, et ses plombs mentaux fondent chaque jour un peu plus. Refusant les nouvelles règles géopolitiques mondiales, récusant les doctrines économiques et sociales, qu’elles naissent à l’Ouest comme à l’Est, Andrew Ryan décide, avant même le déclenchement de la Seconde Guerre Mondiale, de bâtir une ville à la démesure de sa puissance financière. Une cité idéale fonctionnant en totale autarcie, où pourra vivre et s’épanouir l’élite mondiale, sans crainte de voir les suppôts de Lénine, de Hitler ou des vautours de Washington accaparer le fruit de son labeur. Sportifs et artistes, chercheurs et industriels, Rapture ouvre ses portes à tous les ambitieux en 1946. Ceux-là pourront œuvrer hors de toute contrainte… hormis celle de réussir. L’Histoire ne manque pas de projets de ce genre. Bien des cités idéales ont jailli de terre avant, souvent, d’y retourner. C’est sur ce dernier point que Ryan se montre le plus mégalomane : conscient que sa société parfaite ne pourra fleurir entourée de nations ivres de jalousie, il décide de la bâtir loin des regards. Et quel espace plus vierge de présence humaine que les plaines abyssales ? Quelle compagnie moins indiscrète que celle des bancs de poissons et de quelques paisibles mammifères marins ? Ne pouvant élever ses tours fabuleuses ni faire étalage de ses technologies révolutionnaires à la surface, Rapture jette l’ancre au fond de l’océan. Un havre de silence où, évidemment, personne n’entendra hurler les récalcitrants.

 

Il rêvait d’un autre monde…

 

Si la nouvelle oeuvre de Ken Levine n’est pas avare de personnages charismatiques, (anti)-héros tous sévèrement torturés qui naviguent, sans réel but, dans une tragédie qu’ils ont contribué à écrire, la figure centrale de ce FPS subtil, c’est cette inconcevable ville engloutie. Paradis résolument perdu, Rapture s’inscrit comme l’ultime délire d’un amoureux de l’Art Déco, une offrande somptueuse à la gloire simultanée de l’homme et de la technique. Machineries improbables, pistons monumentaux et armoires électriques finement ciselées, théâtres fabuleux et cabarets tout droit sortis du Berlin grotesque de l’Avant-Guerre, la cité déploie ses ors et ses ombres tout au long de la petite dizaine de vastes environnements qui s’offrent au joueur. L’action se déroulant une quinzaine d’années après la consécration du rêve de Ryan, l’art de Rapture a évolué et la ville voit ses colonnes s’orner d’affiches et de réclames au graphisme résolument fifties. Le gigantesque travail de recherche fourni par les équipes de 2K Boston n’est jamais pris en défaut. Poussant le sens du détail jusqu’à la folie, graphistes et designers sont parvenus à créer un univers d’une cohérence irréprochable. Peu à peu dévoilée aux joueurs minutieux par le biais de messages enregistrés sur des magnétophones, de menus éléments dispersés dans l’environnement ou par les informations communiquées par certains PNJ, l’histoire de Rapture se révèle aussi insensée que la ville elle-même. Tant et si bien que, et ce alors que presque toutes les questions soulevées par vos découvertes trouvent des réponses à l’issue de la petite vingtaine d’heures nécessaires pour boucler l’aventure, l’on souhaiterait explorer encore davantage ce rêve délirant. En apprendre encore plus sur les destins tordus de ces habitants venus chercher un havre de labeur mais également de volupté ; visiter d’autres quartiers de cette métropole folle, dont on ne devine l’étendue qu’en jetant des regards éperdus au travers des nombreuses baies vitrées ; connaître plus d’aventures ; goûter à plus de sang.

 

Toujours plus !

 

BioShock souffre finalement de sa construction même, la richesse de l’univers appelant davantage à la création d’un jeu de rôle façon Oblivion. Ambitieux mais peut-être pas suffisamment, 2K Games nous délivre une expérience certes solide et immersive, mais également frustrante. Les niveaux sont assez vastes mais le déroulement de l’aventure se révèle parfaitement linéaire, avec même quelques légers passages à vide, et les missions secondaires sont aussi rares que les jours où Alex parvient à rester sobre. Néanmoins, ces choix ont peut-être du bon, et évitent au titre de se disperser à la manière d’un STALKER, BioShock n’est certes que un FPS, mais un FPS moderne et de haute volée, qui ne se limite pas à un carnage sans finesse dans des corridors martiens. Dans la peau du rescapé du crash d’un avion, dont la carlingue a eu l’excellente idée de s’abîmer à deux pas de la tour d’accès à Rapture, vous débutez une plongée cauchemardesque dans une ville malade. Si le décor est sublime, le rêve de Ryan prend l’eau de toutes parts. Les néons sont fatigués, le sol est recouvert de curieuses taches, et, à peine sorti du bathyscaphe qui sert d’ascenseur vers la cité, vous assistez à une scène, assez brutale, entre un être humain et une créature… qui le fut certainement à une autre époque.

