Test The Last Guardian : 10 ans après, l'émotion est-elle restée intacte ?
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- La direction artistique à couper le souffle
- Un game design simpliste mais ultra efficace
- Cette atmosphère poignante
- La relation complexe mais attachante entre Trico et le héros
- Une B.O. de qualité au service de la narration
- Des contrôles simples mais exigeants
- Le comportement ultra réaliste de Trico qui nécessite un apprivoisement en douceur
- Un retard technique qui se fait sentir
- Quelques chutes de framerate sur PS4 classique
- Une caméra parfois à la ramasse
Avec Shadow of the Colossus et ICO, Fumito Ueda s’est élevé au rang des grands messieurs du jeu vidéo en proposant une approche singulièrement différente des autres jeux du marché. Véritables invitations au voyage, ces oeuvres se sont imposées comme de véritables chefs-d’oeuvre vidéoludiques. Un pari qu'Ueda-san et ses équipes tentent une nouvelle fois de relever avec The Last Guardian, la plus grosse arlésienne de Sony Interactive Entertainment, après Final Fantasy XV bien sûr. Une attente insoutenable que beaucoup espèrent voir récompensée par une aventure qui les marquera pour le restant de leur vie de joueur. Bonne nouvelle, les premières secondes de The Last Guardian nous plongent directement dans le vif du sujet, et les notes qui parviennent à nos oreilles promettent une ambiance onirique du début à la fin. Le périple commence lorsque le jeune garçon se réveille dans une grotte et découvre pour la première fois Trico. Cette rencontre marque réellement le début de notre histoire et illustre, en quelques secondes, toute la complexité de la relation à venir entre les deux personnages. En effet, après vous être réveillé, vous découvrez la bête blessée et complètement apeurée par votre présence, tel un chien qui découvre pour la première fois une personne inconnue. La tension est palpable et l’impression de devoir apprivoiser la bête qui semble à l’agonie arrive rapidement. Comme pour tout animal, la meilleure solution est donc de trouver de la nourriture afin de gagner sa confiance. Une action anodine mais qui illustre parfaitement toute la suite de l’aventure où la complicité entre l’homme et l’animal sera le moteur principal de votre avancée. Une fois la bête nourrie, vous pouvez enfin la manipuler et grimper dessus pour lui retirer les quelques pieux plantés dans sa peau. Une fois cette opération terminée et la créature libérée, votre aventure commence réellement. Après être sorti de la grotte, vous découvrez les ruines d’un temple très ancien et qui semble totalement inhabité.
The Last Guardian. Le jeu offre un voyage inoubliable marquée par cette relation si attachante et si forte entre le héros et Trico.
Voilà, en gros, le postulat de départ qui ne dévoile pour l’instant aucun indice sur la raison de votre présence dans le temple, ni même l’origine de Trico. Au même titre que notre héros, le joueur découvre lui aussi les environs sans le moindre indice, et il devient alors nécessaire de s’arrêter régulièrement pour scuter les décors et trouver un chemin qui nous permettra de continuer notre exploration. En effet, le jeu mise avant tout sur la découverte et s’affranchit d’un gameplay complexe pour s'offrir dans son plus simple appareil, en ne nous proposant que le contrôle du jeune garçon. Ne vous attendez donc pas à pouvoir effectuer mille et une actions, puisque le joueur pourra seulement sauter, s’agripper, ramasser des objets ou activer des mécanismes. Si pour certains jeux il est important de disposer de mécaniques profondes et subtiles, The Last Guardian fait le pari du minimalisme afin d’instaurer une certaine pression au joueur qui se retrouve aussi "fragile" que le jeune garçon. Mais en plus d’amplifier cette sensation de faiblesse, le système de jeu arrive à servir parfaitement le côté exploration du titre où chaque franchissement d’obstacle donne au joueur une sensation de joie tant certains passages peuvent s’avérer compliqués. The Last Guardian fait indéniablement partie de ces titres où il faut être patient, et les joueurs adeptes de scènes d'actions à outrance seront sans doute déboussolés lors de leur première partie. En effet, les contrôles du personnage invitent à se déplacer avec parcimonie afin d’éviter de sauter quelques centimètres à côté d’un rebord ou d’une corde. A première vue, les commandes semblent vraiment à la ramasse, mais pourtant, après quelques ratés et manettes fracassées contre le mur, on se rend vite compte que tout cela fait partie du plan de Fumito Ueda pour amplifier cette vulnérabilité. Chaque action doit être réfléchie et le joueur doit sans arrêt analyser la situation avant de prendre un risque qui pourrait lui être fatal. Heureusement, on peut aussi compter sur Trico et son agilité pour nous permettre d’atteindre des endroits en théorie accessibles. Dès lors, The Last Guardian prend une toute autre tournure, et cette fois, le joueur doit composer avec une créature vivante dont les actions ne dépendent pas de lui.
