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La tentative de DICE d'intégrer une vraie campagne à son titre est louable, mais le mode solo de Battlefield : Bad Company 2 ne présente finalement guère d'intérêt. La faute à un humour bien lourdingue, une mise en scène moins explosive que celle de Modern Warfare 2, une piètre exploitation de l'interactivité des décors et des niveaux-couloirs ennuyeux. Heureusement, les quatre modes en ligne parfaitement pensés et franchement sauvages permettent de profiter pleinement des caractéristiques de cette suite. L’incroyable arsenal, les gros véhicules, la destructibilité des bâtiments, tout prend sens lors de ces échanges furieux et franchement amusants entre joueurs vicieux. Preuve est ainsi faite que la licence Battlefield ne peut s’épanouir qu’online. Puisse DICE s’en souvenir et les joueurs sociopathes le savoir.
- Quatre modes multi accrocheurs
- Des affrontements sauvages
- Constructions des maps (en ligne)
- Rebondissements incessants (en ligne)
- Destructibilité (en ligne)
- Gros arsenal
- Campagne solo décevante
- Version française perfectible
- Débutant ? Vous allez souffrir en multi !
Quel est l’avenir du FPS ? Du canardage sans limite dans des environnements ouverts, de la baston en arène, du meurtre scripté dans des décors fermés ? Le jeu d’action à la première personne de demain intègrera-t-il toujours davantage d’éléments de gameplay empruntés à d’autres genres, RPG, course ou autres, ou tentera-t-il au contraire de se débarrasser de tout artifice parasite ? S’adressera-t-il aux joueurs solitaires, ou se fera-t-il le héraut du multiculturalisme et du polyassassinat en ligne et entre inconnus ? Nous nous garderons bien de jouer les oracles, mais il semble probable que les héritiers de Wolfenstein 3D n’opteront pas pour une voie unique et continueront d’offrir quelques heureuses variations autour de l’apparemment indémodable thème de la boucherie interactive. Demain comme aujourd’hui, l’important restera d’adopter une stratégie claire, d’assumer ses partis pris, bref, de savoir trancher, et pas que des carotides, afin d’en donner pour son argent aux joueurs. Battlefield : Bad Company 2 est à ce titre un exemple à ne pas suivre. La production de DICE, studio spécialisé dans le FPS online, tente ainsi d’offrir simultanément à ses utilisateurs une expérience solo explosive et un multi en béton. Alors que certains de leurs confrères se sont révélés redoutablement efficaces dans cet exercice, les développeurs suédois échouent à moitié.
Revoilà les pieds nickelés du fusil d’assaut, la septième compagnie de la Troisième Guerre Mondiale ! Non contents de s’être fait une réputation – et un sacré paquet de pognon – dans un premier volet joyeusement incorrect, les hommes du Sergent Redford remettent une volée de mitraille dans le buffet de divers sympathisants de la cause slave. Les odieux Russes, las de s’entasser dans un pays 414 fois plus grand que la Suisse, ont en effet des velléités expansionnistes. Après avoir brisé l’Europe, le poing de Moscou s’apprête à s’abattre sur la très sainte Amérique, à moins que Haggard, Sweetwater et votre avatar, Marlowe, ne suivent leur leader au feu et terrassent l’ours buveur de vodka.
De l’or pour personne
Quatre têtes brûlées sans foi ni loi tentent donc de mettre un terme à une guerre froide qui enflamme jusqu’aux sommets enneigés d’Amérique du sud. Sur leur route, nos héros ne croiseront rien de moins qu’un as de la CIA, un officier cosaque chauve, un mystérieux programme militaire japonais vieux de cinquante ans et pas mal de guérilleros porteurs de Stetson. Du grand n’importe quoi, pour une aventure qui assume bien moins son caractère irrespectueux qu’auparavant. Version ludique des Rois du Désert (ou de son modèle, De l’or pour les braves), la première escapade de la Bad Company flinguait avec allégresse le mythe du super soldat. Tout cela manquait assurément de finesse et de spiritualité, mais le résultat, rigolo et irrévérencieux, n’était pas dépourvu de piquant. Las, les barbouzes sont fatigués ! Non content de flirter bien maladroitement avec une Grande Muette qui ne veut pas de lui, le quatuor a laissé au coffre ses rêves de richesse facile, sa répartie et son sens de l’initiative pour mieux marcher dans les pas de l’intouchable Modern Warfare. Drôle d’idée ! Il y a dix-huit mois, DICE avait bien compris que s’il voulait que son titre survive, il ne fallait pas chercher Infinity Ward sur son terrain, mais lui piquer quelques idées (environnements contemporains, action sauvage) et les accommoder à une sauce inédite (maps ouvertes, destruction massive, second degré). Victimes d’un brutal excès de confiance, les Suédois se sont cette fois sentis capables d’en remontrer à leur concurrent direct et se sont lancés, la fleur au fusil, dans l’action scriptée et les niveaux couloirs, bricolant au passage un scénario plus ridicule que jamais.
