Test Trine 2

Lorsque les escargots vous dépassent de douze têtes et que les laitues qu'ils prisent sont suffisamment fournies pour vous nourrir pendant deux ans, il faut peut-être envisager le pire. Et quand le Trine, ce curieux artefact qui a l'art de vous attirer dans les pires embrouilles, vient vous extirper de votre morne quotidien, c'est que le pire se produit bel et bien. Fort heureusement, depuis leur première aventure commune, Amadeus le magicien précieux, Zoya la voleuse flambeuse et Pontius le guerrier abruti ne craignent plus grand-chose, et surtout pas de vivre une grande aventure, aux seules conditions qu'elle ne s'éternise pas, qu'elle soit rémunératrice et qu'on y mange bien. Caricaturaux mais charismatiques, les compères retournent au feu sur les traces du mystérieux mal qui altère leur univers, un monde qui, malgré ces étranges troubles, s’avère plus séduisant que jamais. Bien qu'attendu au tournant, le studio Frozenbyte réussit en effet une nouvelle fois à ensorceler les joueurs. Si le premier volet de la série en avait laissé plus d'un pantois d'admiration devant sa formule futée et sa réalisation en finesse, cette suite en impose encore plus. 

Vieille école

Des claques graphiques, vous en prenez tous les mois. Les saisons défilent, chargées de titres "aux graphismes époustouflants" qui "repoussent les limites" des consoles et PC de tous bords, et l'automne n'est pas la période la moins heureuse pour vos pupilles. Soit. Mais le plaisir visuel ressenti ici est un peu différent de celui que vous éprouverez devant un Battlefield 3 ou un Batman Arkham City. Là où d'autres impressionnent, la production finlandaise, elle, enchante. Incroyablement coloré, paré de mille reflets et de myriades de détails, multipliant les environnements tout droit sortis de contes de fée ou de l'imaginaire médiéval-fantastique, Trine 2 éblouit. Le sentiment d'évoluer dans un récit des temps anciens est par ailleurs largement entretenu par une écriture toujours légère, qui rend très attachants ces héros à moitié inconscients et de nature individualiste, embringués de concert dans une quête épique. Impossible de préférer un personnage plutôt qu'un autre, d'autant que le jeu est tout entier conçu sur la complémentarité de la tribu. Aux commandes de l'un des membres du trio, vous évoluez donc en scrolling horizontal dans un monde semé de surprenantes embuches. A tout moment, vous pouvez changer de zinzin. Chacun dispose évidemment de pouvoirs propres, améliorables par le biais d’un petit mais fort intéressant arbre de skills. Toujours utiles, ces compétences se révèlent assez faciles à exploiter, bien que les utilisateurs du binôme clavier-souris regretteront quelques paradoxaux soucis de précision. Amadeus crée, en quantité limitée, des objets, cubes ou planches métalliques, qui font office de plateformes artisanales ou d'obstacles. Doué de télékinésie, il peut manipuler ses œuvres à distance mais également interagir avec d'autres mécanismes et objets épars par la grâce d’un moteur physique sobre mais sans faille. Bas du front de service, Pontius se bat à l'épée et au bouclier et n'aura guère de difficultés à triompher des quelques gobelins et autres créatures belliqueuses dont vous croiserez la route. Il dispose en outre d'un lourd marteau qu'il peut balancer à la tronche de ses opposants ou sur des amas rocheux précaires, libérant ainsi passages plus ou moins secrets et bonus. Agile et discrète, Zoya est une archère efficace, qui peut transpercer l'adversité où prendre un peu de hauteur si elle parvient à planter son grappin dans une surface en bois.

Belle leçon

Trois héros différents, et puis quoi ? La formule est connue, mais le talent de Frozenbyte n'est guère commun. Les Finlandais ont conçu leur jeu comme une succession de brefs tableaux dont vous pouvez vous sortir par bien des moyens mais qui tous nécessitent un minimum de réflexion. Vous devez faire ruisseler de l'eau vers une plante magique pour la faire pousser ? Correctement orientée, l'une des planches magiques d'Amadeus peut faire l'affaire. Ces plateformes instables vous semblent dangereuses ? Une poutre de bois en hauteur permettra à Zoya de se balancer vers la terre ferme. Certaines situations nécessitent la combinaison successive des pouvoirs de chacun; d'autres peuvent d’entrée être surmontées avec n'importe lequel des héros ; d’autres encore semblent a priori inextricables... jusqu'à l'illumination salvatrice. Votre jugeote et votre dextérité seront constamment sollicitées, mais sans que le plaisir ne disparaisse jamais. Outre un sens du level design absolument ahurissant, les créateurs de Trine 2 réussissent à se réinventer à chaque niveau, quitte à emprunter à certains concurrents (on pense brièvement mais très fort à Portal), à augmenter progressivement la difficulté, à complexifier les situations, sans jamais égarer le joueur. Leur titre est un poil court, rame parfois et s'essouffle légèrement sur la fin, davantage en raison de son scénario cousu de fil blanc que de ses mécaniques, mais l'expérience est réellement convaincante. Le coop, en ligne ou en local (à trois joueurs, évidemment), qui permet d'envisager la résolution de certaines situations d'une façon radicalement différente, polit encore davantage ce petit, et fort peuonéreux, joyau hivernal auquel vous auriez bien tort de ne pas faire une place au pied du sapin !