13 20
Suikoden Tactics manque cruellement de rythme durant les premiers chapitres de jeu, mais tel Suikoden IV, on se laisse très vite happer par cette ambiance particulière propre à la série. Loin du grain de folie d’un Nippon Ichi, il propose un système de jeu instinctif et efficace à l’image des Fire Emblem, autres valeurs sûres du Tactical RPG. Ce premier épisode tactique de la série est donc une bonne alternative en attendant le cinquième volet et mérite d’autant plus le coup d’œil si vous avez apprécié Suikoden IV.
- Instinctif
- Prolonge l’expérience Suikoden IV
- La gestion des éléments
- Absence des 108 étoiles
- Manque d’originalité
- Mollesse générale
L’arrivée somme toute assez discrète de Suikoden Tactics dans nos contrées a de quoi éveiller les curiosités. Reprenant l’univers du mitigé mais non dénué d’intérêt Suikoden IV, Konami lance la série dans le domaine du Tactical RPG où les Nippon Ichi règnent en maîtres. Rude concurrence donc, mais ce nouveau venu a bien des cartes à faire valoir. En attendant l’annonce prochaine du cinquième opus chez nous, un peu de réflexion ne peut faire de mal.
Suikoden Tactics narre l’histoire de Kyril, jeune garçon à la destinée unique, happé par le tourbillon de la guerre et de la vengeance. Le récit débute sur la mort tragique de son père, transformé sous ses yeux en homme-poisson par une arme dévastatrice : le canon à runes (certes, dit comme ça la dimension tragique n’y est peut-être pas…). Un traumatisme profond qui le rongera tout au long de son combat, confronté inlassablement à des armées entières de ces créatures surnaturelles. Kyril choisit cependant courageusement de continuer la quête de son père, rechercher les canons à runes et les détruire, afin d’épargner cette souffrance à quiconque et mettre un terme à ces atrocités. Fort heureusement il ne sera pas seul dans son combat, mais épaulé par les fidèles compagnons de son défunt père, à savoir Andarc, Seneca et la mystérieuse Yohn toujours soucieuse du bien-être de Kyril. Cette simple quête prendra très vite une tournure inattendue et les entraînera au centre d’un conflit déchirant deux peuples, celui des Nations des Iles et de l’Empire Kooluk. Environnement donc familier à tout possesseur du quatrième opus qui pourra suivre l’avant et l’après Suikoden IV à travers le voyage de notre jeune héros. L’interaction entre ces deux histoires est d’ailleurs marquée dès les premiers pas par la rencontre de Kyril et du héros anonyme de Suikoden IV durant leur petite enfance, clin d’œil sympathique qui replonge agréablement le joueur en terrain connu. Autant se rassurer, le jeu a beau se dérouler dans le même monde, on en visite pas pour autant les mêmes lieux. Ainsi les destinations de Suikoden IV sont ici très vite accessibles, l’essentiel de la quête se déroulant en territoire Kooluk, finalement peu exploité jusque là. Ne croyez cependant pas qu’il est absolument nécessaire d’avoir fait et apprécié Suikoden IV pour espérer accrocher à son homologue Tactics. Certes cet opus apporte un complément intéressant à son prédécesseur mais en reste tout à fait dissociable en offrant une trame suffisamment prenante et intéressante.
L’invasion des hommes-poissons !
Les combats que nos héros auront à mener se dérouleront de manière tout à fait classique. Pas de superflu ici, Konami assure les bases. On se retrouve aux commandes d’une équipe qui tourne le plus souvent autour de 8 personnages et évoluant sur un terrain quadrillé plus ou moins accidenté. La subtilité du système réside principalement dans le principe des éléments. On retrouve donc les cinq propres à la série des Suikoden à savoir le feu, l’eau, le tonnerre, la terre et le vent, ces derniers ayant des affinités positives ou négatives entre eux, ce qui au final constitue un cycle. Le feu sera alors faible face à l’eau, qui sera faible face au tonnerre, et ainsi de suite jusqu’à boucler le cercle avec la faiblesse du vent face au feu. De base, les maps possèdent un certain nombre de cases élémentaires, mais la présence de sphères pourra modifier leur configuration. Elles se déplacent à chaque tour, de façon totalement aléatoire en engendrant des cases élémentaires sur leur passage. Libre alors au joueur de les éliminer s’il les estime désavantageuses ou au contraire d’en tirer profit. Car en effet, chaque individu possède un élément dominant. Se trouver sur une case vent pour un personnage du même élément lui verra ses capacités décupler : précision, force, défense et esquive notamment seront revues à la hausse et inversement bien sûr s’il se trouve sur une case feu. Le joueur aura de plus le loisir via des items ou des runes, de modifier le terrain à son avantage, chose que l’adversaire ne se privera pas de faire. Une fois ce système assimilé, la stratégie prendra tout son sens et les combats n’en seront que plus jouissifs.
