E3 2006 : notre bilan
Voilà maintenant 15 jours que l’E3 2006 a fermé ses portes et toute l’industrie du jeu vidéo fait ses comptes. Après avoir passé une semaine à écouter les arguments marketing de chacun des constructeurs lors de leur conférence annuelle, et à courir d’un hall à un autre dans le Convention Center de Los Angeles, il est grand temps pour nous de dresser un bilan de cet événement majeur du jeu vidéo.
La presse et les analystes sont quasi unanimes. De cet E3 2006, Nintendo et Microsoft sont les deux grands constructeurs à être sortis confiants et renforcés de la grand messe du jeu vidéo. Le premier parce qu’il a enfin dévoilé au grand jour les premiers jeux jouables de la Wii - le nom définitif de sa prochaine console de salon - appelée Revolution il y a encore quelques semaines ; le second pour son discours rassurant marqué par l'arrivée prochaine de titres au potentiel fort mais aussi par la présence de Bill Gates en personne. Quant à Sony, si le vent tourne pour le leader des consoles de salon, rien n'est encore joué, loin de là même.
Wii à la Revolution
Prenant un chemin radicalement différent des autres fabricants, Nintendo poursuit la politique instaurée par la DS - sa console à double écran qui fait un tabac à travers le monde (11,46 millions d’unités vendues depuis sa sortie) – en touchant un plus large public. En l’absence de lecteur Blu-Ray ou HD-DVD, la Wii sera également la console la moins onéreuse du marché puisque son prix vient tout juste d’être dévoilée. Inférieur à 250 $ aux Etats-Unis, 25 000 yens (175 €) au Japon, un tarif trois fois moins cher que celui de la PlayStation 3 qui sera vendue, on le rappelle, 499 € et 599 € selon le pack choisi. Un argument supplémentaire pour Nintendo pour se rapprocher davantage de monsieur tout le monde qui n’a pas forcément envie de vider son compte en banque pour passer du bon temps devant son écran. En revanche, il faudra se montrer conciliant avec les graphismes affichés par la Wii, nettement moins impressionnants que ceux qu’on a pu apprécier dans Gears of War ou bien encore Heavenly Sword. La Wii possède une architecture proche de la GameCube tant et si bien que certains titres tels que Metroid Prime 3 : Corruption par exemple semble être identique en tous points aux deux premiers volets. Est-ce un problème pour autant ? Pas le moins du monde le souligne Reggie Fils-Aimé, le nouveau Président de Nintendo of America, au début de la conférence de presse pré-E3. Nintendo mise sur le changement avec la Wii. "Change is good" clame-t-il bien fort. Un changement qui se traduit par une nouvelle façon de concevoir le jeu vidéo.
Après avoir passé plus de 20 ans à jouer avec une manette entre les deux mains, Nintendo chamboule l’industrie en dévoilant une télécommande et un module supplémentaire qui transforme l'accessoire en nunchaku ! Incroyable mais vrai. Playing is believing. Jamais un slogan n’aura été aussi véridique. Il suffit de prendre la zappette dans la main pour comprendre que Nintendo s’acharne avant tout pour nous proposer une maniabilité sans faille. Grâce à la Wiimote, n’importe qui va pouvoir jouer aux jeux vidéo. Du jeune enfant au grand-père de 77 ans en passant par la ménagère de 40 ans, tenir une télécommande dans une main est à la portée de tous. Pour nous le prouver, 27 jeux et démos techniques étaient en libre accès sur le stand de Nintendo qui affichait complet pendant toute la durée du salon. Le second jour, il fallait patienter jusqu'à 4 heures avant de pouvoir accéder à la zone réservée pour la Wii. Du jamais vu ! Pendant ce temps, juste en face, Sony avait bien du mal à convaincre avec ses quelques démos jouables, loin, très loin de ce que nous avait promis le leader du marché...
Le grand bluff
La force marketing de Sony n’est plus à démontrer. Grand gagnant de l’E3 2005, Sony avait, rappelez-vous, scotcher toute l’industrie en dévoilant pour la première fois sa PlayStation 3 à la surprise générale, qui fut épaulée par des vidéos complètement hallucinantes, tant et si bien que la conférence de presse Microsoft qui a suivi juste après, s’est soldée par un échec cuisant. Cette année, Sony était donc attendu au tournant, étant donné que le constructeur devait enfin dévoiler les premiers jeux jouables de la PlayStation 3, une machine censée être deux fois plus puissante qu’une Xbox 360, si on s’amuse à comparer le nombre de teraflops dans chaque console. Malheureusement, la réalité est tout autre et la déception fut palpable dès lors que Gran Turismo HD fut montré lors de la conférence de presse. Une démonstration beaucoup trop longue et sans grand intérêt si ce n’est de rappeler sans cesse qu’il est le premier jeu en "full HD", soit affichant du 1080p. Le silence de mort qui régnait dans la salle n’était donc que le reflet d'un oratoire qui s’est embourbé dans des tableaux et des chiffres à n’en plus finir, des démos de SingStar et de The Eye of The Judgement (le jeu de plateau à reconnaissance visuelle) qui n’intéressaient, soyons honnêtes, quasi personne. En témoignent les nombreux appels de Phil Harrison envers les personnes présentes dans la salle à ne pas hésiter à applaudir chacune des prestations. Désolant.
