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Malgré un développement long de cinq années, The Witcher souffre d'une série de problèmes techniques particulièrement agaçants. Temps de chargement trop longs, plantages à tous les étages, scripts foireux, la liste est longue. Ces dysfonctionnements ne tuent toutefois pas l'intérêt d'un jeu de rôle moderne et mature, où cynisme, cupidité et lubricité font excellent ménage. Les doublages et traductions françaises ne font certainement pas honneur à la qualité de l'aventure, mais la première production de CD Projekt Red demeure une petite merveille d'immersion. Dense et riche, doté d'un système de combat et de skills convaincant, offrant des myriades de quêtes annexes et des dizaines d'heures de jeu, cette libre adaptation de l'univers de Andrzej Sapkowski sur PC est une belle réussite.
- Univers sombre et PNJ odieux
- Alchimie et compétences
- Système de combat efficace
- Enfin un peu de sexe !
- Cycle diurne bien géré
- Réalisation efficace
- Dialogues souvent complètement incohérents
- Doubleurs peu convaincus
- Crashs réguliers
- Bugs de scripts
- Temps de chargement délirants
- Où est le mode Hot Coffee ?
Geralt de Riv aime l'or, les monstres et les femmes et a trouvé un excellent moyen de combler toutes ses envies : il tue des monstres contre de l'or, et ses exploits lui permettent d'avoir toutes les donzelles qu'il veut. Une belle vie de héros, qui va toutefois connaître un rebondissement inattendu. Les sorceleurs, ces chasseurs de créatures démoniaques qui ont suivi une formation très particulière et ont absorbé des substances rares afin d'évoluer génétiquement, doivent en effet faire face à une baisse de popularité significative. Pourchassés, massacrés, peu en ont réchappés, et Geralt, figure emblématique de cette caste, ne manque pas de figurer au rang des victimes officielles. Mais cinq ans après sa brutale disparition, le grand chevelu rejoint, hagard, épuisé, le dernier bastion de ses pairs. Et sa soif d'or, de monstres et de femmes n'a pas disparu.
Vous ne connaissez probablement pas Andrzej Sapkowski, mais cet écrivain polonais fort réputé dans son pays est à l'origine de ce qui constitue l'un des univers d'heroic-fantasy virtuelle les plus réussis depuis bien longtemps. A l'origine du scénario de The Witcher, l'auteur de la Trilogie de Narrenturm s'éloigne très largement des standards du genre, et a créé un monde violent où les cupides et les cyniques évoluent à visage découvert. Corruption généralisée, traite d'êtres humains, discriminations raciales, peurs médiévales, viols et meurtres sordides, le quotidien des médiocres que vous croiserez n'est pas celui des habitants de l'Ile aux Enfants. Qu'ils soient paysans sans terre ou nobles puissants, tous ceux que vous croiserez auront forcément un vice, ou porteront un secret bien trop lourds pour eux. Tous finiront par expier, parfois après avoir goûté au fil de votre épée. Vous pourrez en effet définir vous-même votre code éthique et faire de Geralt un opportuniste abject ou, au contraire, le fier défenseur de quelques principes moraux universels. Rassurez-vous, quelle que soit la voie que vous emprunterez, vous laisserez de nombreux cadavres sur le bord du chemin
De l'action qui botte
Dans la pure lignée des dernières productions de BioWare, qui a développé la technologie exploitée par The Witcher, la très retardée première production du studio CD Projekt Red s'impose rapidement comme un jeu de rôle très orienté action. Si vous pourrez passer quelques temps sans sortir votre arme, Geralt est toutefois une épéiste-né qui aime à faire la démonstration de ses talents. Très dynamique, le système de combat vous invite à changer de style en fonction de votre adversaire. Contre une brute épaisse, lente mais vigoureuse, mieux vaut rendre chaque coup avec la même force, et donc adopter une approche brutale. Votre héros lève alors haut son arme et l'écrase littéralement sur un adversaire qui en redemande. Ce type d'assaut a le mérite de l'efficacité mais vous handicape plus qu'autre chose contre des créatures rapides. Face à celles-ci, vous préfèrerez porter des séries de petites frappes. Autre possibilité, en cas d'encerclement, vous aurez la possibilité d'user de coups circulaires, peu puissants mais permettant de dégager le terrain rapidement. Pour passer d'une école à l'autre, pas besoin d'effectuer de combinaison compliquée, une touche suffit. Enchaîner les bottes nécessite par contre un poil plus d'application. Une icône en forme d'épée s'affiche sur la cible lorsque vous pouvez la toucher. Pour procéder à des séries, vous ne devez recliquer sur votre opposant que lorsque l'icône réapparaît en surbrillance. Si vous martelez le bouton gauche de la souris, votre ennemi parera votre coup, vous vous retrouvez déstabilisé et serez touché. L'idée est ingénieuse, puisqu'elle oblige le joueur a être bien plus attentif à l'action qu'il ne peut l'être dans un hack'n'slash ou dans certains RPG de l'ancienne école.
