16 20
Charmant et chatoyant, Stray vient nous rappeler qu'un petit jeu indé bien ficelé vaut parfois mieux qu'un gros AAA tout empâté. Surtout quand le titre en question nous propose d'incarner un matou plongé dans un univers à la fois post-apocalyptique, cyberpunk et peuplé d'androïdes amicaux. La balade est extrêmement agréable, la narration efficace, les personnages attachants, et les graphismes séduisants, tandis que les développeurs ont eu l'intelligence de ne jamais trop prendre les joueurs par la main. Il y a bien quelques petits défauts à relever ici ou là, mais l'ensemble force tout de même le respect. Totalement indispensable pour les gamers propriétaires de chats, le jeu de BlueTwelve Studio est également très fortement conseillé à tous les autres. Vivement une suite, une version canine ou, plus simplement, le prochain jeu du studio quel qu'il soit !
- Un univers post-cyberpunk et un héros félin singuliers
- Une narration élégante et intéressante
- Des graphismes aussi beaux que fluides
- Des animations félines au poil
- Pas de journal de quêtes, de GPS, de map… ça fait du bien !
- Des sauts pas totalement libres
- Un agencement des quêtes parfois maladroit
- Quelques (rares) soucis de collision ou de caméra
- Entre 4 et 6h pour finir le jeu, c'est quand même très court
Décidément, la scène vidéoludique montpelliéraine a le vent en poupe ces derniers temps. Après Magic Design Studios et son rogue-like Have a Nice Death, c'est au tour de leur voisin BlueTwelve Studio de proposer le fruit de leur travail au monde entier. Nous parlons ici de Stray, le fameux "jeu de chat" qui a intrigué énormément de joueurs depuis la première bande-annonce apparue à l'été 2020. Deux ans plus tard, il est enfin possible de nous glisser dans la peau de ce mignon matou et de découvrir un monde futuriste réellement intéressant et bien fichu.
Tout commence comme une épopée mignonne et bucolique, située en pleine nature. Une tribu de chats se réveille, nous incarnons l'un d'entre eux, et nos premiers pas dans l'aventure consistent à laper une flaque d'eau, donner quelques coups de pattes joueurs à nos congénères, et leur faire quelques léchouilles. So cute ! Seulement voilà, un mauvais pas plus tard et voilà que notre héros félin et orangé tombe dans ce qui semble être un gouffre sans fond. Il se réveille alors prisonnier d'une ville murée et oubliée. Pour le joueur il est temps de découvrir le véritable monde de Stray, qui n'a plus grand-chose de naturel puisqu'il est à la fois post-apocalyptique (les humains ont disparu depuis belle lurette) et cyberpunk (des robots humanoïdes appelés Compagnons les ont remplacés). Des plantes, génétiquement modifiées pour pouvoir pousser sous les lumières artificielles, apportent quelques belles touches de verdure, mais l'ambiance générale reste essentiellement urbaine. L'absence totale de soleil impose une nuit permanente, un dôme artificiel remplace maladroitement le ciel et les étoiles par quelques lumières ponctuelles, des néons colorés se reflètent dans les flaques d'eau, et l'architecture extrêmement verticale évoque les cités asiatiques les plus peuplées de notre monde actuel. Le résultat est absolument magnifique, aussi bien techniquement (le jeu est extrêmement fluide au regard de ce qui est affiché) qu'artistiquement. Les rues fourmillent de détails, les couleurs sont toujours choisies avec soin, le level design est malin car faussement fouillis, et les Compagnons munis de têtes cathodiques ont une classe folle. Et notre chat dans tout ça ? Eh bien il est fort joliment modélisé, et surtout parfaitement animé ! De la démarche chaloupée jusqu'au dos rond apeuré, on jurerait avoir affaire à un véritable greffier. Il faut dire que les développeurs n'ont pas hésité à intégrer dans le jeu la plupart des comportement typiques des tigres de maison.
ON JOUE À CHAT ?