 

Vous apprenez rapidement que les chercheurs de Rapture ont ouvert trop largement la boîte de Pandore, et joué avec la génétique d’une manière que l’éthique de la surface aurait réprouvée. Forcément, quand une ancienne assistante des camps nazis, véritable génie du génome, met la main sur une limace de mer dotée d’une capacité de régénération cellulaire tout à fait remarquable, rien de bon ne peut en sortir. Dans un premier temps, la visqueuse bestiole permit pourtant aux habitants de Rapture de satisfaire à un vieux fantasme : l’amélioration continue de l’espèce. La substance qu’elle sécrète, l’Adam, fit en effet l’objet de recherche par un concurrent direct de Ryan. Les équipes de Frank Fontaine, aventurier tout aussi mégalomane que le maître de la ville et prêt à tout pour prendre le contrôle de Rapture, parvinrent à industrialiser le processus et à produire une large gamme d’améliorations génétiques. Baptisées plasmides, ces modifications furent mises à la portée du commun des aspirants immortels. Mais l’Adam est une drogue du genre sale, qui induit une vilaine dépendance et entraîne des mutations irréversibles. Devenue totalement accro, la population de Rapture se divisa. Les partisans de Fontaine et ceux de Ryan s’entretuèrent, et les deux camps massacrèrent ceux qui n’avaient pas choisi le leur. Seul au milieu des créatures dégénérées survivantes, les chrosômes, vous n’avez pas grand chance de vous en sortir, sauf à faire vous-même usage de l’Adam et à améliorer votre petite carcasse fragile.

 

Mille et une manières de tuer son prochain

 

En bon FPS, BioShock se joue évidemment avec des grosses armes explosives qui font mal. Flingue, fusil à pompe, lance-grenades, clé à molette, arbalète et on en passe, chaque outil peut être amélioré et équipé de munitions différentes. Mais à mesure que vous récupérez de l’Adam et pouvez vous payer des plasmides, vous accédez à une gamme de pouvoirs offensifs tout aussi efficaces. Télékinésie, qui vous permet notamment d’arrêter une grenade en vol et de la renvoyer vers son expéditeur (ou ailleurs), arc électrique, grâce auquel vous paralysez momentanément un adversaire, éclats cryogéniques, des échardes de glace qui vous jaillissent de la main et gèlent vos ennemis, vous avez l’embarras du choix. A cette gamme de jouets offensifs s’ajoutent des améliorations de combat, de déplacement, de santé, vous permettant, en vrac, de vous déplacer plus silencieusement, de découvrir davantage d’objets lorsque vous fouillez l’environnement ou de cracker plus rapidement les systèmes de sécurité. En citadelle potentiellement assiégée, Rapture est en effet truffée de caméras et de tourelles de surveillance, que vous pourrez éviter, détruire, ou pirater afin qu’elles servent vos intérêts. Plus que ces quelques éléments ponctuels, c’est tout l’environnement que vous pouvez, et devez, utiliser à votre avantage. Un adversaire a les pieds dans l’eau ? L’arc électrique lui règlera son compte du premier coup. Vos ennemis arrivent en masse mais vous avez repéré une flaque d’essence au sol ? Mettez le feu à la scène pour calmer les ardeurs de chacun. Malgré les mille et unes possibilités offertes par les nombreuses modifications génétiques disponibles, le gameplay demeure d’une limpidité exemplaire. Ces éléments de rôle donnent une nouvelle dimension au massacre en vue subjective, mais sans jamais perturber le joueur. Tout est fluide, tout est évident, l’aventure se vit sans aucun accro : une fois le clavier en main, on avance, sans jamais douter, sans jamais bloquer. BioShock n’est toutefois pas un FPS-pour-les-nuls, expression qui pourrait être apposée sur la jaquette de bien des titres parus récemment. Facile d’accès mais pas facile tout court, il offre même quelques bonnes grosses frayeurs et une sacrée série de combats interdits aux cardiaques.