A côté de ça, on retrouve classiquement les commandes d’attaques et runiques. Chaque personnage pouvant équiper au maximum 3 runes, il se verra conféré différentes aptitudes telles que des attaques physiques spéciales ou diverses magies. Deux petits plus méritent également d’être notés. Tout d’abord la commande monture qui, comme son nom l’indique, permettra à votre unité de chevaucher une bête de son choix, terrestre ou aérienne. Certaines de vos capacités seront alors modifiées : pour exemple, une unité à dos de Hiboux pourra évoluer sur le terrain sans se soucier du dénivelé mais verra sa défense diminuée de façon conséquente. Une autre commande sera parfois disponible, celle de la discussion. Une équipe soudée ne pouvant qu’être plus performante, vous aurez le loisir durant le combat d’entamer le dialogue entre certains de vos personnages afin d’augmenter leur bon vouloir et ainsi débloquer des attaques combos ou en augmenter leur puissance. L’entraide entre les combattants sera également améliorée, ce qui favorisera la défense mutuelle et l’attaque de soutien. Dans la forme, ce système paraît plus qu’intéressant, mais il s’avère malheureusement très vite bien léger. Seuls certains protagonistes pourront utiliser cette commande et uniquement à des moments donnés, fait au final assez rare, et ce ne sont pas ces dialogues d’une futilité absolue qui dissiperont ce fâcheux sentiment d’inachevé.
Du côté du panel de personnages, rien de vraiment innovant : des épéistes plutôt nombreux côtoyant des mages et des archers. Il sera surtout primordial d’optimiser le placement et les aptitudes de chacun afin d’éviter la mort soudaine d’une de vos unités par un malencontreux coup critique dans le dos. Ici, à la manière d’un Fire Emblem, il est possible de perdre définitivement un personnage, événement aléatoire qui nous amène très vite à croiser les doigts à chaque décès. Certes, pour les puristes voulant porter tout leur petit monde à la victoire en un seul morceau, il existe la commande rejouer, mais les maps sont assez longues et éprouvantes et voir un personnage disparaître quand on touche enfin au but est terriblement frustrant. Mais je ne cache pas que ce petit aléa peut être finalement un bon stimulant et surtout un bon remède à un style de jeu trop barbare. D’autant que les plus frileux pourront se rassurer, les protagonistes principaux ne souffrent pas de ce handicap, et quitteront simplement la bataille au lieu d’y laisser leur vie. Il sera donc tout à fait possible de se constituer une équipe "d’immortels" et finir ainsi le jeu. A la fin de chaque combat, outre l’argent et les éventuels objets bonus, le joueur se voit attribuer des points de compétence qu’il pourra répartir à loisir entre ses personnages pour augmenter les rangs de leurs capacités. Ils peuvent par ce système acquérir la possibilité de contre-attaquer, d’augmenter le nombre de frappe, de gagner des cases de déplacement ou encore d’augmenter leur puissance magique. On peut ainsi choisir entre une bonne dizaine d’aptitudes pour personnaliser un peu plus ses combattants.
Perdu de recherche
Suikoden oblige, de nombreux protagonistes seront à découvrir. Ici point de 108 étoiles mais quand même une bonne cinquantaine de combattants. S’ajoutant ainsi à la petite bande initale de Kyril, de nombreux personnages ayant marqué les esprits dans Suikoden IV viendront gonfler les rangs. On retrouve notamment Lino en Kuldes, roi d’Obel, Kika, un des personnages les plus charismatiques de Suikoden IV ou encore Rheinbach, personnage excentrique cher à la série depuis ses débuts. Si la quête des 108 est un bon stimulant des volets classiques de Suikoden, on se retrouve malheureusement ici la plupart du temps totalement passif dans leur recherche. Il n’est pas rare d’en voir certains arriver par bande de 3 ou 4 sans réel aménagement scénaristique pour se retrouver finalement avec un petit paquet de personnages dotés d’une histoire quasi inexistante. Autant les habitués ayant fait le quatrième volet les resitueront parfaitement dans l’histoire, autant les autres n’y verront que des bouches en plus à nourrir. Même si à ce niveau, il n’y a pas vraiment de craintes à avoir. Les personnages sont nombreux, mais on se retrouve difficilement en manque d’argent et payer la forge pour améliorer ses armes ou acheter runes, items et armures n’est jamais un véritable casse-tête financier. Fait plutôt agréable qui incite le joueur à tester un minimum chacune de ses recrues.
La trame principale est finalement assez courte, avec à peine plus d’une vingtaine de combats obligatoires. Heureusement le joueur dispose d’une guilde implantée à Middleport, qui lui propose toute une série de quêtes annexes divisées en deux catégories. Tout d’abord la plus classique où la guilde demande par exemple de supprimer les ennemis d’une zone, chose que nous devons exécuter nous-même. Le deuxième type de quête, déjà plus original, est accessible seulement aux personnages secondaires, d’où l’intérêt d’en recruter un maximum. Elle consiste à envoyer l’unité qui paraît être la plus apte à effectuer la mission, unité qui quittera alors le groupe et sera indisponible pendant un certain temps de jeu. Ces quêtes secondaires permettent de gonfler de façon non négligeable la durée de vie, le joueur ayant tout intérêt à les faire. Elles permettent en effet d’obtenir de nouveaux lieux, de nouveaux personnages et de gagner de belles sommes d’argent. Ainsi, sans se contenter de la quête principale et en touchant à tout ce que le soft propose, prévoyez facilement jusqu’à 30 bonnes heures de jeu pour en voir le bout. Techniquement, Suikoden Tactics n’a pas de honte à avoir. Beaucoup plus coloré que Suikoden IV, il propose des environnements plutôt variés et détaillés. Les personnages en cel-shading manquent peut-être de détails mais les artworks, toujours aussi travaillés, arrivent parfaitement à leur conférer âme et vie. La bande-son reste très inspirée de Suikoden IV vu que de nombreux thèmes lui sont empruntés, parfois revus et corrigés, mais toujours aussi agréables à l’oreille.