Aucun mot à l’égard de la PlayStation Portable ni même de Killzone 2 ou MotorStorm, les deux arguments chocs de la conférence pré-E3 2005. Et pourtant, le jeu de Evolution Studios était bel et bien jouable dans les parties privées du stand Sony, où seuls certains médias étaient autorisés à y accéder. Il aura fallu attendre l’arrivée de Ken Kutaragi qui nous a dévoilé, sourire aux lèvres, le design définitif de la manette PS3 pour que la salle se mette subitement à sortir de son comas léthargique. Pour la troisième génération consécutive, Sony a donc opté pour la Dual Shock, désormais dénuée de toute vibration mais dotée d’un capteur de mouvement : le gyroscope. Comme nous l’a précisé l’un des développeurs de Virtua Tennis 3 sur le stand de Sega, cette nouvelle fonctionnalité a été ajoutée à la dernière minute et bon nombre de développeurs sont désormais obligés de repenser le gameplay de certains de leurs titres pour y intégrer le capteur de mouvement. Une Dual Shock 3 réalisée à l’arrache ? C’est bien les conclusions que certains analystes ne cessent de tirer depuis qu'elle a été exhibée au grand jour. Quant à la partie online, rien de bien folichon à se mettre sous la dent non plus, si ce n’est une politique calquée sur Microsoft et son Xbox Live. Bref, cette année, la note est particulièrement salée pour Sony qui sort perdant de cet E3 2006, la faute à une prestation qui n'a pas réussit à assurer le tiers de ce qu’on nous avait promis il y a un an. Affaibli mais pas abattu, Sony est loin d’avoir dit son dernier mot et la longue liste des éditeurs tiers qui défilaient à la fin de la conférence, prouve une fois encore que la PlayStation 3 est une console au potentiel colossal. Les titres à venir sur la machine, tels que Final Fantasy XIII, Metal Gear Solid 4 : Guns of The Patriots, Eight Days, le projet de Naughty Dog, s’annoncent également très prometteurs. Et comme l’a déjà démontré Nintendo et Microsoft, il est très facile de se relever après avoir passé un mauvais E3.
Microsoft rassure
En choisissant Gears of War comme amuse-gueule, Microsoft ne pouvait pas mieux débuter sa conférence de presse pré-E3. Manette en main, Cliffy B. - l’un des pontes de l’équipe de développement chez Epic Games – nous dévoile une séquence de gameplay du jeu pendant près de 10 minutes. Juste le temps qu’il faut pour que la salle du Chinese Theater n’en prenne plein la vue et découvre enfin ce qui sera la killer app’ de la Xbox 360 à Noël. Suprenant comme l'a été le reste de la conférence. Microsoft corrige ses erreurs et tente à chaque fois de rectifier le tir afin d’améliorer son image de marque. Prétentieux voire à la limite du ridicule l’année dernière, le discours de Peter Moore cette année, fut serein et rassurant. Malgré un accouchement difficile et une percée vaine au Japon, la Xbox 360 se porte bien, comme aime à nous le préciser le nouveau responsable de la division Xbox chez Microsoft. D’ici la fin de l’année, 10 millions de machines auront été distribuées dans les foyers du monde entier. Et après douze mois de rodage, la Xbox 360 s’apprête à accueillir des titres de seconde génération, bien plus bluffants techniquement que les premiers jeux du lancement. Gears of War, Dead Rising, Lost Planet, BioShock, Army of Two sont autant d'arguments valables qui risquent fortement de filer un petit coup de pouce aux ventes de la Xbox 360 dès leur sortie. L’arrivée de Grand Theft Auto IV est également un argument de poids en faveur du géant américain qui n’a pas hésité à faire valoir cette venue par un tatouage (un peu cheap il faut l’avouer) portée par Peter Moore sur son bras gauche.
Ce dernier n’était d’ailleurs pas le seul orateur de cette conférence et en l’absence de Robbie Bach et de Jay Allard, c’est Bill Gates en personne qui a assuré le reste du spectacle. Pour sa première venue à l'E3, Bill Gates s'est chargé de parler de la compatibilité entre Windows Vista et la Xbox 360, qui fut d'ailleurs fortement applaudie par les journalistes et autres analystes présents dans la salle. Pouvoir jouer sur un même jeu quelque soit le support, voilà l'avenir du jeu en ligne d'après Microsoft. Le fameux boîtier HD-DVD fut également l’un des sujets marquants de cette conférence avec le soutien de grands majors du cinéma et qui ouvre bel et bien la guerre avec Sony et son Blu-Ray. Pour terminer le show sur une note positive, rien de tel que le premier trailer de Halo 3, multi-téléchargé sur le Net et qui prouve que le Master Chief n'a pas usurpé sa réputation. Plus sobre, plus posée et moins arrogante, la conférence de presse de Microsoft en 2006 fut rassurante. Rassurante pour une Xbox 360 qui a besoin de convaincre encore mais qui devrait prochainement se renforcer grâce à la venue de jeu au potentiel intéressant. La guerre des consoles n’aura jamais été aussi virulente qu’en 2006.