 

Alice au pays des horreurs

 

Rapture est hantée par des fillettes, les Petites Sœurs (Little Sisters en VO), qui prélèvent l’Adam sur les cadavres à l’aide d’une seringue démesurée. Les limaces de mer ayant disparu des environs de la ville, ces lointaines cousines de la Alice d’American McGee, sont les dernières sources d’approvisionnement possibles pour tous les dopés du coin. Mais gare à ceux qui s’en prennent à elles, car chacune de ces demoiselles décharnées est accompagnée d’un Bid Daddy (rebaptisé en Protecteur pour la version française), armoire à glace aussi puissante que véloce, engoncée dans une étrange combinaison puante de scaphandrier. Ces Petites Sœurs, vous devrez évidemment toutes les tuer – ou les sauver – pour récupérer l’indispensable Adam, ce qui implique que vous affrontiez leur colossaux et très résistants partenaires dans des joutes homériques. Faute de disposer de l’équipement nécessaire, ces combats très déséquilibrés vous contraindront à exploiter au mieux votre environnement, brûlant et explosant tout ce qui vous passe sous la main pour ralentir, à défaut d’arrêter, les monstres métalliques. Tous les pouvoirs débloqués et toutes les tourelles piratées alentours ne seront pas de trop pour vous aider à triompher. Moins puissants que ces bêtes de foire, les chrosômes comptent davantage sur leur supériorité numérique… et sur l’effet de surprise. Toujours annoncés par des monologues chuchotés ou hurlés, des crissements ou des grattements, ces êtres méconnaissables ne viennent pourtant jamais de là où on les attend. Bondissant, rampant, capables pour certains de se déplacer sur les plafonds, ils vous tombent toujours dessus au moment où vous rechargez ou regardez ailleurs. Cette propension à vous attaquer en traître augmente considérablement la tension de la partie, et ce alors que l’ambiance qui règne à Rapture est naturellement angoissante.

 

BioShocked

 

Impossible de ne pas penser, en traversant des corridors dévastés, en croisant des cadavres mutilés ou en contemplant des documents tachés de sang, à des titres comme Condemned ou Silent Hill. L’atmosphère poisseuse qui règne dans les ruelles à l’éclairage vacillant constitue finalement la meilleure arme de vos ennemis… et la plus grande qualité de BioShock. Cette ambiance tout à fait particulière, autrement plus effrayante que celle qui règne dans certains titres se proclamant horrifiques, est servie par un merveilleux travail sur le son. Alternant des thèmes jazzy enjoués, crachés par des hauts parleurs de mauvaise qualité, avec des envolées symphoniques du plus bel effet, les différentes compositions, souvent recouvertes par des bruitages plus vrais que nature, et des messages publicitaires très réussis, entretiennent le stress du joueur. Mais nulle bande-son ne saurait être parfaite sans un doublage de qualité, et bien des titres réussis ont été gâchés par des comédiens français lamentables. Là, vous vous dites : "c’est foutu, je vais devoir l’acheter en version américaine !…" et vous avez tort ! Casting impeccable, direction d’acteurs sans faille, la VF est absolument exemplaire. Quelques voix sont un poil moins dans le ton, mais BioShock est définitivement ce que l’on a entendu de mieux depuis… depuis bien trop longtemps. Tous ces éléments contribuent à faire de cette expédition à la fois brutale et poétique, sinistre et passionnante, une expérience unique, à vivre absolument… Evidemment, avec un an de retard par rapport aux versions PC et Xbox 360, le joueur lambda aurait souhaité du contenu supplémentaire, histoire de combler le manque. Et bien, il va falloir se résigner mais BioShock sur PlayStation 3 ne comporte aucun rajout, même pas de dernière minute. Identique en tous points à ces homologues sortis il y a plus d'un an, le titre de 2K Games offrira une mise à jour à télécharger sur le PlayStation Network dans les jours à venir. Un mode de jeu supplémentaire qui devrait relancer l'intérêt autour de l'utilisation des différents pouvoirs dans le jeu, ce n'est pas grand-chose, d'autant qu'on ne sait pas encore s'il faudra mettre - ou pas - la main au porte-monnaie. En attendant, BioShock reste une expérience unique, toujours aussi prenante et qui permet de hisser le jeu vidéo au rang d'oeuvre d'art. Et oui, ça arrive.





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