The Crow : un remake foiré et foireux, comme prévu (Critique)


The Crow : un remake foiré et foireux, comme prévu (Critique)Ça fait des décennies qu'on vous dit que vouloir rebooter ou faire un remake de The Crow est un projet casse-gueule. Alex Proyas le martèle depuis toujours, les fans comme moi le scandent sur les réseaux sociaux également, The Crow n'a pas besoin d'une version modernisée, car le film de 1994 se suffit à lui-même. Il est intemporel, éternel, il est ancré dans son époque, celle où l'on tentait beaucoup de choses, qu'on prenait des risques, The Crow est un film culte, par la prestance de Brandon Lee, sa performance aussi, Eric Draven, c'est lui et pas un autre, il est magnétique dedans. Et puis sa mort sur le tournage participe aussi à ce statut de film culte, intouchable. Mais comme chacun sait, Hollywood ne sait pas se satisfaire de son passé, il a besoin de le remuer, de le déterrer et ce qui devait arriver arriva. The Crow version 2024 est une réalité, son échec artistique et sans doute commercial aussi et c'est pas faute d'avoir prévenu hein...

Cinéma et Jeux VidéoIl faut dire aussi que l'exercice était périlleux. Passer après le The Crow de Brandon Lee et d'Alex Proyas, il faut soit être sacrément burné, soit complètement fêlé du crâne pour se lancer dans un tel projet. Pourtant, après des décennies à tenter, Hollywood est enfin parvenu à réunir l'argent et les artistes pour mener à bien cette envie de ressusciter cette licence, et vous allez voir d'une manière complètement à côté de ses pomptes. Et pourtant, quand on regarde les crédits du film, on pouvait espérer un petit espoir. Edward R Pressman comme producteur, RIP d'ailleurs puisqu'il nous a quitté l'année dernière, et c'est lui-même d'ailleurs qui a lancé The Crow en 1994 et qui a donné sa chance à Alex Proyas de faire du cinéma, lui qui se cantonnait à des clip musicaux jusqu'à présent. On a aussi le nom de Samuel Hadida qu'on peut voir dans les crédits, lui aussi nous a quittés, mais en 2018. Et puis, le choix de Bill Skarsgård, qui a incarné Pennywise dans le film d'horreur "Ça" et qu'on a pu voir dans le rôle du marquis de Gramont dans John Wick 4. Un choix bien plus intéressant que celui de Jason Momoa impliqué fut un temps dans le projet pour succéder à Brandon Lee. C'était en 2018 si ma mémoire ne me fait pas faux bond.



VOUÉ À L'ÉCHEC ?

A la réalisation, on retrouve Rupert Sanders qui n'avait rien fait depuis son Ghost in the Shell avec Scarlett Johansson, autre projet casse-gueule à adapter et qui s'est foiré à moitié. A moitié seulement, parce qu'il y avait des trucs sympas quand même. Mais malgré cette équipe, malgré la volonté de faire autre chose qu'un remake bête et méchant, et c'est tout à leur honneur, cette version de The Crow 2024 est un échec. Un échec parce que les mecs n'ont pas réussi à comprendre l'essence même de l'oeuvre de James O'Barr. Oui, The Crow est un revenge movie avec un mec qui revient d'entre les morts pour massacrer les personnes qui ont violé et tué la femme qu'il devait épouser, mais c'est bien plus que ça. C'est une oeuvre intime avant tout, avec cette thématique du deuil impossible à faire que ce remake déconstruit totalement.

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Parce que dans cette version 2024, les scénaristes ont peut-être décidé de garder les personnages d'Eric Draven et de Shelly Webster, mais leur traitement a été totalement réécrit et c'est là leur erreur principale. Avec autant de différences avec les personnages d'origine, je pense qu'il aurait été plus judicieux de partir sur des protagonistes différents et de ne pas toucher à l'aura que dégage Eric et Shelly, un peu comme ce fut le cas avec les innombrables suites et séries télé qui ont d'ailleurs été toutes des échecs systématiques. En touchant à Eric Draven et Shelly Wbester, on touche au sacré, on touche à l'oeuvre originelle de James O'Barr et surtout on vient piétiner sur la mémoire de Brandon Lee, et ça c'est ce qu'il y a de plus délicat et de plus casse-gueule.

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C'est d'autant plus regrettable que le comic fait écho à l'histoire personnelle que James O'Barr a vécu lui-même, puisqu'il a perdu sa petite amie après qu'elle se soit faite renverser par un chauffard ivre. Alex Proyas est même allé plus loin dans sa version ciné, en rajoutant des scènes supplémentaires entre Eric Draven et Shelly Webster pour appuyer cette amour puissant entre les deux amants qui s'apprêtait à se marier et qui se feront charcuter salement. Là, leur mort est édulcoré, ils sont étouffés dans des sacs en plastique, ni plus ni moins. Le scène est plutôt réussie, mais l'impact sur l'histoire et les personnages bien moins percutante. Ce qui justifait les actes violents et cruels d'Eric Draven quand il revient d'entre les morts, c'est justement l'assassinat violent et choquant de lui-même et surtout de Shelly, violée qui plus est sous ses yeux. Dans la version remake, tout est fait au forcing, notamment la relation entre Eric et Shelly qu'on ne croit pas une seule seconde. Ils se rencontrent dans un centre de désintox, tombent amoureux et ne font que faire l'amour pendant les 20 premières minutes du film. La relation entre les deux personnages étant artificielle sur le papier, Rupert Sanders s'est senti obligé d'appuyer leur amourette à l'écran. Littéralement, les 20 premières minutes s'attardent sur leurs relations si mal écrites, se résumant à des scènes de love to love avec une vulgarité qui décrit bien l'époque dans laquelle on vit, mais qui est en totale déconnexion avec les personnages que James O'barr a imaginé. On est pas loin d'un traitement post-ado à la Twilight tellement c'en est gênant, d'autant que FKA Twigs livre une performance assez quelconque de Shelly Webster. Le personnage en devient presque antipathique à certains moments qu'on se fiche complètement qu'elle se fasse buter par la suite.

