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Persona 4, malgré sa localisation qui détruit tout espoir pour les anglophobes, est un titre à essayer, ne serait-ce que pour son ambiance si particulière et ses excellentes idées de gameplay. Parfaitement carré tout en défrichant des zones vidéoludiques encore vierges, le soft d'Atlus réussit le pari d'être profondément original sans être inaccessible. Certes la difficulté globale et la réalisation datée en arrêteront plus d'un, mais il serait dommage de passer à côté du dernier grand RPG de la PS2 sans l'avoir un tantinet effleuré. Espérons qu'Atlus garde cette force lors d'un prochain passage sur PS3 et 360.
- Une esthétique étonnante de qualité et très moderne
- Un scénario passionnant
- Un système de combat carré et intéressant
- La juxtaposition réalité/monde parallèle prenante
- Un propos très intelligent
- Musicalement étonnant et réussi
- Un chara-design encore une fois de haute tenue
- Le prix
- Une difficulté parfois rédhibitoire
- Le côté Dungeon-RPG redondant
- Une réalisation en retard de quatre ans
- Tout en anglais
Tout commence par votre arrivée dans une petite ville nommée Inaba, où vous êtes confié à votre oncle par vos parents afin de passer une année scolaire dans l'université de Yasogami. Sortant tout droit des rues de l'une des grandes cités du pays, vous vous retrouvez quelque peu livré à vous-même dans une bourgade où l'unique activité des adolescents est de traîner dans un gigantesque centre commercial du nom de Junes. Au rythme des jours passés en classe, vous découvrez quelques personnes susceptibles de passer du temps avec vous, afin de ne pas continuellement stagner chez votre oncle Ryotaro Dojima, enquêteur de son état et sa toute jeune fille Nanako. C'est à ce moment précis qu'une série de meurtres horribles va être commis, chaque corps étant retrouvé dans des positions inhabituelles, laissant la police locale plus que perplexe. Une rumeur se répand alors, indiquant que si l'on se trouve devant sa télévision un soir de pluie, à minuit pile, il est possible d'apercevoir dans son reflet l'image de celui ou celle qui partagera notre vie. Mais rapidement, le personnage principal, que vous devrez par ailleurs nommer par souci d'immersion, et ses amis se rendent compte que plus qu'un vulgaire reflet, c'est bel et bien un univers parallèle particulièrement malsain qui se cache derrière le tube cathodique. Et ce n'est pas votre âme-soeur qui y apparaît, mais les futures victimes de celui "qui entraîne les gens par delà l'écran". Des premiers instants tenant totalement du thriller technologique/légende urbaine à la RING, qui ne vont cesser d'évoluer et de dévoiler un scénario terriblement accrocheur. Mais plus que la peur de la mort, c'est la force de la vie qui sous-tend Persona 4.
Génération consommation
Dépeignant un contexte très actuel, le titre se déroulant en 2011, Persona 4 met l'accent sur les dérives d'une jeunesse japonaise en manque de repères et ne pouvant que difficilement s'extraire des conventions de la société. Le fait d'inclure la télévision comme passage dans un monde sans doute plus difficile nerveusement mais plus aisé au niveau de la définition de soi-même n'y est pas étranger. Il faut un exutoire, un déclencheur chez ces jeunes absorbés par un trop plein de possibilités, par une existence un tantinet factice et qui ferme les yeux sur leurs problèmes. Car dans Persona 4, le monde derrière l'écran n'est en fait qu'un miroir, un univers où l'on se rencontre tel que l'on est, où l'on découvre une face de soi que l'on ne peut accepter parce qu'elle ne rentre pas dans le moule des relations sociales. Et si l'un des prisonniers de cette dimension rejette cette part plus ou moins sombre, tout du moins étonnante de lui-même, c'est la mort qui l'attend. En effet, les Shadows ne feront qu'une bouché de lui et de son âme. C'est donc en tant que sauveurs, en tant que porteurs de la bonne parole que votre équipe va s'immiscer toujours plus profondément dans cet enfer télévisuel afin de découvrir qui met à mal la population d'Inaba. Un parti pris scénaristique très intelligent, qui brasse énormément de thèmes difficiles et rarement abordés dans le jeu vidéo, comme les complexes d'infériorités, la rudesse d'autrui face à l'homosexualité ou encore l'égoïsme d'une trop grande sympathie. Chaque cas, sans sombrer dans le tragique, est un monument de finesse psychologique, touchant souvent très juste et laissant le joueur face à des réflexions importantes. Certes le jeu vidéo est à vocation divertissante, mais devant une telle matière, on se rend encore plus compte qu'il peut pousser à se poser des questions saines tout en amusant.
