Test Zelda Tears of the Kingdom : simple DLC ou nouvelle révolution dans le jeu vidéo ?
19 20
D’aucuns diront que ce Zelda Tears of the Kingdom lorgne davantage du DLC++ que de la véritable suite pour Breath of the Wild, et ils n’auront pas complètement tort ; du moins dans les 10/12 premières heures de jeu (ratio temps basé sur notre expérience, pas celle des speedrunners). Car si Tears of the Kindgom démarre son aventure directement dans les cieux afin de nous donner accès assez rapidement aux nouveautés de gameplay, très rapidement, on revient aux fondamentaux et on navigue en terrain – trop – connu. En effet, dès lors que Link va (re)découvrir Hyrule (et son open world toujours aussi incroyable et organique), il est impossible de ne pas être frappé par ce sentiment de redite auquel on s’attendait un peu à vrai dire. Oui, c’est le même monde ouvert que celui de Breath of the Wild avec quelques changements topographiques et de climat selon les régions (justifiés par le scénario), mais Nintendo va aller au-delà et nous permettre surtout de le découvrir sous deux nouveaux points de vue : les cieux et les abysses.
Si l’univers sous terre est moins captivant et intéressant que prévu, le jeu prend une autre dimension quand on prend de l’altitude. En incorporant les îles célestes, et toutes les mécaniques d’envol, de vol et de chute libre (la wingsuit OMG !), Nintendo offre de nouvelles sensations de liberté et une autre façon de (re)découvrir Hyrule et ses alentours. La sensation de liberté n’a jamais été aussi totale, tout comme la redécouverte d’Hyrule, au point que les déplacements aériens sont devenus notre locomotion de cœur, et de passion. C’est vertigineux, grisant et tellement satisfaisant. D’ailleurs, on ne sait pas trop comment Eiji Aonuma et ses équipes ont réussi à gérer tout l’aspect technique du jeu avec ce point de vue aérien, mais la Nintendo Switch s’en sort plutôt pas mal. Oui, le jeu affiche encore des lacunes techniques (aliasing, clipping, grosses chutes de frame-rate), mais c’est mieux maîtrisé qu’en 2017. Toute cette redécouverte de Hyrule est aussi intimement liée aux nouvelles mécaniques de construction et d’assemblage.
Les possibilités sont infinies et il est évident que chaque joueur aura sa propre expérience, unique et différente de son voisin tant les possibilités d’amalgame sont quasiment infinies. Oui, Tears of the Kingdom ne révolutionnera pas le jeu vidéo comme l’a fait Breath of the Wild il y a 6 ans, mais il renforce ses possibilités de jeu de la plus solide des façons, et offre surtout une nouvelle manière de redécouvrir son open world. Tears of the Kingdom est à Breath of the Wild ce que Majora’s Mask est à Ocarina of Time, une aventure complémentaire mais surtout indispensable. Et in fine, la suite d’un très grand chef d’œuvre, c’est forcément un chef d’œuvre.
- Redécouvrir Hyrule via les cieux
- Une sensation de liberté décuplée
- Le retour des donjons
- Il y a un 3è monde, celui des abysses
- Des possibilités de jeu plus poussées avec le système de construction et d’amalgame
- Un jeu qui pousse à la créativité, sans cesse
- Un open world toujours aussi exemplaire
- Techniquement, il y a eu des améliorations
- La DA est toujours aussi belle
- Il y a 1001 choses à faire
- Des heures et des heures de jeu, c'est infini
- Ganondorf n’a jamais été aussi charismatique, maléfique et puissant
- Un scénario plus développé et plus intéressant
- Y a le Kikoho de Ten Shin Han dans le jeu, no bullshit
- Le combat final est incroyable
- Un sentiment de redite les 10/12 premières heures de jeu
- Devoir tout se retaper (cœur, endurance, tenues)
- Le monde des abysses moins intéressant que prévu
- Le contrôle des chevaux n’a pas été amélioré
- Link toujours muet, ce qui donne lieu à des monologues ridicules
La sortie de Zelda Breath of the Wild en 2017 a été synonyme de révolution dans le jeu vidéo. Un véritable game changer comme on le titrait dans notre test de l’époque, qui a d’ailleurs poussé d’autres studios et développeurs à le prendre comme exemple pour façonner de leur côté leur jeu à monde ouvert. Ce n’est d’ailleurs un scoop pour personne, il y a eu un avant et un après Zelda Breath of the Wild. Bien conscient de l’impact de son jeu sur toute une industrie, Nintendo a rapidement officialisé la mise en production d’une suite. Chose assez rare puisque chaque nouveau Zelda est une aventure unique et à part entière, à l’exception évidemment d’Ocarina of Time et de Majora’s Mask, sorti à un an d’intervalle seulement. Il y a par ailleurs un parallèle intéressant entre ces quatre jeux, sans doute parce qu’ils forment à leur façon un diptyque complémentaire et indissociable.
