Cat's Eyes : on a vu la série de TF1, aussi palpitante qu'un épisode de Julie Lescaut ?
Diffusée en prime time le lundi 11 novembre 2024 par le biais des deux premiers épisodes, la série Cat's Eyes est déjà érigée comme étant un gros succès d'audience. D'après Médiamétrie, 4.56 millions de téléspectateurs ont visionné les épisodes 1 et 2 de Cat's Eyes, soit 24.5% du public, permettant à la mini-série de devenir le meilleur démarrage d'une série sur TF1 depuis HPI et réalise la meilleure audience historique d'une série TF1 sur la cible des 15-24 ans très convoitée par les annonceurs publicitaires. Si ces chiffres brossent les patrons en costard dans le sens du poil, qu'en est-il réellement du retour des spectateurs ? Avec une note moyenne de 2.7 sur 5 sur le site Allociné, les retours sont très partagés et tendent même vers des avis plutôt négatifs plus on avance dans le temps. De notre côté, on a aussi suivi la série en prime time le 11 novembre, mais on a aussi pris le temps de prendre du recul et de revoir les deux premiers épisodes en Replay deux jours plus tard. Aussi parce que mon épouse a tendance à beaucoup parler quand on regarde un film ensemble, mais également pour des besoins d'analyse, afin de mieux comprendre comment il est possible de rater autant le coche dans certains éléments de la série, notamment les scènes d'action et le côté félin des soeurs Chamade qu'on ne retrouve à aucun moment.
BOBO WESH
En fait, ce Cat's Eyes qui se déroule à Paris a le cul entre deux chaises, avec d'un côté une approche très sérieuse, très premier degré et de l'autre, une tentative plus loufoque, plus décalée avec justement les personnages d'Elodie Fontan et de Gilbert Melki. C'est peut-être cette approche qu'il aurait fallu avoir pour l'ensemble de série, au lieu de vouloir l'ancrer dans un trop plein de réalisme à la française, limite parisienne, entre ambiance bobo et relents wesh-wesh malvenus. Autant le côté parisien bobo c'est compréhensible, parce que la série a aussi été pensée pour le marché international, et avoir un Paris carte postale, c'est vendeur, mais les embrouilles des cités, c'est absolument gênant. La scène où Tam (jouée par la pétillante Camille Lou) est à deux doigts de se faire renverser par Assaya qui est devenue "la meuf" (c'est le terme employé dans le dialogue avec le ton racailleux qui va avec) de Quentin dans la série détonne affreusement avec l'idée qu'on se fait d'un tel personnage. Parce que non seulement ça manque d'élégance, mais en plus on dénature totalement le personnage d'Assaya. Dans le manga et l'animé, c'est un personnage posé, froid, qui a des doutes sur les intentions de Quentin qu'elle estime être la taupe des Cat's Eyes. Elle est donc censée apporter un regard plus intellect sur le personnage un peu nunuche qu'est Quentin, chose qui est complètement remis en question ici. Nous n'avons aucun problème avec le fait de vouloir se détâcher de l'oeuvre d'origine, mais il y a quand même des limites à ne pas franchir...
De toutes les façons, le 'showrunner' Michel Catz a eu le feu vert de Tsukasa Hojo pour réinterpréter l'histoire à sa sauce, avec la seule contrainte que le narratif raconte les aventures de trois voleuses d'oeuvres d'art, avec des relations d'amour et d'amitié, le tout ponctué par de l'action et de l'humour. De toutes les façons, étant donné la barrière de la langue, de la culture surtout et donc des rapports qu'on peut avoir avec telle ou telle situation selon les moeurs d'un pays, Hojo-san ne pourra pas percutant que le côté 'djeuns', un peu 'wesh-franchouillard' par moments, et qui dessert totalement le ton global de la série. Et puis, soyons honnêtes, Tsukasa Hojo est arrivé à un âge où il se doit tamponner le coquillard qu'on réinterprète son oeuvre surtout quand c'est tellement ancré dans une autre culture. On n'est même pas certain que les fans japonais seront même au courant de l'existence d'une série produite par la France et TF1...
