Dragon Age 4 : après Anthem, BioWare au coeur d'une nouvelle enquête avec le plein d'infos
Après avoir investigué sur la conception chaotique d’Anthem, Jason Schreier s’attaque à présent à Dragon Age 4 qui, lui aussi, connaît un accouchement difficile. D’ailleurs, le journaliste de Kotaku révèle que le développement du jeu a repris de zéro en octobre 2017 en raison de dissensions internes entre Electronic Arts (animé par ses objectifs financiers), et BioWare (désireux de rester fidèle à ses principes et aux fans). Cette lutte intestine a conduit au départ de plusieurs membres clés – dont le directeur créatif historique Mike Laidlaw – alors que le projet était parti sur de bons rails. En effet, contrairement à Dragon Age : Inquisition, la vision était claire, les ambitions bien définies et, surtout, les technologies éprouvées. « Mike Laidlaw et le producteur Mark Darrah ont dit au staff qu’ils désiraient faire les choses différemment pour leur prochain jeu [Dragon Age 4], car ils étaient conscients qu’ils avaient commis des erreurs. Ils ne voulaient plus faire peser aux équipes une telle charge de travail », explique Jason Schreier. Avant de savoir où BioWare en est aujourd’hui avec le jeu, un petit retour en arrière s’impose.
Après la sortie de l’extension Trespasser en 2015, la team Dragon Age s’est séparée. Si la plupart ont rejoint les développeurs déjà à l’œuvre sur Mass Effect : Andromeda, une petite partie (soutenue par Darrah et Laidlaw) s’est mise à travailler sur Dragon Age 4 (à ce moment, le nom de code était Joplin). Comme indiqué un peu plus haut, l’enthousiasme était de mise car les gens étaient déjà familiers avec le Frostbite qui, lors du développement d’Inquisition, les avait rendus fous. Chaque idée émise était prototypée dans la foulée, et la fluidité du planning faisait que les éventuels soucis techniques étaient résolus très tôt. Puisqu’il fallait intégrer du sang frais, des documents détaillés étaient fournis aux nouveaux arrivants afin qu’ils s’imprègnent du projet le plus rapidement et le plus efficacement possible. Il y a aussi le fait que les réunions permettaient de prendre réellement des décisions, un aspect qui ne sera malheureusement pas reconduit pour Anthem. « C’est l’une des meilleures expériences que j’ai vécues, a même indiqué un ex-membre du studio à Kotaku. On travaillait sur un jeu vraiment cool et hautement réactif. Peut-être qu’il était d’envergure moindre que Dragon Age : Inquisition, mais il offrait nettement plus de choix et de profondeur au joueur ».
Le point de départ du scénario était de suivre les pérégrinations d’un groupe d’espions, avec l’Empire de Tévinter comme toile de fond. Les développeurs souhaitaient mettre les décisions du joueur et leurs conséquences au cœur du gameplay, tout ça dans un univers moins vaste que celui de l’épisode précédent donc, mais au contenu plus riche – réduire au maximum le nombre de quêtes Fedex faisait partie des priorités. Le premier grain de sable est arrivé fin 2016, quand BioWare mit le projet en stand-by pour jeter toutes ses forces vives sur Mass Effect : Andromeda. Une fois ce dernier disponible sur le marché (mars 2017), les équipes se remirent à plancher sur Joplin – même si certains développeurs étaient déjà convaincus qu’Anthem serait le prochain projet à boucler en toute vitesse – et c’est à ce moment-là que les exécutifs se sont aperçus qu’ils n’avaient pas pensé au mode multijoueur. Or, si Electronic Arts laisse toute latitude à BioWare pour développer ses jeux, il y a quand même un cahier des charges à respecter ; et l’éditeur américain n’a jamais caché sa volonté de faire de ses jeux des games as a service en puissance, afin qu’ils continuent de générer des recettes des mois, voire des années après leur sortie.
Bien évidemment, Dragon Age 4, tel qu’il avait été pensé dès le départ, ne rentrait pas dans cette catégorie, et des développeurs ont même eu le sentiment que BioWare était perçu comme une anomalie au sein de la galaxie Electronic Arts. Là où les autres studios proposent des jeux d’action explosifs et des grosses simulations sportives, eux tablent sur des RPG. « Dans le monde, les jeux BioWare ne se sont jamais autant vendus que FIFA ou Battlefield, affirme Jason Schreier. Du coup, les équipes n’ont jamais eu l’impression de pouvoir bénéficier des mêmes ressources que les autres studios. Dans les hautes sphères de BioWare, ont s'est même déjà demandé si les dirigeants d’Electronic Arts portent vraiment de l’intérêt à la narration et aux RPG. Ces questions subsistent toujours. »
Comme prévu, ce fut au tour d’Anthem de se retrouver dans la mouise mi-2017, et pour ne pas mettre le jeu en péril, BioWare prit une décision radicale. Après le retour de Casey Hudson, le studio fit donc le choix d’annuler le développement de Dragon Age 4 et de déplacer une partie des développeurs sur Anthem, y compris le producteur Mark Darrah. En parallèle, une team réduite s’est mise à bosser sur un nouveau Dragon Age baptisé cette fois-ci Morrison, et censé s’appuyer sur les mêmes outils que ceux utilisés pour Anthem. Contrairement à Joplin, il a été conçu dès le début pour le jeu en ligne et un modèle économique plus en phase avec les games as a service. A l’heure actuelle, on ignore si certains éléments créés pour Joplin se retrouveront dans Morrison, mais toujours est-il que ce redémarrage du projet a incité Mike Laidlaw et d’autres membres clés de BioWare à plier bagage. Aujourd’hui, c’est Matt Goldman (directeur artistique de Dragon Age : Inquisition) qui occupe le poste, tandis que Mark Darrah officie toujours en tant que producteur.
Teasé lors des Game Awards 2018, le nouveau Dragon Age n’en est qu’à ses balbutiements d’après les informations de Kotaku, et compte tenu de l’accueil glacial reçu par Anthem, il n’est pas impossible que son développement connaisse encore quelques remous. Selon certaines rumeurs, il se pourrait que Morrison ne soit rien d’autre qu’un « Anthem avec des dragons », tandis que des développeurs actuels de BioWare contredisent cet argument. « L’idée, c’est qu’Anthem a été créé autour du jeu en ligne, alors que pour Dragon Age et Mass Effect, même s’ils seront susceptibles à l’avenir d’intégrer des éléments propres au online, ce n’est pas dans leur ADN, a expliqué l’un d’eux. Je ne pense pas que nous modifieront en profondeur ces deux licences. » Toujours dans les rangs de BioWare, on confirme qu’il est techniquement possible d’utiliser le code d’Anthem pour créer une campagne offline, mais l’article de Jason Schreier ne permet pas de savoir si ça figure dans les intentions de Morrison. L’une des hypothèses suggère que le prochain Dragon Age dispose bel et bien d’une campagne classique, avec à côté un mode multijoueur et du contenu post-lancement visant essentiellement à stimuler la communauté prête à dépenser des sous.