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UN REMAKE OUI, MAIS DIFFÉRENT

Là où le remake prend des risques et on ne peut que les saluer d'avoir tenté, c'est de vouloir ancrer cette version dans notre époque, les années 2020, au point de proposer une version émo-fragile d'Eric Draven, qui semble tout droit sorti du Devil May Cry de Ninja Theory auquel on a rajouté tous les tatouages de mauvais goût du Joker de Jared Leto, coupe mulet et boucle d'oreille épée en supplément. C'était déjà de mauvais goût dans les bandes annonces, ça l'est encore plus dans le film complet et c'est à se demander si les personnes qui ont validé le look d'Eric Draven n'ont jamais au vent du backlash subi par le Joker de Jared Leto. Alors oui, il y a une petite référence au The Crow de 1994 dans ce look affreux via le tatoo "Lullaby" qu'on peut voir sur l'arcade sourcillière d'Eric Draven, et qui n'est autre que le titre d'une chanson de The Cure, groupe indissociable de la BO du film d'Alex Proyas. D'ailleurs, musicalement, le The Crow de 2024 loupe le coche également, avec une bande-son anecdotique et qui ne parvient jamais à iconiser ces scènes comme avait réussi à faire Proyas à l'époque. Après faut dire que ce dernier vient du clip musical, et qu'il a travaillé avec des artistes comme INXS, Yes et Sting. Forcément, ça aide.

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Alors oui, dans la version 2024 de The Crow, Rupert Sanders n'essaie jamais de copier le film de Proyas, il essaie même de s'en éloigner, mais encore une fois, tout est fait avec un hors sujet presque total. L'esthétique clipesque de Proyas est remplacée par une direction artistique certes sombre, mais qui manque singulièrement de cachet. Hormis un générique plutôt cool, quelques plans et visuels sympas et la séquence de massacre dans l'opéra qu'on peut voir dans les bandes annonces, Rupert Sanders propose une mise en scène classique, conforme au tout-venant de la production hollywoodienne actuelle. Clairement, la réalisation manque de folie, de prises de risque et c'est dommage car The Crow est clairement un film qui aurait pu permettre à son metteur en scène d'ajouter son grain de folie. Ce grain de folie, si on a envie de le voir ainsi, c'est d'avoir osé intégrer un vrai grand méchant avec des pouvoirs dans ce remae. Il y a toujours eu cette dimension fantastique dans The Crow, porté par l'invincibilité octroyé par le corbeau, mais là, on passe à une autre dimension. Un homme d'affaires, Vincent Roeg, aurait pactisé avec le diable et serait capable d'avoir trouvé la formule magique pour la vie éternelle. Il lui suffit de prendre la vie de jeunes innoncents. C'est le comédien Danny Hutson qui l'incarne, éternel acteur de seconde zone dont le visage nous est familier mais dont le nom nous échappe systématiquement. Sa performance est aussi caricaturale que l'écriture de son personnage, et bon dieu qu'on aurait aimé pour le coup ne pas voir une telle liberté dans l'écriture. C'est raté, n'apporte rien au récit et complètement hors sujet avec les thématiques portés par James O'Barr.

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OISEAU DE MALHEUR

Et que dire du choix d'avoir assigné une mission inédite et supplémentaire à Eric Draven, qui apprend par le biais d'un nouveau personnage, Kronos, joué par le Français Sami Bouajila, qui lui dit qu'il est possible de ressuciter Shelly. Et c'est là où tout l'intérêt du film tombe à l'eau. Ce qui rendait la mission vengeresse de Draven belle, c'est de savoir que son retour était à sens unique, qu'il n'y avait pas de retour possible, et que ce retour dans le monde des vivants éphémères. Là, dans le film, Eric Draven ne cesse de voyager entre le monde des morts, ou du moins son sas, et celui des vivants avec une transformation elle aussi caricaturale, traité presque comme un film de super-héros. Quelle catastrophe...

Vous l'aurez compris, il n'y a pas grand chose à sauver de ce remake de The Crow, si ce n'est une tentative de ne pas copier le film d'Alex Proyas avec Brandon Lee. Le problème c'est qu'en s'éloignant autant du matériau d'origine, il n'y a plus aucune connexion avec l'oeuvre de James O'Barr. Les personnages sont réécrits, presque trainés dans la boue, l'atmosphère du film sans âme, la mise en scène quelconque et qui prouve encore que surfer sur la nostalgie des grands film d'antan, ça ne suffit pas. Aussi vite vu que vite oublié. NEXT !


NOTRE NOTE : 3.5/10

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