Vous pouvez ainsi miauler à volonté, faire tomber des objets , marcher sur un clavier d'ordinateur ou de piano, griffer des canapés, mettre à sac une partie de dominos, vous frotter contre les jambes de certains robots (et faire alors apparaître un cœur sur leur tête-écran) et en faire chuter d'autres en passant dans leurs jambes alors qu'ils se déplaçaient tranquillement. Même le sommeil, qui reste l’activité principale des chats, a été intégré dans le jeu. Il est en effet possible de se reposer à différents endroits, qu'on pourrait qualifier de points de méditation. Et ce n'est pas seulement un gimmick, puisque le champ de la caméra s'élargit alors lentement, nous donnant ainsi une meilleure compréhension de l'architecture locale, voire quelques indices pour résoudre les quêtes en cours. Il y a en effet plusieurs missions à remplir durant l'aventure, la principale consistant naturellement à s'échapper de la ville. Mais le jeu fait confiance à l'intelligence du joueur et ne lui impose ni journal de quêtes, ni marqueurs de PNJ, ni GPS. Il n'y a même pas de map à se mettre sous les crocs, et c'est tant mieux ! L'exploration du monde et les interactions avec les robots n'en deviennent que plus naturelles. Chaque moment où l'on se perd est une occasion gagnée d'admirer les décors ou de découvrir de nouveaux raccourcis. Alors que certains développeurs auraient certainement utilisé le prétexte du chat pour nous servir un sixième sens façon "vision détective", BlueTwelve Studio ne trahit jamais le nom du jeu et nous laisse vraiment errer à notre guise. Incarner un chat offre d'ailleurs un point de vue intéressant et des perspectives de caméra assez inédites, notamment lors des interactions avec les Compagnons, qui paraissent forcément "géants".
CHAT PERCHÉ
Si une bonne partie de l'aventure consiste naturellement à explorer le monde, notamment en sautant sur les gouttières, extractions de climatisations et autres bordures de toits, Stray propose tout de même plusieurs mécaniques de jeu annexes. Au début de l'aventure, on est ainsi amenés à résoudre quelques énigmes très simples, en transportant entre nos dents des petits objets, ou en marchant à l'intérieur de bidons vides afin de les déplacer. On se dit alors que le jeu risque de rapidement tourner en rond, mais l'univers Cyberpunk vient heureusement à la rescousse du gameplay. La technologie futuriste autorise quelques fantaisies bienvenues, sans que le délire soit jamais poussé trop loin, ce qui aurait pu rapidement rentrer en dissonance avec le fait d'incarner un simple chat. Un bon équilibre a été trouvé grâce à B-12, un drone fort sympathique qui permet au matou de comprendre les dialogues des robots, qui lui traduit certaines inscriptions, et qui, contrairement à notre compagnon à quatre pattes, peut pirater les serrures des portes ou entrer des digicodes. Il y a même quelques ennemis à éviter dans un premier temps, puis à affronter ensuite. Appelées Zurks, ces drôles de bestioles sont situées à mi-chemin entre les tardigrades de notre monde réel et les crabes de tête d'Half-Life. A plusieurs reprises Stray nous a d'ailleurs rappelé les meilleurs productions de Valve, Half-Life et Portal en tête, que ce soit dans le choix des couleurs ou l'atmosphère générale. Autant dire qu'on s'y particulièrement bien, et que le coup d'essai de BlueTwelve Studio se transforme en véritable coup de maître.
PETITS COUPS DE GRIFFES DANS LE CONTRAT
Est-ce à dire qu'on tient là le jeu du siècle ? Pas loin, pas loin… mais pas tout à fait quand même ! Nous avons ainsi deux reproches majeurs à formuler à l'aventure, histoire de justifier l'adage "qui aime bien châtie bien". Le premier concerne le fonctionnement des sauts, qui ne nous laissent pas autant de liberté qu'on le souhaiterait puisqu'il n'est possible de sauter que sur les plateformes qui sont prévues pour. Celles-ci sont extrêmement nombreuses, certes, mais il faut tout de même les viser et attendre l'affichage d'une icône nous confirmant qu'il est possible d'y accéder. Nous aurions préféré pouvoir réaliser des bons à volonté, y compris de manière "inutile". L'autre souci provient du déroulement de certaines quêtes, que nous avons effectuées "à l'envers". Certaines actions peuvent ainsi être réalisées sans vraiment savoir pourquoi (alors qu'elles font sens dans le cadre de la mission dont on prend connaissance par la suite), tandis qu'il peut arriver de ramener à un PNJ un objet avant même qu'il ne nous l'ait demandé. Par ailleurs, et de manière nettement plus anecdotique, nous avons pu observer à de rares occasions quelques soucis de collisions ou de placement de caméra. La durée de vie nous a quant à elle laissés un peu sur notre faim, puisqu'il est possible de voir le bout de l'aventure en moins de cinq heures si on décide d'ignorer les requêtes annexes des robots et ne réaliser que le nécessaire, tandis que six heures suffisent pour découvrir absolument tout ce qu'il y a à faire et à voir dans le jeu. Au moins Stray évite ainsi de lasser les joueurs, qui en garderont au final d'excellents souvenirs.