E3 09 > Conf' Sony : compte-rendu
Débutant par un générique un tantinet pompeux, faisant de la PS3 un monolithe écrasant à la 2001, l’Odyssée de l’Espace, la conférence de Sony semblait déjà se raconter uniquement dans cette petite introduction. En effet, l’accent était clairement mis sur le spectaculaire à défaut du justifié. Pourtant, les premières minutes ne laissaient pas vraiment entendre que des grosses annonces pouvaient être au rendez-vous.
Après une longue énumération des bienfaits de la gamme PlayStation sur le monde vidéoludique, le CEO Jack Tretton a ensuite fait un rapide tour d’horizon des licences fortes disponibles et à venir, passant de Final Fantasy XIII à Modern Warfare 2, sans oublier Heavy Rain. Ce que Sony n'a en revanche pas précisé, c’est que deux des trois titres évoqués étaient en réalité des jeux multi-plateformes. Il était évident que Tretton n’allait pas insister sur le fait qu’une bonne partie de sa gamme se trouve à égale qualité chez la concurrence, mais cette façon de procéder mettait bien en valeur la volonté discutable de Sony de ramener l’ensemble du marché à un unique point de vue, le sien. Sentant que son argumentation sur un Sony futur leader du marché nécessitait quelques preuves tangibles, Tretton s’effaça pour laisser la place à Evan Wells venu présenter un Uncharted 2 : Among Thieves doté d’une réalisation de très grande qualité. Si la démonstration n'offrait pas des séquences d’une folle originalité, le tout était très efficace et correspondait bien à ce que Tretton appellait "le Blockbuster". Toute la conférence tourna effectivement sur cette notion, Sony désirant visiblement détonner non par le concept, du moins pas complètement, mais par l’effet. Les deux exceptions étant The Last Guardian et leur nouvelle manette. La première partie se poursuivit avec une présentation de MAG développé par Zipper Interactive, une sorte de Battlefield géant pouvant accueillir jusqu'à 256 joueurs. Malgré la loi du chiffre, la démonstration plutôt molle ne parvint pas vraiment à réveiller l’assistance hagarde. Jack Tretton saisit alors l’occasion pour se tourner vers LE marché qui permet aujourd’hui à Sony de mener une « guerre » réelle à Nintendo, celui de la console portable. Outre les packs plus ou moins intéressants qui égaieront les rayons d’ici à Noël, c’est surtout la PSP-Go qui fut au centre de toutes les attentions. Très clairement développée dans l’optique de contrer indirectement la DSi, la portable de Sony fut donc officiellement annoncée par Kaz Hirai himself. Si le design et l’ergonomie laissent très sceptiques, tout autant que la disparition du support physique qui sera sans doute un projet monumental à gérer, les nouvelles possibilités sont assez intéressantes. Notamment le nouveau système de tri musical très complet dont sera doté la PSP-Go ainsi que ses futures applications à la iPhone. Mais malgré les propos très étranges de Tretton sur le fait que les consoles Sony soient accessibles à un large éventail de bourses, c’est surtout le prix prohibitif de cette nouvelle machine qui marqua les esprits : 249,99€ euros. Soit un prix supérieur à une Xbox 360 de milieu de gamme. Sachant que les derniers modèles en date, à savoir la PSP-3000, ne coûtent pas plus de 170 €, la différence finale est difficilement justifiable. A noter tout de même la très bonne idée que représente l'application Media Go, permettant d’accéder au Playstation Network via un PC, rendant la connexion d’autant plus simple. Terriblement marketing, cette première partie d’autocongratulation bien morne s’achève sur la présentation assez maligne de Gran Turismo sur PSP, que l’on pensait définitivement enterré.
Des annonces en pagaille !
