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Sans doute toujours pressés par le temps et étouffés par les contraintes imposées par leurs éditeurs, les Lyonnais d’Etranges Libellules peinent décidément à sortir le grand jeu que l’on est en droit d’attendre de ces spécialistes du divertissement familial. Démonstration en est une nouvelle fois faite avec ce Alice au Pays des Merveilles pas dépourvu d’idées, joli et plutôt correctement troussé pour une adaptation de film sur Wii, mais qui ne restera pas pour autant dans les annales. Linéaire, un peu trop molle et embarrassée de quelques défauts techniques crispants, la production française est également en r’tard, en r’tard d’une petite génération en matière de plaisir et de profondeur ludique. Si cette déclinaison de l’œuvre de Tim Burton aurait mérité bien des éloges il y a une demi-douzaine d’années, elle n’est aujourd’hui qu’un petit titre de plus dans la vaste masse des jeux d’action-aventure disponibles sur consoles.
- Graphismes mignons
- Personnages joyeusement zinzins
- Pouvoirs des héros
- Jouable en coop'
- Soucis de caméra et de détection de la Wiimote
- Passage d'un héros à l'autre durant les combats
- Trop linéaire et assez mou
- Rien de bien neuf
- Alice ne sert à rien
Son pays des merveilles n’a peut-être pas son pareil, mais Alice n’est visiblement pas pressée de le faire visiter aux joueurs. A l’exception de quelques titres indépendants disponibles en ligne, la petite héroïne n’a pas pointé le museau hors de son terrier depuis American McGee’s Alice, vision décalée et macabre de l’œuvre britannique. La belle aventure surréaliste de la demoiselle s’adapte pourtant sans grande difficulté sur notre média, comme le prouve le studio Etranges Libellules aujourd’hui. Devenus spécialistes ès déclinaisons de licences, les autres Lyonnais préférés de Laurely transposent en effet la vision burtonienne du roman de Lewis Carroll sur Wii. Dépourvue du génie de ses illustres modèles, l’équipe indépendante délivre néanmoins un titre décent à défaut d’être éblouissant.
Alice est revenue ! La petite fille gauche a bien grandi, et c’est une jeune femme de 19 ans à l’air nunuche qui a atterri dans le terrier du lapin blanc. Au bout des galeries, un monde féerique dans lequel la logique n’a plus vraiment cours. Les chats y parlent et semblent voler, un curieux chapelier, qui ressemble étonnamment à Johnny Depp, tient de mystérieux propos aux visiteurs, et l’ensemble de l’improbable communauté craint une Reine de Cœur qui coupe les têtes comme d’autres coupent des cartes. En vérité, rien n’a vraiment changé depuis le précédent passage de la donzelle… mais tout est un peu différent.
Quinté +
Toute grande qu’elle soit devenue, Alice, par ailleurs dépourvue de tout souvenir de son premier passage mais dotée de capacités d’intégration et d’acceptation particulièrement remarquables, doit relever un défi exagérément difficile. Rien n’est évidemment impossible dans ce pays de cocagne, mais confier à une ingénue blonde la lourde tâche de triompher du terrifiant Jabberwocky n’est pas sans risque. Heureusement, Alice ne partira pas seule sur les routes parfois mal fréquentées de l’Arrière-Pays. Techniquement, elle ne partira même pas du tout puisque vous ne la dirigerez pas durant le trajet. Conscients que la revenante n’a aucune emprise sur l’univers foutraque dans lequel elle débarque, les développeurs ont préféré vous confier les commandes de fins connaisseurs de la région. Le pluriel est de rigueur puisque c’est une véritable armée mexicaine que vous dirigerez en fin de parcours. Une troupe bigarrée, composée des plus grandes stars locales, toutes dotées d’une qualité qui vous ouvrira bien des portes (au sens littéral). Eternel retardataire, le Lapin Blanc a ainsi le pouvoir de ralentir le temps – et donc tout objet ou ennemi s’agitant un peu trop – mais également celui de redonner leur éclat aux roses fanées. Le Loir a justement tout d’une rose, cette jolie petite fleur à laquelle mieux vaut ne pas se frotter. Armée d’une aiguille à coudre, la petite boule de poils est une vraie pelote de nerfs qui bastonne sec et ne fera qu’une bouchée des grands gardes que la Reine Rouge envoie à vos trousses. Bien moins vif et franchement trouillard, le doux dingue Lièvre de Mars est doué de télékinésie, atout de poids dans ces décors où les objets ont la fâcheuse habitude de défier les lois de la gravité. Lui aussi gentiment frappadingue, le Chapelier Fou vous permettra de rapprocher deux points distants grâce à sa vision assez particulière du monde. Malgré les mises en garde du Chapelier, qui déteste l’animal, le petit groupe sera complété par le Chat du Chechire, matou souffrant d’invisibilité chronique et qui peut faire apparaître, ou disparaître, certains éléments.
Monts sans merveilles
Jeu d’action/exploration, Alice au Pays des Merveilles s’appuie sur la complémentarité de ces héros. Vous dirigez l’un d’entre eux en vue objective mais pouvez à tout moment changer de protagoniste d’une simple pression sur C. Le concept est intéressant en début de partie, mais les choses se compliquent lorsqu’il devient nécessaire de scroller entre les cinq personnages, en particulier lors de séquences intenses. Non que le produit soit particulièrement rythmé, la production d’Etranges Libellules ayant plutôt tendance à dérouler tranquillement des niveaux un peu mornes où la (légère touche de) réflexion prend le pas sur l’action, mais vous ne pourrez venir à bout de certains véloces boss sans combiner les skills. Ainsi d’un combat contre le servile Valet de Cœur, durant lequel vous devrez jongler entre le discret matou, le lièvre zinzin voire le rongeur frondeur. En dépit de la densité de l’univers co-imaginé par l’auteur britannique et son fan cinéaste, le studio lyonnais peine également à donner une profondeur ludique à ce monde à part. La nouvelle virée d’Alice tente pourtant quelques incursions du côté de l’aventure, la vraie. Hélas, la possibilité d’acheter de nouvelles compétences pour les membres du quintet de choc est sous-exploitée et la linéarité de l’ensemble, malgré de timides tentatives d’ouvrir et d’interconnecter les différents niveaux, rompt un peu le charme. L’émerveillement ne viendra pas davantage de la maîtrise technique du support. La direction artistique ne manque pas de cachet, mais la gestion hasardeuse de la caméra et la détection imparfaite des mouvements de la Wiimote ramènent rapidement les intrépides sur terre. Alice au Pays des Merveilles n’en est pas pour autant l’une de ces adaptations de films bâclées qui fleurissent sur consoles. Le titre d’Etranges Libellules offre ainsi quelques séquences agréables ainsi qu’un mode coop qui permet de réduire l’embrouillamini relatif au changement de persos en cours de partie. Un concept sympa pour un titre imparfait mais loin d’être raté, qui permettra aux jeunes fans de poursuivre durant quelques heures l’exploration des terres d’une absurdité enchanteresse entrevues au cinéma.