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En se reposant sur les acquis de Yakuza 3, tout en changeant le propos par un retour dans l'univers testotéroné du Yakuza pur jus, Yakuza 4 commence à accuser un sérieux retard technique et ludique. Si l'arrivée de 4 personnages principaux et d'un style pour chacun est une idée qui fonctionne très bien, le manque de réelles nouveautés ne risque pas de ramener nombre de nouveaux joueurs dans les rues de Kamurocho. Malgré ses mécaniques vieillissantes, le jeu de SEGA tire son épingle du jeu grâce à ses combats jouissifs et ses personnages finement travaillés. Un mélange enivrant mais très spécial qui tient en grande partie sur son propos, tant qu'il a des choses à dire et tant que le joueur a envie de l'écouter.
- Des personnages passionnants
- Une mise en scène très léchée
- Le système de combat jouissif
- Une ambiance immersive
- La présence de 4 héros
- Une B.O. très réussie
- Phases de jeu variées
- De nombreux à-côtés amusants
- Les voix japonaises...
- ...mais sous-titrées an anglais
- Un moteur graphique essoufflé
- Des mécaniques de jeu datées
- Zones de jeu étriquées
- Une animation très raide
Parrain respecté au Japon mais petite frappe dans notre quartier, la série Yakuza n'a jamais vraiment réussi à se faire sa place dans les rues malfamées de la grande Europe, aux mains des gangs Call of Duty, Killzone ou encore Pokémon. Et ce même si un noyau dur continue à soutenir le combat. Une situation due en grande partie au manque de communication fait autour de la saga mais également liée à une absence de localisation. Malheureusement, ce n'est pas avec ce Yakuza 4 que les anglophobes pourront enfin espérer profiter des conflits de clans et de la richesse des situations habituelles de la série de SEGA. Après près de 5 années de résistance, il aurait été temps de lui donner sa chance, ce qui n'est visiblement pas à l'ordre du jour. Un revers qui n'empêche pas une certaine assurance.
Suite directe des aventures altruistes de Kazuma Kiryu dont les coups de pieds retournés alternaient avec les tapes sur les épaules des enfants de son orphelinat, Yakuza 4 laisse de côté ce concept et tente même un certain éloignement en s'ouvrant sur un "nouveau" personnage, cassant les habitudes de la série. Une sorte de nouveau départ à l'image de la retraite sur Okinawa de Kazuma qui s'accompagne d'un fonctionnement narratif également différent, basé sur l'histoire commune de quatre hommes. C'est de fait avec Shun Akiyama, directeur de Sky Finance, une société prêtant des fonds selon certaines conditions que le joueur débute sa plongée dans les ruelles électriques d'un Kamurocho toujours aussi animé de bonnes et mauvaises intentions. Introduisant les nouvelles possibilités disponibles que ce soient au niveau de l'exploration ou du gameplay, l'ancien SDF – devenu un homme d'affaires à la nonchalance aussi prononcée que sa facilité à casser du yakuza à un contre dix – pose aussi les bases du contexte. Entre guerre de clans, vengeance et affaires financières, le scénario de Yakuza 4 ne fait pas dans la franche originalité et manque de clarté avec une avalanche de noms de famille et de références qui peuvent aisément perdre un joueur n'ayant plus en tête la dramaturgie des anciens épisodes. Même s'il est une nouvelle fois possible de visionner les moments forts de la série, ce rafraîchissement de mémoire n'empêche pas le jeu de se perdre parfois dans des précisions qui desservent la narration. Ceci étant dit, la qualité d'écriture des dialogues et des personnages permet de s'attacher durablement aux destins liés de Shun Akiyama, de l'ex-taulard Taiga Saejima condamné à mort pour le meurtre de 18 membres du clan Ueno, du policier Masayoshi Tanimura ou encore du célèbre Kazuma Kiryu sortant de sa retraite au soleil d'Okinawa.
