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Imparfait mais terriblement ambitieux, The Secret World vient sacrément chambouler la routine des MMORPG. L'univers à la fois moderne et fantastique donne un bon coup de pied aux fesses des sempiternels nains et elfes. La réalisation technique de haute volée a de quoi faire pâlir nombre de jeux solo. Et l'introduction de quêtes d'investigation façon In Memoriam prend à contrepied la tendance habituelle de l'abattage de monstres à la chaîne. Alors, certes, l'ensemble est parfois un peu trop complexe. Oui, il y a encore des bugs. Effectivement, le jeu ne devrait vraiment pas nous imposer un abonnement mensuel aussi cher. Mais rien que pour son audace, The Secret World mérite vraiment d'être essayé. Maintenant, ou le jour où il passera en free-to-play !
Retrouvez plus bas la suite de notre test de The Secret World
- Univers singulier
- Ecriture riche
- Les missions d'enquête
- Moteur graphique évolué
- Plein d'originalité(s)
- Parfois inutilement complexe
- Personnage muet
- Quelques bugs
- PvP perfectible
- L'abonnement mensuel est de trop
Depuis l'avènement de World of Warcraft, les MMORPG se suivent et se ressemblent. Les rares titres qui arrivent à sortir du lot le font généralement grâce à une ou deux fonctionnalités précises, qui tiennent parfois plus de l'astuce marketing que de la réelle trouvaille de gameplay. Porté par des idées ambitieuses, The Secret World vient secouer tout ce petit monde, et s'impose sans ménagement comme le MMO le plus audacieux qu'on ait vu depuis bien longtemps. Au risque de décontenancer une partie des joueurs...
Rangez vos haches et vos armures, car l'univers de The Secret World est parfaitement contemporain. Il n'en est pas moins fantastique, puisqu'il mixe habilement monde moderne, créatures monstrueuses et phénomènes surnaturels. Sans oublier les sociétés secrètes, qui servent d'ailleurs de factions. Choisirez-vous de rejoindre les Illuminati, les Templiers ou le Dragon ? Maladivement manipulateurs, les premiers dirigent de gigantesques multinationales, contrôlent les gouvernements et amassent les richesses dans la discrétion la plus totale. A la fois religieux et militaristes, les Templiers se sont quant à eux juré de purifier l'humanité, par la force s'il le faut. Enfin, perfides et mystérieux, les membres du Dragon aiment semer le chaos pour mieux garder le contrôle. Selon votre camp, vous commencerez l'aventure à New-York, Londres ou Séoul, le temps d'un petit didacticiel. Ensuite, vous pourrez parcourir le monde et découvrir que les mythes et les légendes les plus effrayants sont devenus une réalité. Zombies, vampires et autres créatures que ne renierait pas H.P. Lovecraft constituent le gibier quotidien des joueurs. Chaque zone possède une ambiance qui lui est propre et le résultat final paraît extrêmement riche, quoiqu'un peu fourre-tout. Mais grâce à un gros travail d'écriture, l'univers reste à peu près cohérent et toujours intéressant. De nombreuses scènes cinématiques sont là pour planter les personnages et les situations. Mais puisque le jeu aime bien souffler le chaud et le froid, on regrette tout de même que le personnage qu'on incarne reste désespérément muet (ce qui paraît toujours étrange quand il est censé prendre part à une conversation). Les joueurs de la génération zapping risquent également de trouver The Secret World un peu trop bavard. Qu'ils sachent alors qu'ils ne sont pas au bout de leur peine, car nous allons voir que Funcom a définitivement décidé de les tirer vers le haut et de bousculer leurs tranquilles habitudes.
Vous
Jusque dans son interface, The Secret World aime ainsi à se démarquer. La feuille de personnage n'apparaît par exemple pas dans une fenêtre, mais à travers des icônes qui flottent autour du héros. Si vous aviez un peu trop éloigné la caméra, il va falloir la rapprocher et cadrer correctement pour arriver à lire et interagir. Univers moderne oblige, l'équipement n'est pas constitué de boucliers et d'armures, mais de talismans surnaturels. La possibilité de changer de vêtements est ici purement cosmétique. Novatrice à tout prix, l'interface en devient parfois déroutante, voire effrayante. La première fois qu'on ouvre l'écran de sélection des pouvoirs, on fait forcément une drôle de tête. Appelée Nexus, cette section d'interface prend une forme circulaire et donne accès aux 525 pouvoirs que l'on peut débloquer ! Il y a de quoi en perdre son latin, surtout qu'en sus des points de pouvoirs, on doit également dépenser des points de compétences qui enrichissent encore plus l'éventail des possibles. Car il n'y a pas de classe prédéfinie dans le jeu mais, au contraire, une totale liberté laissée au joueur pour créer le personnage de ses rêves. Si vous voulez maîtriser à la fois les fusils à pompe et la magie du sang, c'est possible. La seule contrainte réside dans le système de deck, qui oblige à sélectionner les pouvoirs par groupe de quatorze (sept actifs et sept passifs).