Paradoxalement, les points sur lesquels les Scandinaves achoppent en solo sont également ceux grâce auxquels leurs modes online s’avèrent exceptionnels."
Dialogues grossiers, mal doublés et mal intégrés – la synchronisation et le mixage sont franchement à revoir –, rebondissements rocambolesques, le studio de Stockholm s'est contenté d'un minimum syndical fort malvenu. En période de disette, cette trame ascétique aurait certainement contentée bien des tueurs solitaires, mais trois semaines après le banquet BioShock 2, les sociopathes feront la moue. Avec sa mise en scène qui se veut cinématographique mais se révèle finalement bien plate, la campagne de ce Battlefield : Bad Company 2 n'apparaît uniquement comme un simple apéritif, là où Electronic Arts nous annonçait un vrai plat de résistance. Quelques séquences donnent toutefois le change, d’autant que le très riche arsenal et la destructibilité des bâtiments et des abris, convaincante mais assez inutile, permet de varier agréablement les plaisirs. Hélas, les temps morts se multiplient au cours des six à huit petites heures que dure la campagne, d'autant que les trois acolytes qui nous accompagnent se montrent inutiles ! Totalement transparents, ces camarades de guerre en sont encore à essayer de signer leur premier frag au moment où vous achevez de saigner un régiment. Seules leurs manœuvres scriptées (tirs de barrage, notamment) témoignent d’un semblant de bon sens, hélas purement situationnel. A défaut de totalement maîtriser les mécaniques du jeu solo, et ce alors que son doublé de 2008, Battlefield : Bad Company / Mirror's Edge, augurait de beaux lendemains, DICE n’a heureusement de leçon à recevoir de personne en matière de multi.
Sauvé par les gangs
Paradoxalement, les points sur lesquels les Scandinaves achoppent en solo sont également ceux grâce auxquels leurs modes online s’avèrent exceptionnels. Totalement sous-exploitée dans la campagne, la sensibilité des bâtiments aux piqûres de roquettes et d’obus prend tout son sens lorsque un squad adverse se met à couvert derrière des blocs de béton, ou qu’un sniper campe au sommet d’une baraque. Il faut dire que les options en ligne permettent d’obtenir une puissance de feu légèrement plus importante, puisque tanks, hélicos et tourelles sont mis à disposition de la communauté, là où les missions standards n’offraient que peu d’outils de destruction massive. Et que dire du rythme des parties ! Alors qu’on ne compte plus les moments d’égarement offline, sur le réseau, ça bastonne sévère, intelligemment (enfin, pas toujours) et dans tous les sens. Les huit maps (dix si vous achetez le jeu neuf) sont bien conçues et offrent des millions de possibilités d’attaques et de contre-attaques. Quel que soit le pétrin dans lequel votre escouade s’est fourrée, il vous est toujours possible, moyennant beaucoup de témérité, de faire basculer la partie en faveur de votre équipe. L’équilibre des classes (vous pouvez choisir une spécialisation et ainsi apporter des compétences supplémentaires à votre squad), le système de progression et de médailles, tout est bien fichu, et les quatre modes offrent des expériences aussi distinctes qu’addictives. Les incontournables et massifs Ruée (attaque et défense d’une position, à 24 joueurs) et "Conquête" (du Capture the Flag à 24 également) figurent évidemment au générique, mais ils sont habilement complétés par un "Deathmatch en équipe" particulièrement furieux (qui opposent 4 équipes de 4) et une Ruée en Escouade, similaire sur le principe à la Ruée, sauf qu’ici on joue à 8. Après quelques échanges de bastos, la triste expérience du solo est rapidement oubliée. DICE n’en a pas moins commis ici une sacrée faute de goût, et le studio suédois aurait mieux fait de consacrer encore un peu plus d’énergie à son multi plutôt que de s’égarer à programmer une campagne si maladroite…