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Après les récents Risen et Divinity II : Ego Draconis, l'école européenne du jeu vidéo accueille un nouvel élève en la personne de Venetica. Moins propre sur lui que ses camarades, il souffre de nombreuses lacunes techniques qui risquent d'agacer les joueurs les plus impatients. Mais il serait regrettable de se focaliser sur ces problèmes car, pour qui sait passer outre, l'aventure s'avère au final plutôt plaisante. Si vous avez déjà terminé les deux RPG susnommés, et que le jeu de rôle à l'américaine ne vous tente pas plus que cela (même s'ils sont plus médiatiques et mieux programmés, Dragon Age : Origins et Mass Effect 2 ne constituent pas forcément la panacée pour tout le monde), laissez-vous donc tenter par cette aventure vénitienne.
- Une Italie crédible
- Un scénario original
- Une héroïne attachante
- Un bon système de combat
- Pas très beau
- Fluidité inconstante
- Des bugs sans gravité mais récurrents
- Une VF inégale
Habitué des jeux d'aventure sympathiques et sans prétention (Ankh, Jack Keane...), le studio Deck13 s'attelle à une tâche d'une toute autre ampleur avec Venetica. C'est en effet le genre du jeu de rôle pur et dur qui est ici abordé par les développeurs allemands, avec en point de référence manifeste les productions de leurs talentueux compatriotes de Piranha Bytes (les trois Gothic et Risen). Inutile d'entretenir un superflu et superfétatoire suspense, l'élève n'arrive jamais à dépasser ses maîtres. Mais, bien qu'imparfaite, la copie rendue ne manque pas d'intérêt.
Le premier atout du jeu est certainement son héroïne, jolie brune aux formes avantageuses. Cependant, son visage angélique cache un secret pour le moins inattendu : Scarlett n'est autre que la fille de la Mort. A ce titre, elle va devoir se lancer dans une traque longue et intense afin d'éliminer cinq immortels, qui utilisent leurs pouvoirs pour bouleverser l'équilibre du monde. Le tout se déroule dans une Italie parfaitement crédible, malgré son caractère fantastique. L'aventure débute ainsi dans un petit village typiquement italien, baigné par la douce lumière du soleil. Les maisons en pierre bâties sur les terrains escarpés de la montagne environnante constituent la zone d'initiation et imposent donc une progression assez linéaire. Heureusement, au bout de quelques heures, Scarlett rejoint Venise et le jeu nous offre alors un monde semi ouvert. Certes, la ville est découpée en différents quartiers qui ne sont pas tous immédiatement accessibles. Mais notre héroïne a toute liberté de se promener comme elle l'entend dans les différentes ruelles de chaque zone, de nager dans les canaux pour rejoindre les catacombes, de se balader sur les toits pour mieux admirer les paysages et dénicher des zones secrètes, de parler à qui elle veut et d'accepter ou non les différentes missions qu'on lui propose. Comme dans un Gothic ou un Risen, il faudra impérativement rejoindre l'une des trois factions qui se partagent la ville. L'Ordre du sceau sacré ne vit que pour le combat, les Ailes voilées courent principalement après l'argent, tandis que la Toile du masque flirte allègrement avec les sciences occultes. On croisera également diverses confréries secondaires telles que la guilde des gondoliers ou les bandits. Tous ces groupes possèdent des intérêts parfois communs, parfois opposés, et il faut savoir jongler habilement avec les nombreuses quêtes de manière à tirer un maximum d'avantages grâce à nos différentes fréquentations. L'ambiance vénitienne, faite de costumes chatoyants, d'architecture verticale et d'innombrables peintures et sculptures , se révèle franchement très agréable. Quant au scénario, qui conjugue lieux réels, créatures fantastiques et pouvoirs macabres, il a le mérite de sortir des sentiers battus. On ne croise pas le moindre elfe ou orc, et c'est tant mieux !
