The Creator : la nouvelle pépite SF ? Notre Critique
Alors qu'on se remet à peine des blockbusters estivaux, notamment Barbie, Oppenheimer et Mission Impossible Dead Reckoning Partie 1, voilà que la rentrée frappe à la porte, et pas qu'un peu, puisque le 27 septembre, c'est-à-dire demain au moment où j'enregistre cette vidéo, signe le grand retour de Gareth Edwards. Cinéaste d'origine britannique de 48 ans, il s'est fait connaître avec Monsters en 2010, un film d'extra-terrestres qui était en réalité une parabole sur les conséquences de l'ouragan Katrina. Un ton métaphorique qu'on retrouvera d'ailleurs dans le reste de ces autres films, qu'il s'agisse de Godzilla ou bien de Star Wars Rogue One et qui lui ont permis de rapidement se distinguer du lot parmi les cinéastes en devenir. Un peu à la manière de Neil Blomkamp, avec qui il partage d'ailleurs quelques thémathiques. C'est cette approche assez particulière du blockbuster américain qui font de Gareth Edwards un réalisateur plus atypique, moins formaté. Ce n'est pas un yes-man des studios hollywoodiens, comme le sont beaucoup d'autres de ses confrères, et à chacun de ses films, il apporte sa vision, sa patte artistique.
Avec The Creator, Gareth Edwards avait envie de parler d'intelligence artificielle, un sujet qui domine le cinéma SF depuis près de 50 ans, mais qui a aujourd'hui un écho assez particulier, dans un contexte ou ChatGPT et ces logiciels nouveaux sont capables de briser la barrière entre le vrai et le faux. Si Mission Impossible Dead Reckoning est tombé dans une caricature exacerbée et complètement has-been de l'IA qui est capable de manipuler les hommes, dans The Creator, elle revêt une enveloppe humaine, charnelle et pleine d'amour, sans doute la thématique principale du film de Gareth Edwards. D'ailleurs, petite anecdote, durant tout le processus de création de son film, The Creator avait un autre nom, True Love, qui prend tout son sens une fois qu'on a vu le film. Mais on ne va pas se mentir, pour un film SF d'action, True Love, c'était pas super vendeur, alors que The Creator, c'est tout de suite plus impactant, surtout quand on pense aux références évidentes dont le film fait écho. Je développerai ça tout à l'heure, mais on y voit du Akira, du Ghost in the Shell, du Blade Runner, du Avatar et même du District9.
Avant de continuer à développer, parlons peut-être de l'histoire du film. Ça raconte quoi au juste ? De la guerre que mène l'Humanité face aux IA, qui sont devenues autonomes et qui sont capables de faire la guerre, mais aussi la paix vous verrez, aux Hommes, ceux avec un grand H. Nous sommes dans un futur proche, en 2065 pour être exact. L'Intelligence Artificielle, qu'on retrouve sous la forme de robot, est traquée par l'Occident, ou plutôt les Etats-Unis après qu'elle ait été accusé d'avoir mal manipulé une ogive nucléaire il y a 15 ans de cela, provoquant une explosion en plein Los Angeles, causant des centaines de milliers de morts. L'Humanité entière a signé un pacte pour éradiquer ces IA, sauf la Nouvelle-Asie, qui regroupe l'ensemble des pays de l'Asie du Sud-Est. Cambodge, Thaïlande, Japon, Indonésie, Népal, là-bas, les IA vivent en harmonie et en paix avec les êtres humains. Pour pister et massacrer du robot IA, les Américains ont conçu un vaisseau spatial qui flotte au-dessus de la terre tel un satellite, et qui est capable de scanner le moindre recoin de la Terre pour ensuite les exterminer avec des ogives. Oui, c'est assez radical, mais c'est assez accurate avec les méthodes de l'armée américaine, pas besoin de vous faire un dessin. On pourrait y voir un traitement assez caricatural de l'ordre militaire américain dans le film, mais quand on sait à travers de nombreux biopics qu'ils sont aussi bourrins dans leurs réflexions que leurs actions, perso, ça me va bien.
De toutes les façons, The Creator est aussi un film dans lequel Gareth Edwards dénonce, ou du moins, ose un parallèle métaphorique, car le spectre de la Guerre du Vietnam n'est jamais bien loin. Il suffit de voir comment le cinéaste britannique traite le sujet et filme les assauts des soldats américains dans les villages asiatiques pour comprendre où il veut en venir. Il y a d'ailleurs une scène assez forte émotionellement, avec la jeune actrice Tangkwa Chananticha, à peine âgée de 10 ans et qui crève l'écran, rappelant des moments sombres de la Guerre du Vietnam. Tangkwa Chananticha qu'on a pu voir en juin dernier dans le film Farang de Xavier Gens, et qui jouait le rôle de la petite fille de Nassim Lyès. Un actrice à surveiller de près vu le potentiel incroyable.
