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Le pari était osé, le défi relevé, mais Capcom a de nouveau fait parler son talent et son savoir-faire pour marier deux séries qui n’ont in fine pas grand-chose en commun. En reprenant le code de Street Fighter IV, Capcom a réussi à insuffler de la vie dans les persos – fades – de Tekken, et s’est appuyé sur certains éléments de gameplay de la licence de Namco pour apporter une nouvelle dynamique. Et au lieu de se lancer dans un jeu réservé uniquement aux experts du stick arcade, Yoshinori et ses équipes ont privilégié l’accessibilité pour que tout un chacun puisse s’amuser de concert, sans pour autant laisser de côté les professionnels qui trouveront ce qu’il faut de subtilités pour égayer leurs soirées. On note cependant quelques fautes de goût (les décors, la musique, les gemmes), mais il faudrait vraiment être mal luné pour ne pas apprécier ce cross over exceptionnel.
Retrouvez plus bas la suite de notre test de Street Fighter X Tekken
- Direction artistique réussie
- Les persos de Tekken ont enfin la classe !
- Gros casting
- Accessible et technique à la fois
- Une vidéo d’intro qui fait mal !
- Jeu online : c’est du solide !
- Un système de gemmes franchement inutile
- Décors peu nombreux et peu inspirés
- Musiques de bas étage
- Interface encombrée
- Certains persos exclusifs à la version PS3 sont douteux
Qu’on le veuille ou non, Capcom domine aujourd’hui le monde du Versus Fighting. Après avoir réussi à relancer un genre pourtant tombé en désuétude à la fin des années 90, l’éditeur japonais poursuit son envie d’inonder le marché de son art qu’il maîtrise aujourd’hui à la perfection. Street Fighter IV en 2009, suivi de ses extensions, Tatsunoko vs Capcom dans la foulée, Marvel vs Capcom 3 et sa mise à jour Ultimate, Darkstalkers prochainement si les oracles ne racontent pas de conneries et enfin Street Fighter X Tekken, soit la réunion improbable entre deux séries que tout oppose diamétralement. Un fantasme de geek qui prend forme aujourd’hui à travers ce cross over développé avec "tendresse et passion. Surtout quand il n’y a rien d’autre à voir à la télévision…"
Patron avisé de la section baston chez Capcom, Yoshinori Ono n’a pas arrêté de le nous ressasser : Street Fighter X Tekken a été entièrement développé sans que Namco n’ait eu à fourrer son nez dans la production. Les conditions étaient claires dès le départ, et quand bien même Harada (le monsieur Tekken chez Namco, on vous le rappelle) ait pu participer régulièrement aux démos publiques de Street Fighter X Tekken, c’est son alter ego chez Capcom qui avait toujours le dernier mot. Le choix de réutiliser le moteur de Street Fighter IV s’est donc imposé de lui-même. Par facilité, il ne fait aucun doute, mais aussi pour un souci de cohérence. Adapter l’univers de Tekken à celui de Street Fighter n’a donc pas été une mince affaire et l’on peut commencer déjà par féliciter la direction artistique du jeu – une franche réussite – insufflant enfin aux personnages de Tekken un semblant de personnalité. Qu’il s’agisse de leurs mouvements, de leur stance ou bien encore de leurs expressions, jamais les héros de Namco n’avaient eu pareille classe ; c’est dire ! Un coup de pression supplémentaire pour Harada, qui semble avoir toutes les peines du monde pour terminer son Tekken X Street Fighter.