De plus, même s'ils gagnent de l'expérience, les personnages n'ont pas de niveau visible. Avouez qu'on est loin des classiques du genre. L'univers contemporain est même mis à profit pour simplifier la validation des quêtes, qui se fait par téléphone et limite donc ainsi les allers-retours inutiles."
De plus, même s'ils gagnent de l'expérience, les personnages n'ont pas de niveau visible. Avouez qu'on est loin des classiques du genre. L'univers contemporain est même mis à profit pour simplifier la validation des quêtes, qui se fait par téléphone et limite donc ainsi les allers-retours inutiles. Les quêtes sont d'ailleurs l'un des principaux points forts du jeu. Les secondaires sont simples et efficaces, tandis que les principales, longues et recherchées, ne versent jamais dans la facilité. Une nouvelle fois, on est vraiment très loin du poncif "ramène-moi dix peaux de loups". Objectifs, écriture et mise en scène sont suffisamment travaillés pour qu'on ne soit jamais tenté de tout zapper pour foncer bêtement vers les indicateurs sur la map. D'ailleurs, c'est tout bonnement impossible pour un certain type de quête, absolument révolutionnaire pour un MMORPG. Appelées missions d'enquête, ces quêtes pas comme les autres semblent tout droit sorties d'un jeu d'aventure. Il va falloir lire attentivement de nombreux indices, et faire fonctionner ses méninges pour résoudre des énigmes mille fois plus complexes et intéressantes que celles du père Fouras. En vérité, The Secret World ose même la tendance du transmédia, initiée par In Memoriam il y a déjà quelques années. Pour résoudre certaines énigmes, il va falloir s'investir dans la vie réelle, en parcourant des livres ou, le plus souvent, en effectuant des recherches sur Internet, sur des vrais sites ou des faux créés spécialement par les développeurs. D'ailleurs, le jeu intègre directement un navigateur web afin de faciliter cette démarche. Ce sont alors des heures de délicieuse torture mentale qui attendent les joueurs suffisamment intelligents et patients. Les plus pressés pourront naturellement chercher la solution en ligne, demander la clé du mystère sur le canal général, ou tout simplement passer outre ce type de quêtes.
En mémoire d'In Memoriam
Un petit exemple pour illustrer la complexité de la chose, avec la légende d'un tableau qui dit "Le temps est le domaine des rois et des dieux. Ses doigts indiquent la vérité dans les écrits royaux, au coeur du Verbe de Dieu. La voie s'ouvre pour ceux qui ont reçu l'illumination". Sans autre explication, il faut alors se mettre à la recherche d'une horloge ("le temps"), remarquer que ses aiguilles ("ses doigts") marquent 10h10. Puis aller chercher sur Internet ou dans la vie réelle une Bible (le "Verbe de Dieu") et trouver le passage 1 Rois, chapitre 10:10 (les "écrits royaux"). Il y est écrit : "Elle donna au roi cent vingt talents d'or, une grande quantité d'aromates et des pierres précieuses ; la reine de Saba avait apporté au roi Salomon une abondance d'aromates telle qu'il n'en vint plus jamais de pareille". Il ne reste alors plus qu'à en déduire qu'il faut se rendre dans la demeure de Solomon Priest et rentrer le code 120 sur un digicode pour ouvrir un passage secret. Et tout cela, ce n'est qu'une petite partie d'une seule quête ! Définitivement intelligent, The Secret World sait aussi être beau. Son moteur graphique supporte tous les effets techniques à la mode (mode DirectX 11, textures en volume grâce à la tessellation, 3D Vision...). Le jeu n'en demeure pas moins buggé ici ou là, mal fichu par moments (la police de caractères trop petite à certains moments, trop grosse à d'autres) et parfois trop classique. Si les donjons restent un peu plus efficaces que la moyenne du genre, le PvP manque en revanche d'intérêt. Mais le plus gênant reste certainement la politique commerciale choisie par l'éditeur. Après avoir acheté la boîte, il faut s'acquitter d'un abonnement mensuel de presque 15 euros par mois, et se farcir en plus une boutique où acheter des objets virtuels ! Un mode de fonctionnement en free-to-play serait plus adéquat. Nous sommes d'ailleurs prêts à parier que le jeu y passera un jour ou l'autre.