Quatre garçons dans le levant
Si le principe de mettre en scène quatre figures fortes est un bon moyen de soutenir la narration, avec des croisements de points de vue et une sorte de construction en épisodes, il s'inscrit aussi idéalement dans le gameplay. En effet, chacun des personnages dispose d'un style de combat qui lui ressemble. Sorte de Spike Spiegel de la finance, Akiyama utilise un style très accessible, basé sur des coups rapides et de longs enchaînements, tandis que le colosse Taiga Saejima se concentre lui sur les prises et les charges. Kazuma conserve lui ses habitudes efficaces, bien différentes de Masayoshi Tanimura plus porté sur l'esquive et le contre. Une approche très agréable qui nécessite de se réapproprier à chaque fois son personnage dans un renouvellement relançant régulièrement le jeu. D'autant qu'il est possible une nouvelle fois d'acquérir diverses techniques supplémentaires en collectant des points d'expériences ou en réalisant des photos de divers évènements. Comme durant l'épisode acrobatique du voleur de culottes qui en plus de son statut de scène culte illustre bien le ton double du jeu qui oscille du sérieux à un décalage étonnant en quelques secondes. Un passage de témoin qui évite donc un aspect répétition inscrit dans la construction de fond du jeu, basée sur de nombreux allers-retours parfois imposés. Très artificielle, la technique de la soudaine prise de conscience du héros d'une chose importante à faire, remet immédiatement le joueur dans des rails désormais vieillissantes et l'empêche régulièrement de profiter de l'aspect relativement ouvert de Kamurocho. Sans compter que ces recadrages en force apparaissent parfois totalement illogiques, faisant passer un événement secondaire avant la progression naturelle du scénario. Un aspect renvoyant plus aux switchs des vieux RPG 16 bits qu'à la liberté nouvellement acquise des GTA et autres productions « sandbox ». Bien entendu, les phases sans contraintes vous permettront d'explorer les moindres recoins du quartier, désormais étendu aux toits des immeubles et aux souterrains plus ou moins glauques. Laissant espérer un vrai plus dans l'exploration, ces zones se montrent finalement assez exigües et n'apportent rien de nouveau à part quelques points de vue sympathiques. Les toits seront d'ailleurs le lieu de la réapparition des passages de poursuites, déjà présents dans l'épisode précédent et qui se révèlent toujours aussi aléatoires dans la prise en main. A la différence des bons vieux combats de rue.
Tomber 7 fois et se relever 8 fois
Semblant relativement basiques dans un premier temps, les combats de Yakuza 4 montrent rapidement des qualités toujours d'actualité. Dynamiques et bien plus techniques qu'ils en ont l'air, notamment lors d'affrontements contre des simili boss ou un grand nombre de loubards adeptes du sabre, ces derniers ne sont pas de simples ponctuations dans l'exploration mais de vrais moments ludiques forts. Grâce au grand nombre de coups disponibles et à l'utilisation amusante d'éléments du décor dans un hoquet nostalgique des beat'em all des années 90, la moindre rixe peut se transformer en un festival de lancer de vélos, cônes de chantiers ou bancs publics. Le tout souligné par des sortes de finish complètement démesurés, accessibles une fois la jauge de Heat remplie. Variant suivant l'endroit où se trouve le personnage et l'arme utilisée, ceux-ci poussent à l'essai régulier de nouvelles techniques. Un côté empirique qui se détache également de la progression dans un Kamurocho aux activités variées, allant de soirées karaoké à de longues séances de dilapidation de fonds dans les salles de Pachinko jusqu'à l'exploitation d'un bar à hôtesses et quelques parties de baseball en salle. Tout cela sans compter les nombreuses petites quêtes annexes rapportant divers objets plus ou moins utiles qu'il est possible pour certains d'équiper sur son personnage afin d'obtenir quelques bonus. C'est justement lors de ces moments d'errances que se montre l'un des points les plus importants de Yakuza 4 à savoir un travail sur l'ambiance remarquable, qui plonge littéralement dans l'atmosphère d'une rue de Kabukicho. Pas bien beau malgré un travail sur les expressions faciales qui reste d'une grande qualité, ni bien animé avec des personnages raides comme un salaryman en début de journée, Yakuza 4 est toutefois extrêmement addictif. D'une part grâce à ses combats jouissifs et d'autre part grâce à tout ce qui fait sa spécificité. Notamment une galerie de personnages travaillés et une mise en scène très efficace qui capturent aisément l'attention du joueur qui se laisse prendre au jeu. Perfectible et rouillé à bien des niveaux, Yakuza 4 repose sur les mêmes éléments solides qu'au début de la saga, enrobés de petits instants tour à tour touchants, délirants ou possédant ce côté un peu kitch confinant à la classe. Mais après ces longues années d'entraînement, il serait temps d'enfiler un beau costard-cravate pour aller chercher la baston. Au risque de passer à force plus pour le pickpocket du coin que pour le Yakuza.