VERTIGE & TUTO YOUTUBE
Et c'est dommage parce qu'il y a des choses intéressantes qui sont explorées dans cette série, comme le fait que ce soit une Origin Story, que les relations entre Tam, Sylia et Alex ne soient pas au beau fixe au départ. C'est une bonne idée en vrai, d'autant que les trois actrices qui ont été choisies ont été plutôt bien castées. On a personnellement un petit faible pour Camille Lou depuis qu'on l'a découverte dans le film 'Chasse Gardée' où elle joue aux côtés de Didier Bourdon et qu'on trouve pétillante, mais Constance Labbé et Claire Romain s'en sortent plutôt bien également.
Il y a cependant un vrai gros problème en ayant choisi l'origin story des soeurs Chamade, le fait qu'elle ne soit pas encore des voleuses confirmées et que leur agilité ne soit pas encore déployée, c'est cette absence d'epicness à l'écran, chose qui manque terriblement dans ces deux premiers épisodes, censés nous donner envie de continuer à regarder. C'est long, c'est mou, il ne se passe pas grand-chose et il aurait fallu avoir une approche plus accrocheuse pour nous rassurer quant à la direction prise par cette série télé. On a lu et vu des avis dythirambiques qui parlaient de scènes d'action vertigineuses sur la Terre Eiffel... Soit ces personnes sont en promo forcée pour la série, soit il faut arrêter la gnole au petit dejeuner. Parce qu'à part monter sur des rembardes bien sécurisées et faire l'équilibriste avec beaucoup d'hésitation, on ne retrouve en rien nos 'trois vives panthères, qui en un éclair, savent bondir sans un bruit', thémathique qui est pourtant chantonnée dans l'opening de l'animé et de cette même série. Et c'est pourtant ce qu'il fallait faire en intro de la série pour le premier épisode, envoyer le pâté, faire une grosse scène d'action maboule sur cette même Tour Eiffel, quitte à faire un flashback dans la narration. Pas de chance, comme il s'agit du premier casse de Tam, qui n'a jamais été cambrioleuse, on se retrouve avec un personnage hésitant, qui escalade des rembardes comme mon fils de 6 ans grimpe dans un arbre. Il aurait fallu ouvrir avec une séquence plus épique avec un vol où les 3 soeurs sont déjà des acrobates confirmées pour donner envie, pour mettre du rythme, pour respecter l'oeuvre originale.
"PLUS BELLE LE VIDE"
Il a été dit en interview que c'est la cascadeuse Chloé Henry qui s'est chargée des cascades du personnage de Tam quand on la voit de dos, tandis que les gros plans avec Camille Lou sont en réalité tournées en fond vert, et malheureusement ça se voit. On voit en effet la différence d'étalonnage entre Camille Lou et le décor en arrière-plan. Rien de dramatique, Madame Michu et ses copines qui ont l'habitude de regarder Julie Lescaut ne percuteront pas, mais il est malhonnête de dire que les scènes d'action sont une franche réussite, c'est même clairement le gros point faible de la série. Les angles de vue manquent souvent d'ampleur, on multiplie les plans serrés, je sais que l'équipe de production a été limitée par le temps et ce qui a été imposé par les reponsables en charge de la Tour Eiffel, mais ce n'est jamais dynamique et encore moins palpitant. Alexandre Laurent, le réalisateur, a trop forcé sur les longs plans qui suivent les personnages de dos, ça n'apporte rien et souvent, ça nuit au bon rythme de l'épisode. Par exemple, quand Tam fait mine de sauter de la Tour Eiffel en parachute, Quentin va essayer de la rattraper en descendant du monument. La caméra le suit tout le long de sa descente, dans les escaliers puis dans l'ascenseur, rallongeant une séquence qui n'avait pas besoin de durer aussi longtemps. A tel point qu'on se retrouve avec des situations ubuesques, où la Police fluviale a le temps d'être appelée, de se rendre sur les lieux du point de chute de Tam, alors que Quentin n'est toujours sorti de l'ascenseur. Quant au plan où l'on s'aperçoit que l'Arc de Triomphe est située à deux mètres de la Tour Eiffel, je crois que même Tom Cruise n'avait pas fait pareil raccourci dans Mission Impossible Fallout.
