Ubisoft : l'OPA hostile de Bolloré a-t-elle pour but d'en finir avec la famille Guillemot ?
Mais que cherche à faire Vincent Bolloré en devenant l'actionnaire principal d'Ubisoft et de Gameloft ? C'est bien la question que se posent les frères Guillemot qui ont tenu à rassurer leurs employés la semaine dernière en affirmant dans un mail interne "qu'ils feront tout pour garder leur indépendance [...] afin de ne pas se faire distraire de leurs objectifs". Mais nul besoin de sortir de Saint-Cyr pour comprendre que l'éditeur français et son chiffre d'affaires de 1,4 milliard d'euros attirent les convoitises d'un groupe comme Bolloré qui semble s'intéresser de plus en plus à l'industrie du divertissement. N'oublions pas non plus qu'Ubisoft fait partie des cinq plus grands éditeurs de jeux vidéo au monde et qu'une branche cinéma a été ouverte pour produire leurs propres films, sans oublier le parc d'attraction prévu à Singapour en 2020. Bref, tout cela fait sens dans la tête de Vincent Bolloré.
La famille Guillermot, qui détient moins de 10% des actions de sa propre société, doit-elle se sentir menacée ? Quand on sait que l'entrée du groupe Bolloré dans le capital était non désirée et que Vincent Bolloré a la facheuse réputation de ne pas être un actionnaire dormant, il y a en effet de quoi s'inquiéter pour le sort de la famille morbihannaise. Il faut aussi se rappeler que l'homme d'affaires a pris la tête de Vivendi en moins de deux ans, en débutant avec une prise de participation de 2,5% en 2012. On connaît la suite et notamment ce qui s'est passé cet été au sein de la direction du groupe Canal+, désormais sous l'égide de l'ogre Bolloré. A cela s'ajoute un petit retournement de veste qui n'est pas passé inaperçu, puisque la semaine dernière, Bolloré ne comptait pas demander de siège au conseil d'administration d'Ubisoft (source : Libération) mais qu'il a depuis changé d'avis en précisant aujourd'hui qu’il "se réserve la faculté, le moment venu, de demander à être représenté à leur conseil d’administration, tout en évoquant une convergence opérationnelle entre d’une part les contenus et plateformes de Vivendi et de l’autre les productions d’Ubisoft et Gameloft dans le domaine des jeux vidéo."
Pour de nombreux analystes, notamment Charles-Louis Planade, responsable de la recherche à Midcap Partners, "Vincent Bolloré est en train de prendre le pouvoir sur la famille Guillemot". Une guerre d'usure est donc en train de s'installer entre les deux clans bretons (oui, Vincent Bolloré vient lui aussi de Bretagne), d'autant que Vivendi connaît parfaitement l'univers du jeu vidéo pour avoir été dans le capital de l'éditeur Activision-Blizzard jusqu'en 2013, avant de le revendre pour des raisons éthiques (les jeux violents comme Call of Duty ont choqué certains membres du conseil d'administration). Si Ubisoft et ses dirigeants gardent pour le moment le silence, il semblerait que le branle-bas de combat soit de mise en ce moment même au sein de la société française qui, on le rappelle, a réussi à se débarrasser d'Electronic Arts qui avait acquis jusqu'à 20% du capital d'Ubisoft avant de jeter l'éponge en 2010. C'est peut-être David contre Goliath cette histoire, mais il ne faut pas oublier que David a remporté la bataille d'un simple coup de fronde...