Mais ce n'est pas la seule, Madeleine Yuna Voyles qui joue le rôle d'Alphie, réussit elle aussi à rendre ses scènes émotionnellement forte, elle qui n'a même pas 10 ans non plus, dont c'est le premier rôle au cinéma, et qui porte tout l'intérêt autour d'elle, sachant qu'elle a énormément de scènes avec John David Wahsington, le film de Denzel. Ce dernier est peut-être l'élément le moins convaincant du film, car je trouve qu'il manque de palettes émotionnelles dans son jeu d'acteur. Vers la fin, il réussit à se transcender, alors que dans le reste du film, il reste assez stoïque et limité dans ses performances. Fort heureusement, il est accompagné d'autres comédiens qui tirent le film vers le haut, Gemma Chan, qu'on a pu voir dans The Eternals pour son rôle le plus populaire, Allison Janey, habituée aux seconds rôles, mais qui est assez crédible dans celui d'un vétéran de la guerre, mais aussi Ken Watanabe, qu'on ne présenté évidemment plus, et qui joue le rôle d'un soldat-robot IA, particulièrement loyal.
Evidemment, il y a des moments assez téléphonés dans The Creator, mais d'autres sont plus inattendus, mais le traitement de cette SF réaliste, un peu à la Christopher Nolan permet de sortir du film avec pas mal de questionnements dans la tête. On est en pleine surveillance planétaire, qui nous rappelle qu'on n'a jamais été si peu anonyme derrière nos écrans d'ordinateurs et de smartphones. The Creator est clairement un film d'anticipation, et tout ce que la technologie contemporaine nous apporte chaque jour le confirme. Evidemment, c'est son propos qui fait de The Creator un film très intéressant et assez poignant, mais le film séduit aussi par son rendu visuel, qui est l'autre grande force de cette péloche produite pour 80 millions de dollars. Une somme presque dérisoire quand on sait à quel point ça fourmille de détails SF. Comment est-ce possible ? Tout simplement en tournant en équipe réduite. Lorsque nous avons rencontré Gareth Edwards la semaine dernière lors de son passage à Paris, il nous expliqué que ce qui compte énormément d'argent, ce sont le nombre de techniciens pour chaque scène tournée. Parfois, il y a plus de 300 personnes sur un lieu de tournage et quand on fait le tour du monde, il faut non seulement les payer, mais aussi dépenser dans les frais de déplacement. Du coup, pour The Creator, Garath Edwards a fait en quelque sorte le film à l'envers, avec des équipes ultra réduite. Certains plans dans l'Himalaya ont même été filmés avec une simple équipe de trois personnes : Gareth Edwards, l'acteur John David Washington et un producteur. Un tournage léger en mode "guérilla" donc, avec de la lumière naturelle et les véritables décors des pays d'Asie du Sud-Est.
Déjà, tourner dans des décors naturels revient moins cher que de construire des décors en studio, et en plus, ça permet de revenir avec des images fabuleuses. Ensuite, il donnait ses directives aux équipes des effets spéciaux pour se mettre d'accord sur la direction artistique qu'il souhaitait pour son film. C'est là qu'il parle de faire le film à l'envers, produire des effets visuels avec ce qui a été filmé et non imposer un cahier des charges réalisé en amont du tournage, avec des effets déjà imaginés avant de partir aux 4 coins du monde. Ça paraît simple dit comme ça, mais cette façon de bosser est aux antipodes des habitudes des studios hollywoodiens, et The Creator pourrait bien redéfinir la façon de travailler et de tourner s'il faut désormais minimiser les coûts de production.
Gareth Edwards m'a aussi expliqué qu'il partait avec du matériel ultra léger pour tourner certaines scènes, comme cette modeste caméra Sony FX3, qui coûte au maximum 4000€ et qui tient dans une petite sacoche.
C'est ça aussi The Creator et le cinéma de Gareth Edwards de manière générale, faire un film grandiose, un gros blockbuster américain; mais avec des méthodes d'indé, limite familiale, sans pour autant dénaturer son travail. Parce qu'il faut rappeler que Gareth Edwards est depuis plus de dix ans un des cinéastes sur lesquels l’on peut compter pour mettre en scène une science-fiction à la fois exigeante, précise et émotionellement engageante. Trois éléments qui sont réunis dans ce Creator qu'on vous conseille chaudement. Des films beaux et intelligents, et qui plus est doté d'une B.O. signée Hans Zimmer qui livre un thème particulièrement hypnotisant, c'est pas tous les jours qu'on en voit n'est-ce pas...
NOTRE NOTE : 8/10