Explicit Lyrics
Quand il n'est pas occupé à se battre, Geralt aime communiquer. Ca tombe bien, l'univers dans lequel il évolue se prête particulièrement bien à l'exercice. Les PNJ sont innombrables, et si tous n'ont pas quelque chose de vital à vous dire, leurs interventions ne manquent ni de piquant, ni de familiarité. Interdit aux oreilles sensibles, The Witcher parvient à restituer des tranches de vie dans toute leur crudité. Là un paysan conte fleurette avec des mots soigneusement choisis à une commère mariée bien peu farouche; ici un gamin vous insulte gratuitement; plus loin un assassin vous exprime le fond de sa pensée en sortant son arme. Tout cela aurait évidemment été beaucoup plus convaincant si les doubleurs français s'étaient un peu investis dans leur tâche (on les entendrait presque bailler au détour d'une réplique), mais qui que vous croisiez, où que vous regardiez, il se passe toujours quelque chose et cette animation permanente rend rapidement le jeu extrêmement attachant. Le cycle quotidien est habilement géré et Geralt devra souvent attendre la nuit tombée pour accomplir quelques missions délicates ou, au contraire, se rendre de jour dans un lieu qui ferme au crépuscule. Un certain nombre de paramètres laissent toutefois à désirer et ternissent la richesse et le réalisme de ce monde, à commencer par l'incohérence totale de certains dialogues, certainement due à une défaillance de l'équipe de traduction. On regrettera également la capacité de votre héros à piller une demeure sous les yeux de son occupant sans que celui-ci ne le remarque, ou la propension des PNJ à vous répondre le plus naturellement du monde alors que vous avez fait irruption chez eux en pleine nuit et les avez tirés du lit. Des lits, vous en verrez justement beaucoup. Bien qu'il n'ait pas spécialement besoin de repos du fait de sa constitution particulière, Geralt apprécie la douceur des draps frais, surtout lorsqu'il y est en bonne compagnie... ce qui lui arrive régulièrement.
Mature Audience
Du sexe dans un jeu de rôle, on avait pas vu ça depuis... depuis... depuis bien longtemps ! Cette dimension charnelle est ici plutôt bien introduite, mais demeure très limitée. La phase préparatoire, dite de séduction, fera ainsi trembler de jalousie tous les apprentis Casanova : vous croisez une sympathique greluche et si vous lui rendez un ou deux services ou le lui demandez gentiment, elle se donne à vous. Vous ne pouvez évidemment pas emballer toutes les gueuses qui passent, mais au bout d'une demi-douzaine heures, vous aurez déjà goûté à l'intimité d'une poignée de belles petites pépées. Ne pensez pas pour autant avoir droit à une séquence interactive. Les ébats ne sont pas montrés et la seule image que vous en garderez c'est, justement, une carte représentant votre victime dans le plus simple appareil. N'espérez pas non plus tirer un profit quelconque de ces phases. Ici, il n'y a ni XP, ni compétences supplémentaires à la clé de vos petites récréations. Le seul intérêt de la chose est d'exister, et ce alors que Rockstar n'a pas fini de compter les millions que lui a coûté le procès Hot Coffee et que Quantic Dreams enrage encore de la censure opérée dans certains pays sur Fahrenheit. Représenter intelligemment le stupre va encore demander pas mal de travail aux développeurs de tout poil, mais The Witcher permettra peut-être de franchir le seuil de fausse pudeur derrière lequel tous les acteurs de l'industrie se tiennent. Un petit effort de mise en scène aurait tout de même été bienvenu.
Quand la technique s'emmêle
Le moteur graphique se prêtait d'ailleurs parfaitement à une orchestration visuelle réussie de vos aventures d'un soir. Extrêmement bien réalisé, avec de sympathiques effets, des personnages aux traits particulièrement fins, et des cinématiques soignées, The Witcher est un très beau jeu, qui nécessite, évidemment, une bonne config. Celle-ci ne vous mettra toutefois pas à l'abri d'une brouettée de bugs. Si le patch désormais disponible a apporté un peu de répit aux utilisateurs précoces, le nombre de plantages du jeu reste toutefois élevé (comptez en moyenne un crash toutes les deux heures) et de nombreux scripts se révèlent toujours défectueux. Les sauvegardes automatiques sont fréquentes et, bonne idée, ne s'écrasent pas, mais nous vous invitons à sauver vous-même régulièrement vos parties à des emplacements différents. Il n'est en effet pas rare de se retrouver bloquer parce qu'un script ne s'est pas enclenché... une heure auparavant ! Il vous donc parfois ressortir vos vieilles parties et vous retaper tout le chemin parcouru, ce qui implique de supporter de nouveau les innombrables temps de chargement qui cassent à intervalle beaucoup trop régulier la dynamique du jeu. Si les cartes extérieures sont vastes et conçues d'un seul tenant, pénétrer dans un bâtiment ou dans une grotte entraînera un chargement de la machine pouvant dépasser la minute. Bien pensé, bien fichu, malgré une interface peut-être un poil trop lourde, The Witcher est un jeu de rôle beau, vaste et riche, qui ne pêche que pour cette série de défaillances techniques. On tenait presque le jeu de rôle de l'année, mais on se contentera d'un titre franchement réussi et particulièrement immersif malgré une VF bien piteuse. De l'or, des monstres, des femmes, gageons que la formule fera quelques émules !