Clause combat
Mais avant d’en arriver là, on peut se réjouir de retrouver bon nombre de clins d’œil qui font référence à Tekken, à commencer par son système de tag qui permet de changer de combattant en pleine partie, pour un maximum de stratégie. Avant chaque match, le joueur constitue son équipe de deux personnages et selon le choix, vous aurez droit, ou non, à des attitudes et des fins bien spécifiques. Law et Paul forment une belle paire par exemple, à l’image de Ryu et Ken, le duo référence pour les massacreurs en ligne. Qu’importe le choix, les mécaniques de gameplay sont les mêmes avec trois cas de figure bien précis. Si le switch classique (on appuie sur les deux touches middle simultanément) permet de permuter de bonhomme durant le match, sachez que vous vous exposez à une certaine vulnérabilité puisqu’il existe quelques frames pendant lesquelles votre adversaire peut vous atteindre sans que vous ne puissiez faire quoi que ce soit. Il est donc vivement conseillé de faire la permutation en plein combo, afin de maximiser ses chances de remporter un round, et a contrario, de ne pas perdre le sien. C’est ce qu’on appelle le Cross Rush, technique permettant de faire le relais entre ses deux fighters alors que l’adversaire n’a toujours pas touché le sol. Car contrairement à Marvel vs Capcom 3, où il est obligatoire d’abattre l’équipe entière pour gagner la manche, dans Street Fighter X Tekken, il suffit qu’un seul des deux combattants soit mis K.O. pour que la partie soit terminée. Un détail qui change considérablement la donne, offrant au jeu une certaine forme de stratégie et obligeant chaque joueur à garder un œil sur la barre de vie de chacun de ses guerriers. Reste alors le dernier cas de figure, intitulé le Cross Cancel, qui autorise le switch en pleine attaque ou furie, à condition de sacrifier un tiers de sa jauge de pouvoir. A méditer donc.
D’ailleurs, afin de séduire le maximum de joueurs, Capcom a opté pour une approche grand public, à la manière de Marvel vs Capcom 3, avec des furies qui se déclenchent assez facilement..."
Comme dans tout jeu de baston qui se respecte, la jauge de pouvoir se remplit toujours en fonction des attaques portées et/ou reçues, permettant in fine de déclencher les furies, appelée ici Super Art, et divisées bien évidemment en plusieurs degrés de férocité. D’ailleurs, afin de séduire le maximum de joueurs, Capcom a opté pour une approche grand public, à la manière de Marvel vs Capcom 3, avec des furies qui se déclenchent assez facilement (quart de cercle suivi de 3 boutons), puisqu’il est même possible de les exécuter gratuitement, sans qu’elle ne vous coûte une jauge de pouvoir, à condition de maintenir les 3 boutons suffisamment longtemps, et donc d’être une fois de plus à la merci de votre adversaire. Au choix. Cette accessibilité, on la retrouve également au niveau des attaques, et des combos, en introduisant une plus grande tolérance dans les timings. Le feeling est en effet à mi-chemin entre un Street Fighter IV et un Marvel vs Capcom 3, ce qui aura pour effet de plaire aux habitués des séries Capcom, tandis que les spécialistes de Tekken devront entièrement revoir les bases. C’était le deal de départ, tout le monde était prévenu. Toujours dans l’optique de profiter des possibilités de tag, il est possible de demander à ses deux persos de combiner leur furie respective, à condition de respecter les clauses de combat, pour un maximum de dégâts. Evidemment, ces derniers diffèrent en fonction des guerriers qu’on a sous le coude, mais en moyenne, sachez qu’un Cross Art peut vider plus la barre de santé à 60%, d’un coup d’un seul. Si en plus, vous avez eu le malheur de vous manger quelques mandales auparavant, alors vous êtes bons pour repasser par la case sélection des personnages. Vous l’aurez compris, contrairement à Street Fighter IV où Capcom a pris le soin de bien équilibrer chaque personnage, Street Fighter X Tekken fait plutôt dans la fantaisie, quitte à dégoûter certains joueurs, ceux-là même qui ont boudé le gameplay foire du trône de Marvel vs Capcom 3. Encore une fois, Street Fighter X Tekken est à mi-chemin entre les deux, un juste milieu qui a su trouver certains compromis.