Breath of the Wild n’est-il pas le plus grand ennemi de Tears of the Kingdom ? Avec son bac à sable à la liberté totale et démesurée, le titre de 2017 a marqué à tout jamais le jeu vidéo de son empreinte indélébile. Comment passer après pareille révolution ? Comment renouveler à nouveau le genre ? Pour Eiji Aonuma (le producteur) et ses équipes, il n’a jamais été question de repartir sur un épisode flambant neuf, mais d’aller encore plus loin dans la proposition. Forcément, avec un tel monde ouvert, à la géographie unique et aux possibilités organiques rarement atteintes, ne pas en profiter une nouvelle fois aurait été un crève-cœur pour Nintendo. D’autant qu’il y avait une frustration à gommer chez Aonuma et ses partenaires créatifs, permettre à Link – et aux joueurs par conséquence – d’implémenter une mécanique de jeu voulu depuis Zelda Skyward Sword, mais impossible techniquement à faire à l’époque : traverser Hyrule de haut en bas, du ciel vers la terre, sans aucune coupure ni écran de chargement, et ce fantasme de créatif a été rendu possible avec la Nintendo Switch et Tears of the Kingdom. A ce propos, on tient à tirer notre chapeau aux techniciens qui ont réussi à pousser la console dans ses derniers retranchements, et ainsi permettre une expérience de vol extrêmement plaisante, et même presque fluide, lors de ces moments de flottaison. Et ce n’était pas gagné, surtout quand on voit à quel point la Nintendo Switch tirait déjà la langue avec Breath of the Wild. Mais il semblerait que les 6 ans de production ont aussi permis à Nintendo de mieux maîtriser son hardware. Certes, il y a encore de grosses chutes de frame-rate à certains moments, oui le clipping est encore présent (il est cependant moins violent que dans Breath of the Wild), ok certaines textures sont encore bien baveuses et on ne va pas vous mentir, ça aliase encore sur les ombres et certains éléments du décor, mais il y a de nettes améliorations techniques, et ça se ressent. Et c’est là qu’on aime à s’imaginer un jeu pareil avec la puissance d’une PS5 ou d’une Xbox Series... Imaginez un peu. Genre 30 secondes...
I BELIEVE I CAN FLY
En attendant l’arrivée peut-être de ce jour béni, Nintendo a fait tout son possible pour que l’expérience aérienne de Tears of the Kingdom soit la plus jouissive possible, et pour le coup, c’est réussi. C’est simple, après avoir découvert le nouveau système des tours qui nous propulsent au point le plus culminant d’Hyrule, on n’a pas cessé d’utiliser ce nouveau moyen de transport. Oui, les téléportations sont toujours d’actualité dans Tears of the Kingdom, et souvent bien utiles pour gagner du temps (et accessoirement aller vite pour les besoins du test), mais quand il est question d’exploration pure et de la jouer RP (role play), il n’y a pas meilleur moyen que de parcourir Hyrule. C’est une autre façon de redécouvrir l’open world, et partout où nos yeux se posent, c’est un appel à la découverte et cette envie de se perdre, d’aller vers l’inconnu. Encore plus que jamais, surtout depuis ce point de vue. Mais prendre de l’altitude n’est pas que sensations, c’est également une manière d’implémenter de nouvelles idées de gameplay. Parce que tant qu’à faire, utilisons aussi cette nouvelle feature pour améliorer les mécaniques de jeu. Il ne sera donc pas rare pour Link d’être propulsé parmi les nuages pour repérer certaines choses invisibles au sol, ou alors mieux comprendre une situation qu’on ne voyait pas depuis la terre ferme. Et là encore, toutes les îles célestes sont accessibles d’entrée de jeu, dès lors que vous avez compris comment dompter les airs, en utilisant la paravoile et l’endurance correctement. Parce que si les chutes dans un point d’eau sont sans crainte, le reste, c’est le game over assuré. Il va falloir apprendre à gérer le sky diving pour arriver au point voulu, prendre en compte le vent qui déplace Link dans sa descente et comprendre que même vidée, la jauge d’endurance offre une dernière ouverture de paravoile. Tout est question de timing.
