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Attendu comme une suite directe à Banjo-Kazooie et Banjo-Tooie, du moins d'un point de vue ludique, Banjo-Kazooie : Nuts & Bolts surprend dans le bon et le mauvais sens du terme. Plus profond que ses aînés, tout aussi barré et humoristique, il troque la classique plate-forme pour un concept de jeu hybride basé sur la création de véhicules. Réalisé avec le bon goût et la maestria habituelle de Rare, ce Banjo-Kazooie nouvelle formule donne l'impression d'être un jeu de transition, un titre d'essai ou l'on se prend soi-même à jouer au créateur, un bac-à-sable un peu sec dans lequel il est toujours possible de faire des jolis châteaux. Tout comme Viva Piñata, Banjo-Kazooie : Nuts & Bolts est un soft à part, son seul risque étant de faire partie d'une licence cotée et attendue au tournant. Un virage un peu glissant qui ne plaira pas à tout le monde.
- Un univers graphique fascinant
- Une réalisation de qualité
- L'humour cynique et bien déjanté
- Système de création de véhicules simple et exhaustif
- Une gestion de la physique très précise
- Une prise à main vraiment accessible
- Une bande-son variée et aux pistes travaillées
- Un aspect plate-forme en retrait
- La narration trop hachée
- Une redondance dans les défis
- L'absence de viseur pour les armes des véhicules
- Les temps de chargement
Après de nombreuses années passées dans les souvenirs heureux des possesseurs moins heureux d'une Nintendo 64, le couple improbable – formé d'un ours au Q.I limité et d'un oiseau totalement cynique – reprend du service après une retraite que nombreux ne pensaient pas méritée. Banjo-Kazooie : Nuts & Bolts nous ramène donc dans l'univers comico-acide de la saga de Rare où les répliques cinglantes côtoient des paysages bucoliques. Mais désormais, un nouvel arrivant fait son apparition dans ce monde écologique à souhait : le boulon.
Clairement orientés plate-forme, Banjo-Kazooie et Banjo-Tooie étaient à l'époque de leur sortie respective des concurrents de poids pour un Super Mario 64 exceptionnel mais pas réellement innovant dans ses fondements. La série du développeur britannique avaient réussi à se démarquer des péripéties du moustachu spécialiste en plomberie grâce, en grande partie, à un humour décapant et un univers assez déjanté. Toujours dans un souci de renouvellement et de distanciation de la concurrence, Banjo-Kazooie : Nuts & Bolts change en quelque sorte de direction en s'orientant vers le jeu ouvert, le titre bac à sable, dans lequel le joueur est "maître" de sa manière d'appréhender le soft et ses épreuves. Ici, point de pouvoirs spéciaux, de capacités à débloquer ou d'expérience à engranger, l'évolution se fait par la construction de véhicules, sorte d'extensions roulantes, volantes et flottantes aux limitations naturelles d'un plantigrade et d'un pic-vert.
On a du boulon sur la planche
Sortis de leur obésité naissante par le retour raté de Grunty, Banjo et Kazooie, ainsi que leur ennemi de toujours, se rendent bien vite compte que leur temps est passé et qu'ils ne sont plus des personnages au sommet de leur gloire. C'est sans compter sur l'apparition messianique du maître des jeux vidéo (une sorte de poulpe surmonté d'un écran affichant continuellement Pong), qui leur propose de les remettre en selle avec un concept inédit basé sur la participation à des défis via l'utilisation de machines plus ou moins farfelues. Après un accord collégial, l'aventure commence à Duelville, sorte de ville-racine aux inspirations graphiques située entre Viva Piñata et Oddworld : Stranger. Tout ici n'est que décor, compilation de l'univers de Banjo-Kazooie. Que ce soit au sein des différents niveaux ou dans Duelville, chaque parcelle est montée de toutes pièces et chaque intervenant est issu d'une ou l'autre des aventures du duo. Un esprit qui se manifeste d'ailleurs de manière évidente lorsque l'on s'attarde sur la réalisation du jeu. Les décors sont fait de matériaux métalliques, de larges plaques de plastique, tentant de simuler les lieux habituels de la saga avec un aspect "artisanal" très bien senti. Certes, il existe des niveaux totalement nouveaux comme cet intérieur parodique de Xbox 360 aux vis saillantes, mais la majeure partie d'entre eux reste à base de déclinaisons aux choix artistiques convaincants. Le sentiment d'évoluer dans un monde créé littéralement de toutes pièces assez fascinant se développe alors, faisant directement écho au scénario dans une cohérence teintée d'auto-critique que l'on aimerait voir plus souvent. Car bien évidemment, l'humour acide de la série est d'actualité avec ses diverses réparties sèchement assénées ou ses nombreux clins d'œil amusants, comme les allusions aux échecs commerciaux de Rare ou les références à des séries télévisées bas-de-gamme via la présentation des divers niveaux. Il vous sera également conseillé d'acheter le Banjo-Kazooie original sur le Marketplace si vous n'aimez pas Banjo-Kazooie : Nuts & Bolts, habile petite pique résumant bien l'esprit général du soft. C'est sur ces bases presque habituelles que se greffe la nouveauté.