La mort lui va si bien
L'arbre généalogique si particulier de Scarlett lui accorde évidemment des pouvoirs surnaturels. Elle peut ainsi invoquer un corbeau pour la guider jusqu'à son prochain objectif, observer les environs à travers les yeux des volatiles présents sur les toits de Venise, voir les morts et leur parler, invoquer des fantômes, ou encore passer à volonté dans le "monde nébuleux", afin de dénicher des passages secrets. Ces techniques spirituelles vont de pair avec des capacités de combat plus classiques mais tout de même intéressantes. Quatre catégories d'armes sont à notre disposition (épées et lames, lances et boucliers, marteaux et haches, et le croissant de lune qui permet de vaincre les morts-vivants et de se recharger en énergie nébuleuse), ce qui permet à chaque type de joueur de trouver chaussure à son pied. Les différentes techniques physiques (attaques enchaînées, parade, projection, coup de bouclier...) sont mises à profit via un système de combat plutôt bien pensé. Si l'on peut charger les monstres sans trop réfléchir, il faut faire preuve d'un minimum d'habileté face aux adversaires humains. La meilleure technique consiste à effectuer des roulades de côté pour éviter leur charges et pouvoir ensuite les frapper dans le dos. Enchaîner les coups en rythme (la main qui tient l'arme clignote brièvement pour signaler le moment adéquat pour cela) permet de plus d'effectuer des combos assez dévastateurs. Mais que les rôlistes se rassurent : nous ne sommes tout de même pas dans un beat'em all et la montée en puissance du personnage principal reste le meilleur moyen de vaincre les ennemis de haut niveau. La répartition des points de caractéristiques et des points de techniques gagnés à chaque level doit se faire de manière cohérente avec l'évolution que l'on souhaite pour l'héroïne. Et en tant que véritable RPG, Venetica demande régulièrement d'opérer des choix relativement cornéliens lors des séquences de dialogues. Les décisions que l'on prend ont alors une réelle influence sur la suite de l'aventure.
Et en tant que véritable RPG, Venetica demande régulièrement d'opérer des choix relativement cornéliens lors des séquences de dialogues. Les décisions que l'on prend ont alors une réelle influence sur la suite de l'aventure."
Fort de toutes ces qualités, Venetica aurait pu devenir un incontournable. Hélas, l'aventure est quelque peu plombée par de nombreux défauts techniques. Si le design assez cartoon des personnages a son charme et s'accorde finalement assez bien avec le scénario et l'univers, le moteur graphique peine en revanche sérieusement. Certaines textures manquent cruellement de détails tandis que les effets de flou et de haute luminosité sont trop prononcés et semblent faire office de cache-misère. Tout cela sans que le jeu fasse preuve d'une grande fluidité ! On observe régulièrement de sérieuses chutes de framerate et, pour la version PC, une machine puissante est recommandée, ainsi que l'installation du dernier patch en date. Une rustine qui est loin de corriger tous les bugs puisqu'on observe régulièrement des problèmes de collision (personnages assis dans le vide à trente centimètres d'un banc, héroïne qui traverse une vache...) ainsi que des angles de caméra mal choisis pendant certaines séquences de dialogues (caméra placée derrière une barrière ou dans le dos d'un des interlocuteurs). Pour couronner le tout il est impossible de sauter, ce qui s'avère toujours frustrant dans un monde que l'on parcoure à pied, et chaque passage d'un lieu extérieur à un lieu intérieur s'accompagne d'un temps de chargement. Enfin, la version française manque de constance. Si la voix de Scarlett est très plaisante et correspond parfaitement au personnage, le reste du casting n'est pas vraiment irréprochable. Ici une vieille dame va s'exprimer avec une voix bien trop juvénile, tandis que là un jeune garçon se verra affublé d'une voix grave et chevrotante. Mais malgré tout cela, on n'éprouve jamais la tentation de laisser tomber l'aventure et l'envie de terminer le jeu reste intacte. Signe évident que les qualités de Venetica l'emportent sur ses défauts.