TRICO, LE MEILLEUR AMI DE L'HOMME
Gigantesque, la bête s’avère être une précieuse alliée capable de vous indiquer où aller lorsque vous êtes perdu. Mais à défaut de faire office de guide touristique, Trico est aussi un élément de décor amovible qui permet d’atteindre certaines zones en grimpant sur son dos. Bien sur, il s'agit d'un animal, et comme tout être sauvage, il vous faudra composer avec le comportement de la bête. Pour ce faire, on peut lui donner des ordres en appuyant sur R1+Croix, Carré, Rond et Triangle. Chaque touche permet d'ordonner à Trico de ne pas bouger, d'attaquer, ou encore de sauter. Comme avec votre personnage, le contrôle de la bête reste très approximatif puisqu’il s’agit ici d'apprivoiser un être vivant doté de sa propre volonté. Encore une fois, le joueur devra faire preuve de patience pour parvenir à ses fins, et il vous arrivera bien souvent de pester contre Trico, ce dernier ayant décidé de n'en faire qu'à sa tête. Mais là aussi, ce qui pourrait sembler être un défaut technique n’est en fait qu’un moyen d’insister sur l’importance de la relation entre le jeune garçon et la bête. Comme avec un chien, Trico est un être vivant qui requiert de la patience et du calme pour écouter. La relation entre nos deux protagonistes devient alors le moteur central de l’aventure et très vite, on se surprend à regarder derrière nous pour vérifier que notre compagnon nous suit. Une présence rassurante, surtout lorsque l’on se retrouve face à des armures possédées par une force étrange et qui semblent protéger le temple dans lequel nous sommes perdus. En effet, notre héros est incapable de se battre et seul Trico pourra venir à bout des ennemis qui se trouvent sur leur chemin. Très vite, notre dépendance envers la créature se fait ressentir, et on a presque envie de rester installé confortablement sur son dos. Pour autant, faire appel systématiquement à ses services ne sera pas toujours la solution.
The Last Guardian n’affiche pas une réalisation des plus impressionnantes. En fait, le jeu porte toujours les stigmates de son passage sur PS3, et on s’attendait vraiment à quelque chose de beaucoup plus beau sur le plan visuel.
En effet, Trico comptera sur nous quant il s'agira de se faufiler à travers des espaces trop étroits pour lui, ou quand il faudra le nourrir. En sus, bien qu'il soit capable de terrasser ses ennemis en un seul coup de griffe, des vitraux avec un oeil au centre agissent comme un véritable repoussoir pour la bête qui refuse d’avancer trop près d’eux. C’est donc à vous de vous débrouiller pour atteindre ces vitraux et les détruire afin de le rassurer et de lui donner envie de continuer à avancer. Certains passages donneront même des sueurs froides aux joueurs qui se laisseront totalement emporter par la relation si attachante des deux personnages, puisqu’il arrive que l'on doive délaisser Trico alors que ce dernier se retrouve incapable de bouger face à l’ennemi. Concernant les affrontements, bien que notre héros ne puisse pas attaquer, vous pourrez tout de même compter sur un petit bouclier pour projeter une lumière indiquant à Trico de tirer des boules d’énergie avec sa queue. Le joueur doit donc être tout aussi actif que son partenaire pour l’aider lorsque certains gardes se mettent à l'encercler. De plus, il ne faudra pas toujours compter sur Trico pour vous aider, puisque certains ennemis vous tomberont dessus alors que vous êtes seul. S’ils sont peu fréquents, ces moments s'avèrent bien tendus, on ne vous le cache pas. Heureusement, les gardes ne sont pas des bouchers non plus et cherchent juste à vous attraper ; vous pourrez toujours vous débattre via les boutons de la manette pour vous libérer de leur étreinte.