LE CIEL, LES OISEAUX ET TA MÈRE
Sachez que si les zones dans le ciel sont ouvertes et disponibles, il va falloir cependant jongler avec les bons outils pour accéder à certaines îles célestes, parfois bien protégées. Soit par une distance, soit par un épais nuage ou un ouragan. C’est là que les nouveaux pouvoirs de Link entrent en jeu, notamment "Rétrospective" qui permet d’inverser le mouvement d’un objet, afin de le faire revenir vers son emplacement initial, sachant que le mouvement peut être interrompu à tout instant. Seuls certains objets sont capables de réagir au pouvoir de "Rétrospective", comme ces runes qui tombent du ciel, ou bien ces objets qu’on trouve dans les Sanctuaires. Ces derniers sont donc de retour, toujours aussi nombreux, pour permettre de récupérer ces orbes, appelés ici "Vœu des sages", qui donnent accès à des cœurs ou des jauges d’endurance en plus. Comme dans Breath of the Wild, on ne vous apprend rien. Les Sanctuaires permettent aussi de casser la routine de l’aventure de l’open world, mais surtout de mettre à rude épreuve toutes les notions de construction apprises au fil du jeu. Les joueurs allergiques au crafting et à la notion de DIY (Do It Yourself) risquent probablement de faire un rejet, tant cette notion de construction est la pierre angulaire du gameplay de Tears of the Kingdom. Et pas uniquement dans les Sanctuaires, dans le monde ouvert d’Hyrule, tout est sujet pour manipuler des objets, les déplacer, les coller entre eux, les tourner dans tous les sens, et rien ne vous empêchera de fabriquer votre objet unique. Là encore, Nintendo a fait en sorte que seule la créativité du joueur soit la limite du possible.
Parmi les 5 nouveaux pouvoirs mis à disposition des joueurs (on récupère les quatre premiers assez rapidement, tandis que le dernier demande plusieurs dizaines d’heures de jeu avant de l’obtenir), il y a bien sûr celui de l’Amalgame, présenté en détail dans le dernier trailer de gameplay lors de la campagne promo de Tears of the Kingdom. Ce pouvoir permet de fixer un objet à l’arme ou au bouclier dont on est équipé pour en obtenir une nouvelle version, forcément amélioré. Vous avez récupéré une épée de soldat corrodée avec 8 points de puissance ? Collez-lui une pierre ou un artefact glané par terre, ou après avoir tué un ennemi, et vous obtiendrez une arme plus puissante et plus solide. Cela fonctionne pour tout, et cette nouvelle feature est un véritable changement dans la façon d’aller combattre l’ennemi. Autant dans Breath of the Wild, il fallait éviter certains affrontements, parce que Link était encore trop faible physiquement et ne disposait pas de l’arsenal nécessaire pour combattre certains ennemis, autant dans Tears of the Kingdom, on gagne rapidement en niveau, et pas uniquement en ayant récupéré une arme de qualité, mais bien parce que vous l’avez amalgamé correctement.
FROM SCRATCH
Le pouvoir de l’Amalgame fait clairement partie des mécaniques de gameplay les plus intéressantes du jeu, rendant l’aventure moins frustante. Parce que oui, si Link démarre le jeu avec toute la puissance acquise dans Breath of the Wild, très rapidement, vous allez être dépouillé de tout. Nombre de cœur, jauge d’endurance, tenues, armes, et même tablette, tout vous est retiré. Retour à la case départ, avec ce sentiment un peu dérangeant de se dire qu’on va devoir tout se retaper pour récupérer des éléments qui nous avaient coûté beaucoup de notre temps il y a 6 ans. Pour Nintendo, c’était un choix évident, Tears of the Kingdom étant prévu aussi bien pour les joueurs ayant fini Breath of the Wild et les nouveaux venus qui découvrent peut-être un jeu Zelda pour la première fois de leur vie. C’est assez contestable comme choix, surtout quand on sait que le jeu s’inscrit comme étant la suite directe du précédent titre, et ce jusque dans son scénario. On aurait bien aimé conserver certains éléments de notre besace pour ne pas se retrouver entièrement à poil – façon de parler. Certaines tenues par exemple auraient mérité d’être upgradées avec l’arrivée de ces éléments runiques qui tombent du ciel, plutôt que de nous être retirées. C’est d’autant plus rageant que si vous avez une sauvegarde de Breath of the Wild sur la même console, tous les chevaux de votre aventure précédente sont disponibles une fois la première écurie débloquée.