Impossible n'est pas Capcom
En revanche, l’introduction des gemmes – ou gems – risque de diviser l’opinion, si ce n’est déjà fait, Yoshinori Ono ayant reçu des messages d’insultes quand ce ne sont pas des menaces de mort. Un choix qu’on a dû mal également à partager. Concrètement, avant chaque début de partie, le joueur se doit de choisir deux gemmes par personnage. Il en existe de plusieurs sortes : les gemmes offensives pour augmenter la puissance de ses coups, les gemmes de défense pour mieux encaisser les dégâts, les gemmes de vitesse pour gagner en rapidité, etc. Attention, pour pouvoir en bénéficier, il faut impérativement remplir certaines conditions, comme réaliser plusieurs coups spéciaux d’affilée, faire une contre-choppe, parer en garde-basse les attaques de son opposant par exemple. Très sincèrement, l’utilisation de ces gemmes n’ont pas de véritable effet dans une partie, qu’elle soit locale ou online, et on imagine mal les joueurs courir après ces "joyaux" qu’il faudra payer en plus si on désire tous les avoir… Car il ne faut pas se leurrer, les 250 gemmes de base ne sont pas complets, surtout quand on sait que la version collector de Street Fighter X Tekken offre 45 gems de plus, sans oublier ceux qui arriveront en DLC. Si les joueurs crient au scandale, c’est aussi parce que la plupart de ces données sont déjà gravés sur le disque, à l’image de ces 12 combattants en plus qu’on pourra "récupérer" au moment de la sortie du jeu dans sa version PS Vita, et qu’il faudra acheter sur PlayStation 3 et Xbox 360. Le business model de Capcom continue de faire des ravages au porte-monnaie des joueurs, qui peuvent cela dit déjà profiter de la quarantaine de guerriers disponibles ; ce qui est tout de même un beau casting. On retrouve bien évidemment la crème des combattants de chaque écurie, et pas seulement de Street Fighter puisque certains comme Poison sont issus de Final Fight, une autre licence qui compte chez Capcom. D’autres pointeront du doigt le mode Pandora, cette technique qui vise à sacrifier un personnage quand il ne reste plus que 25% de vie pour récupérer un peu de sa barre de santé, mais surtout pour pouvoir réaliser autant de Super Arts qu’on ne le souhaite, pour achever son adversaire. Cela dit, un paramètre risque de changer la donne : on n’a que 8 seconde pour renverser la vapeur avant que son perso ne s’écroule définitivement. Une astuce pas nécessairement indispensable, mais qui pourra créer la hype lors des tournois pro gaming…
En revanche, l’introduction des gemmes – ou gems – risque de diviser l’opinion, si ce n’est déjà fait, Yoshinori Ono ayant reçu des messages d’insultes quand ce ne sont pas des menaces de mort. Un choix qu’on a dû mal également à partager."
Si globalement la direction artistique de Street Fighter X Tekken est réussie, grâce notamment à ses traits grossis et ce côté street/crado qui se dégage des personnages, on ne peut pas dire qu’au niveau des décors, Capcom ait été inspiré… Dix stages (pour le moment), dont un qui ressemble comme deux gouttes d’eau au niveau d’entraînement de Street Fighter IV et qui est de mauvais goût, ce n’est pas la panacée. Hormis le skate-park, le temple japonais et la casse de voitures/robots (du déjà-vu ?), les autres environnements donnent le sentiment que Capcom ne s’est pas vraiment cassé la tête. Certes, chacun de ces décors disposent de plusieurs niveaux, à l’instar d’un Dead or Alive, mais en termes de goût douteux (le parc jurassique, le parking de bus phosphorescents, le combat de mammouths) on frise la correctionnelle. Bref, Ono a encore fait des siennes, et ses penchants pour la musique d’ascenseur se sont à nouveau confirmés avec une bande-son des plus effrayantes à faire saigner nos tympans, à tel point que les BGM de Street Fighter IV passent pour du Mozart à côté… Un dernier mot peut-être sur le online, fidèle à l’esprit des derniers épisodes de Street Fighter. Le code réseau est béton, l’interface quasi identique avec des modes connus de tous, ce qui facilitera tout de suite la navigation. Dommage que l’interface du jeu n’ait pas bénéficier du même traitement de faveur, et que pour accéder à la command list par exemple, il faille se taper ses pages de transition fastidieuse et que le déroulement des menus se fassent obligatoirement avec les touches de tranche. Ces détails, mineurs a priori, deviennent franchement pénibles sur la longueur, mais Capcom sait aussi se faire pardonner, et avoir su mélanger avec brio les deux unnivers de Street Fighter et Tekken suffit amplement pour combler nos vieux rêves de geek. C'est d'ailleurs ça l'essentiel !