LE GARDIEN DU TEMPLE
Sur le papier, tous les éléments cités auparavant pourraient sembler basiques pour jeux beaucoup plus nerveux en termes d'action. Néanmoins, la vraie difficulté du titre réside dans votre capacité à vous débrouiller. The Last Guardian s'émancipe des tutos à rallonge pour simplement vous indiquer les quelques actions que votre personnage peut effectuer. La conception des niveaux pousse à explorer le monde qui nous entoure comme si lui même était totalement perdu. Certains seront sans doute hermétiques à cette approche, alors que d’autres se laisseront prendre au jeu. Et lorsque l’on accroche, il faut bien avouer qu’il est difficile de s’arrêter. La relation entre Trico et notre héros nous prend rapidement aux tripes et chaque séparation instaure un vide mais aussi une tension due à la faiblesse extrême de notre héros. En revanche, si notre progression nous permettra d’en apprendre plus sur les origines de la bête et la raison de notre rencontre, il ne faudra pas vous attendre à découvrir tous les mystères de la cité abandonnée ; et en tant que simple voyageur perdu, vous n’apprendrez rien de plus que ce votre personnage verra. Finalement, le lieu reste empli de mystère et la simple découverte de nouveaux environnements suffit à nous émerveiller et à nous donner envie d’arriver jusqu’au bout de l’histoire. The Last Guardian arrive à nous transporter tout au long de l’aventure grâce à sa poésie et son univers chargé en émotion tout en développant une relation toute particulière entre Trico et notre héros. Le seul petit regret pourrait venir de notre trop forte dépendance à la notre compagnon, le jeu demandant de temps en temps au joueur de lâcher sa manette pour laisser Trico agir de lui-même. Un défaut amplifié par le manque d’indices pour accéder à certains endroits, ce qui explique que l'on mise souvent sur la créature afin qu'elle trouve la solution. Hormis ces petits défauts, The Last Guardian parvient à nous proposer une histoire passionnante, où les images sont toujours plus fortes de que les mots.
Finalement, le plus gros défaut de The Last Guardian reste sa caméra qui s’avère très capricieuse.
Après avoir nécessité dix ans de développement, The Last Guardian n’affiche pas une réalisation des plus impressionnantes. En fait, le jeu porte toujours les stigmates de son passage sur PS3, et on s’attendait vraiment à quelque chose de beaucoup plus beau sur le plan visuel. Car du côté de la direction artistique, Fumito Ueda et la Team ICO livrent ici un récital dont ils ont le secret. Les décors font mouche à chaque fois et la sensation de grandeur du temple nous fait vite oublier ces lacunes techniques. Le jeu ne lorgne clairement pas du côté du photoréalisme, mais il réussit pourtant à nous transposer dans son univers en un instant grâce à des visuels magnifiques, mais aussi grâce une bande son à couper le souffle. Elle colle parfaitement à notre aventure et fait preuve d'un équilibre exemplaire ; ni trop, ni trop peu. Si The Last Guardian souffre de quelques chutes de framerate sur PS4 classique, il tourne sans aucun souci sur PS4 Pro avec même de nombreux effets de particules en plus qui participent à la féérie du spectacle. Finalement, le plus gros défaut de The Last Guardian reste sa caméra qui s’avère très capricieuse. C’est d’autant plus frustrant qu'excepté cette tendance qu'elle a à se loger contre mur pour mieux fausser les contrôles, elle offre des panoramas splendides ainsi que des plans qui invitent à la poésie.