C’est dans ces contradictions que Tears of the Kingdom ne peut empêcher ce sentiment de redite de jaillir, de donner l’impression de refaire une aventure qu’on connait déjà par cœur. Forcément, avec presque 425h de jeu au compteur sur Breath of the Wild, la map d’Hyrule n’a plus aucun secret pour nous. D’ailleurs, on se rend rapidement compte que Tears of the Kingdom fonctionne comme son illustre aîné, presque même comme un miroir. Comme dans Breath of the Wild, Link va se réveiller dans un lieu qui lui parait inconnu. Comme dans Breath of the Wild, il va devoir partir à la recherche de Zelda, encore une fois disparue. Comme dans Breath of the Wild, il va devoir affronter Ganondorf à la fin, mais cette fois-ci sous sa forme humaine. Mention spéciale d’ailleurs à son design, mais aussi tout le charisme qui transpire à l’écran. Jamais l’antagoniste principal de la série n’a jamais été aussi inquiétant, et débordant de puissance et de maléfice. Ganondorf veut sa revanche et il ne faudra pas attendre la fin du jeu pour l’affronter ; du moins ce qu’on pense être Ganondorf… Ne vous inquiétez pas, nous n’irons pas plus loin dans les révélations.
CAMARADERIE
Autre élément majeur du gameplay de Tears of the Kingdom : la présence de partenaires aux côté de Link. On se souvient que dans Breath of the Wild, notre personnage héritait des pouvoirs de chaque prodige après leur avoir prêté main forte. Aonuma décrit Breath of the Wild comme une expérience solo, presque personnelle pour Link, alors que cette suite met en avant la camaraderie, l’entraide et le partage. Dans cette suite, Link récupère des serments qui lui permettent de partager son aventure, puisqu’il est capable d’invoquer les « nouveaux prodiges » qui vont lui octroyer leurs pouvoirs. Sidon par exemple peut envelopper Link d’une bulle d’eau protectrice, capable de se transformer en vague neutralisante en version offensive. Yunobo sera autrement le compagnon idéal pour exploser les roches fissurées qui bouchent certains accès et grottes cachées. En parlant de ces zones caverneuses, sachez qu’elles font partie des nouveautés à parcourir en sus des sanctuaires. Il y en a autant dans l’open world d’Hyrule et certaines font partie des missions principales, d’autres en défis annexes.
Mais Tears of the Kingdom permet aussi de se plonger dans les entrailles de la Terre. Une surprise que Nintendo avait gardé secret jusqu’à présent, et qui permet de découvrir un troisième monde, après Hyrule et les îles célestes. Il s’agit des abysses, qui vont davantage servir à farmer que de trouver quelque chose de véritablement intéressant. Non seulement la map des abysses manquent de relief, et il se dégage une ambiance très répétitive dans sa forme et son ambiance, ce qui nous pousse souvent à ne jamais rester sous terre, et remonter à l’air libre. D’ailleurs, le pouvoir « Infiltration » est très utile pour remonter ou escalader des zones qui a première vue donnait le sentiment d’être inaccessibles, alors qu’en se faufilant dans la matière, Link peut rapidement s se retrouver 10 mètres plus haut. Un réflexe à prendre.
Il reste alors un point à aborder, une nouveauté que Nintendo avait caché jusqu’alors, à savoir le retour des fameux donjons. Pour tout le monde, ils étaient absents de Breath of the Wild, mais pour Nintendo, les créatures divines étaient en réalité une version modernisée des donjons. Soit, même si personne ne l’a perçu comme tel. Dans Tears of the Kingdom, les donjons sont nettement plus évidents, et surtout reliés à une thématique précise, selon la région et le peuple qui les caractérise. Il y a en effet le donjon du feu situé chez les Gorons, le donjon de l’eau qu’on va découvrir avec peuple Zora, le donjon de l’air qui est lié au Village Piaf et enfin le donjon de la terre qu’on va parcourir auprès des Gerudo. Chacun de ces donjons permettra de faire équipe avec un nouveau prodige et c’est à l’issue de ces combats face à des nouveaux boss qu’on récupèrera les serments qui vont permettre d’invoquer les fantômes de ces compagnons qui prêteront leur pouvoir à Link dans le reste de l’aventure. C’est par le biais de tous ces éléments nouveaux que Tears of the Kingdom s’inscrit comme une suite encore plus riche, plus plaisante et plus créative que Breath of the Wild. L’effet de surprise n’est plus là, il est vrai, la découverte de son open world incroyable est certes moins surprenante (quoique…), impossible de le nier, le bestiaire aurait gagné à être plus varié, mais la quantité de choses à faire s’est tellement multiplié qu’il est compliqué de ne pas se faire happer une seconde fois par cette aventure qui est bel et bien à la hauteur de nos attentes.