Même constat dans l'épisode 2 avec la course-poursuite sur les toits de Paris. Ok, ça été véritablement filmé par une équipe sur les hauteurs de la capitale, il y a une envie de véracité, de practical dans la façon de faire, mais ce n'est jamais palpitant et encore moins épique. Je ne dis pas qu'il aurait fallu faire appel à des spécialistes du Parkour pour façonner une telle séquence, parce que les scènes d'action à la Yamakazi en 2024, c'est devenu absolument has-been, mais il y avait moyen d'imaginer une course-poursuite plus intense quand même. A part Quentin qui chute des toits avec un raccord grossier, il n'y a jamais d'ambition, et je ne vous parle même pas du rendu cradingue de ces séquences filmées de nuit où l'on ne voit absolument rien. Entre les défauts d'obturation de la caméra et l'image hyper bruité, mais aussi l'absence d'éclairage dans ces scènes nocturnes, c'est à se demander s'il y a eu un technicien pour s'assurer de la bonne mise en place de cette séquence. C'est moche et c'est pourtant 25 millions d'euros qui ont été injectés dans cette série. Lunaire...
TROOOOP LONG
Qu'importe, tout est trop long et trop mou dans ces deux premiers épisodes et c'est aussi le principal défaut de cette série. On est quand même sur un premier épisode d'une durée de 59 min et un second de 55 min et en y regardant de plus près, on pouvait carrément raccourcir de 20 bonnes minutes chacun des deux épisodes. Tout est tiré en longueur sans rien apporter de pertinent, ça plombe le rythme et j'espère que les 6 autres épisodes, qui dure eux aussi 50 minutes apporteront de la consistance. Bref, beaucoup de frustration face à cette série qui n'est pour le moment pas à la hauteur du matériau d'origine et c'est d'autant plus regrettable qu'on sent que les auteurs et les gens qui ont participé au projet avaient envie de faire quelque chose. Après, la faute aussi à TF1 s'ils ne sont pas fichus de comprendre qu'une série Cat's Eyes, c'est aussi une fiction où la voltige doit être au coeur de l'équation, et pas uniquement des engueulades de frangines déboussolées autour d'un café crème facturé 12€ dans le quartier de Saint Germain des Prés.
CONCLUSION : ON CONTINUE DE REGARDER ?
Démarrage compliqué pour ce Cat's Eyes à la française signé TF1 et Amazon Prime Video. Si l'on sent l'envie de proposer une autre vision de l'oeuvre de Tsuaka Hojo avec une origin story sur les trois soeurs Chamade, on reste assez dubitatif quant à l'exécution proposée. C'est globalement assez mou, il ne se passe pas grand-chose en pourtant 2h de programme, et on a l'impression que le côté félin et très acrobatique du manga et de l'animé est aux abonnés absent. Bien sûr, il est encore trop tôt pour tirer des conclusions hâtives, puisqu'il reste encore 6 épisodes (de 50 min chacun) à découvrir et que sans doute les trois voleuses vont évoluer, mais pour un démarrage, ça manque véritablement de punch, d'action et d'enjeux véritables. Lancer une série telle que Cat's Eyes avec des voleuses qui ont le vertige et doivent consulter des tutos YouTube pour apprendre à dérober un coffre-fort, c'est à la fois osé et complètement déconnecté. On suivra avec attention la suite de la série, mais on est de notre côté déjà décontenancé...
NOTRE NOTE : 4/10