L'écrou de secours
Lors des premières présentations du jeu, et notamment après la parution de la démo, nombreux étaient ceux qui craignaient de voir en l'arrivée des véhicules la soumission à l'hégémonie GTA IV, reléguant Banjo-Kazooie : Nuts & Bolts à un simple titre d'action/plate-forme monté sur roulettes. Si la présence de ces moyens de transport change effectivement l'approche du jeu par rapport à ses prédécesseurs, ils ne sont pas une simple possibilité laissée au joueur mais bel et bien un élément du gameplay à part entière. Dans les faits, ils agissent comme une capacité supplémentaire. Au gré de l'aventure, il est nécessaire d'accomplir un nombre définis d'épreuves par "niveaux" qui vous permettent, si vous les réussissez dans les temps, à obtenir des pièces de puzzles qui vous débloquent des accessoires pour vos machines mais également des nouveaux mondes. Cependant, suivant le type de défi, vous devrez avoir recours à des moyens précis pour parvenir à vos fins. Une noix à aller chercher sur une colline élevée ? Une course sur un lac ? Un saut gigantesque à accomplir pour vous rendre à un point donné ? Dans un jeu de plate-forme lambda, vous devriez vous servir de vos acquis de manière naturelle. Il en est de même ici avec cependant une petite réflexion supplémentaire. Car au lieu d'utiliser un double-saut ou le pouvoir de planer, il va vous falloir vous construire vous-même vos spécificités. Un avion, un hélicoptère, une voiture hérissée de piques, un véhicule à coussin d'air, un chariot bondissant, Banjo-Kazooie : Nuts & Bolts réutilise ludiquement l'inventaire à la Prévert. Chacune de vos créations correspond à une situation, tout en vous laissant la liberté de mettre au point vos prototypes si le cœur vous en dit. Gérant très précisément les lois physiques, le titre de Rare nécessite une bonne prise en compte de ces paramètres afin de tirer le meilleur parti de vos inventions.
Si la présence de ces moyens de transport change effectivement l'approche du jeu par rapport à ses prédécesseurs, ils ne sont pas une simple possibilité laissée au joueur mais bel et bien un élément du gameplay à part entière."
Une machine trop lourde à l'arrière et vous ne pouvez pas avancer, un véhicule trop long et pas assez renforcé en son centre et vous vous retrouvez avec deux moitiés pour le prix d'une. A vous d'essayer, de tester, de vous investir réellement dans la création. Une activité véritablement prenante qui, dans un registre bien plus restreint renvoie à l'expérience LittleBigPlanet, tout en restant plus centré sur le gameplay que sur un tout tentaculaire. L'inventivité dans Banjo-Kazooie : Nuts & Bolts est en effet au service d'un monde déjà existant et qui n'attend que vous pour être entièrement découvert. Une découverte facilitée d'une part par l'existence de modèles prédéfinis de véhicules (surtout si vous ne vous sentez pas l'âme créative, ce qui il faut l'avouer fait perdre le principal attrait du jeu) et d'autre part par la facilité d'accès du système de construction, ressemblant un tantinet à celui des vaisseaux Gummi de Kingdom Hearts II, en bien plus peaufiné toutefois. Les pièces récoltées peuvent s'assembler dans un nombre de combinaisons immense, se colorant de différentes façons selon la possibilité, ou non, de les fixer sur le châssis existant, rendant chaque action limpide. D'autant qu'il est possible d'effectuer une rotation de votre véhicule dans sa globalité. Une possibilité appliquée également à chacun des composants, permettant de ne subir que très rarement une frustration au moment de la conception. Le seul bémol restant l'obligation de vraiment avoir en tête ce que l'on souhaite construire. Les premières roues définissent en effet le sens de votre machine et il est malheureusement impossible de faire pivoter le siège du conducteur. Une petite tâche d'huile dans un garage bien rangé mais sur lequel notre duo peut facilement glisser.
Plates-formes sans relief ?
Prônant l'originalité comme cheval de bataille, Banjo-Kazooie : Nuts & Bolts n'en oublie pas pour autant qu'il est issu d'un lignée de titres de pure plate-forme et tente donc de donner aux habitués le minimum syndical dans ce domaine, ce qui n'est, en réalité, pas grand chose. Certes de nombreux défis vous demandent d'aller chercher tel ou tel objet, de vous battre en duel avec un adversaire dans sortes de combats de sumo ou de récolter différents items mais jamais vous n'aurez réellement l'impression d'avancer, de passer un cap vous amenant plus loin, d'explorer tout simplement. Certes Duelville est gigantesque et c'est un plaisir d'y dénicher les coins et les recoins secrets, mais le joueur a plus le sentiment de gagner des nouveaux accès que de les découvrir. Ce revirement ne plaira pas à tout le monde, surtout aux amateurs de la série de Rare qui attendaient plus un Super Mario Galaxy-like qu'un titre puzzle au concept étonnant. Néanmoins et malgré la redondance de certaines épreuves, notamment celles de course pure, on retrouve le côté progression par l'expérience du jeu de plateforme au sein même de la construction des véhicules qui sont en un sens les énigmes à résoudre pour aller de l'avant. Banjo-Kazooie : Nuts & Bolts perd en intensité, en narration, ce qu'il gagne en profondeur de jeu et en simple plaisir empirique. Reste à savoir de quel côté on se trouve.