Agissant comme un coup de tonnerre, cette courte séquence de jeu présentée par l’un des hommes forts de Polyphony Digital amena en réalité un flot d’annonces qui ne s'arrêtera que pour favoriser le contraste avec le projet top secret du constructeur. Une manœuvre habile qui fonctionne d’autant mieux avec une liste de nouveaux titres assez conséquente. C’est donc par l’intermédiaire de grands « noms » que Sony va venir grossir son image de firme plurielle et attachée aux racines du jeu vidéo. Resident Evil sur PSP, un très alléchant Metal Gear Solid : Peace Walker également sur PSP, un Soul Calibur : Broken Destiny déjà connu mais qui fait son effet et la petite piqûre de rappel Final Fantasy VII disponible désormais sur le PlayStation Network. Un line-up déjà sympathique qui se voit d’un coup gonflé par ce qui tient en vie chaque conférence constructeur à l’E3, l’annonce inattendue. Elle prend la forme d’un titre de Rockstar North, baptisé Agent, qui sera une exclusivité PS3. Après les infidélités passées de Rockstar, Sony reprend confiance et s’affiche comme le bon père de famille qui a ramené à lui l’enfant fugueur. Jack Tretton ne cessera d’ailleurs jamais de jouer sur cette image de vraie constructeur paternaliste, remettant sans cesse dans ses propos les licences supportant Sony, comme autant de bétail bien gardé. "Si vous voulez le jeu vidéo que vous aimez, venez chez Sony" en quelque sorte. Une approche sublimée par l’annonce cataclysmique d’un Final Fantasy XIV exclusif, mais online. On ne peut pas tout avoir. Car il est légitime de se demander si le choix d’une exclusivité sur un titre online, notamment un RPG est une bonne chose, surtout face aux amateurs de jeux de rôle "classiques" qui espéraient enfin trouver dans le cadre de cet E3 des réponses à leurs interrogations. Après avoir démontré le potentiel gamer de leurs consoles, Sony pouvait désormais tenter une approche plus douce en démontrant que sa vision du jeu vidéo pouvait également se reposer sur de l’originalité et de la création pure. D’où la révélation de leur nouvelle manière de jouer prenant la forme d’une sorte d’ersatz de Wiimote. Bien moins ambitieux que le Project Natal mais plus "réaliste" dans sa démonstration, le système de Sony semble bien plus précis que ce que l’on peut expérimenter sur Wii, mais sans vraiment apporter quelque chose de révolutionnaire. Certes, les démonstrations de combat contre diverses créatures étaient assez probantes au niveau du placement, même si un ou deux sévères décalages apparaissaient ici et là, mais malgré les explications de l’orateur, il était difficile de voir où Sony voulait en venir. Du moins à part faire concurrence à Nintendo. Mais le plus troublant restait l’aspect encore un peu cheap de la chose, donnant l’impression que la présentation avaiet été préparée quelques heures en amont. Etonnant pour une conférence à réel grand spectacle. Enfin, la conférence se termina sur le trailer de The Last Guardian, le nouveau titre de Fumito Ueda et de la team ICO, malheureusement et rapidement effacé derrière un Gran Turismo 5 en pleine forme et un God of War III qui clotura la séance avec une maestria impressionnante, donnant le coup de poing sur la table que Sony désirait.
Kaz Hirai / Casual
En conclusion, cette conférence E3 illustre très bien le placement assez agressif de Sony qui cherche par tous les moyens à redorer son blason et à afficher une image de sérénité un peu crispée. Si les annonces ont été nombreuses, voire très nombreuses et potentiellement vectrices d’une masse de qualité assez ahurissante, Sony peine à vraiment convaincre sur le fond. Certes, des grosses licences ont élu domicile dans les quartiers du constructeur japonais, certes certaines infidélités sont réparées, mais malgré ces nouvelles positives et parfois excitantes il est décevant de ne voir aucun sursaut véritable. Tout semble orienté vers une volonté de convaincre "par la force". Là où Microsoft contre Nintendo avec élégance, Sony le fait tête baissée. Là où les constructeurs cherchent à baisser les prix et se rapprocher du consommateur, Sony fait bloc. Là où d’autres vont chercher des exclusivités sur le principe, Sony veut du nom. C’est de la communication des deux côtés, c’est évident, mais Sony paraît s’éloigner encore plus de ses "clients" qui ne lui demandent qu’une chose, de leur fournir des produits qui les fassent un peu vibrer. Car si les possesseurs de PSP peuvent s’estimer heureux, les possesseurs de PS3 quant à eux n’ont pas eu forcément un régime aussi riche. Du moins pas avant une bonne année. On pourrait alors se demander les raisons de l’absence d’Heavy Rain ou de White Knight Chronicles, pourtant destinés à ce même public et bien plus proches dans le temps. Parce que la nouveauté, même à très long terme reste de la nouveauté. Mais à force de voir à long terme Sony paraît oublier que la demande est encore et toujours là, et que ce ne sont pas des vidéos non datées de titres depuis longtemps en développement qui étancheront une soif un peu risquée. Sony sait ménager le spectacle, sait s’attirer les bonnes grâces, sait impressionner (cette conférence en étant la preuve) mais a du mal à se pencher vers le joueur. Cette conférence, en soi réussie, donne une image qui reste, celle d’un géant très beau, qui parle beaucoup mais qui peine à marcher. Pour finir sur une note positive, cette conférence est tout de même la première depuis bien longtemps durant laquelle Sony est parvenu à faire renaître un peu de son dynamisme d’antan. C’est bon signe.