Dépeignant un contexte très actuel, le titre se déroulant en 2011, Persona 4 met l'accent sur les dérives d'une jeunesse japonaise en manque de repères et ne pouvant que difficilement s'extraire des conventions de la société."
Justement, il est étonnant de passer davantage de temps à nouer des liens sociaux et à tenter de se sortir la tête du quotidien qu'à écumer les donjons au creux des écrans de télé. L'intérêt de ces excès d'amitié et de recherche d'occupations au sein de clubs divers et variés n'est néanmoins pas uniquement désintéressé. En effet, chacun des personnages importants du soft, possède un Persona. Cette espèce de créature mystique confère des pouvoirs particuliers en rapport avec un élément et permet aux jeunes héros d'affronter les habitants belliqueux du monde de la télé. L'individu que vous incarnez, lui, peut invoquer plusieurs de ces monstres alliés et possède également la capacité de les fusionner pour en obtenir de nouveaux. Devenant de plus en plus nombreuses au fil de la montée en puissance du héros, ces fusions dépendent pour beaucoup des liens entretenus avec ses amis et connaissances. La moindre personne est effectivement détentrice d'un symbole que vous pouvez renforcer en approfondissant la relation qui vous unit. Plus vous serez intimes avec un personnage affichant le signe de la Justice par exemple et plus les fusions aboutissant à un Persona de type Justice bénéficieront de bonus de statistiques et de points d'expérience. Il va de soi qu'entre vos cours, vos activités extra-scolaires et vos sorties entre amis, vous serez obligé de privilégier certaines de vos connaissances et que par logique vous laisserez passer une partie de vos rencontres possibles. A vous également d'être régulier dans vos occupations afin d'obtenir des bonus de connaissance, d'éloquence, etc. indispensables à l'agrandissement de votre cercle amical. Rares sont les jeux à encourager le lien social, comme vecteur indispensable à une compréhension de soi-même.
Ce qui tue ne rend pas plus fort
Allant toujours plus loin dans la réalité, Persona 4 vous demande même de suivre la météo comme indicateur de vos prochaines actions. L'arrivée du brouillard signifiant la perte pure et simple de la personne engluée dans le monde parallèle. A vous de bien choisir vos actions donc avant l'issue fatale, le titre se révélant extrêmement non linéaire à ce sujet. En effet, chacune de vos actions effectuées après les cours vous amènera directement au soir, durant lequel vous ne pouvez rien faire d'autre que vous coucher ou étudier. Il n'appartient qu'à vous donc d'organiser votre temps, sachant que la brume effectue des cycles assez réguliers d'environ deux semaines. Libre à vous donc de préférer faire du leveling dans les lieux déjà traversés au sein de la télévision, de cultiver votre amitié avec un Yosuke déluré, d'aller réconforter Yumi Ozawa, ou encore d'aller vous entraîner avec Kou Ichijo. Mais la montre joue contre vous et la vérification du temps du lendemain sur la chaîne météo deviendra rapidement votre obsession principale. Ce basculement ininterrompu entre la réalité de tous les jours teintée d'humour et de moments plus ou moins pénibles et les phases bien plus sombres ancrées dans l'univers parallèle donnent à Persona 4 un "tempo" très particulier, toutefois très rarement poussif. Les quatre premières heures mises à part, le titre d'Atlus est un petit bijou de rythme sachant habilement diversifier vos possibilités au bon moment, vous empêchant de sombrer dans l'ennui entre deux phases de sauvetage. Et cela sans compter les fusions de Persona, qui dépendent elles aussi du temps ambiant et qui vous demanderont de longues heures de tentatives plus ou moins fructueuses pour arriver à vos fins. Et c'est dans la maîtrise de toutes ces composantes que vous trouverez la clé parvenant de passer outre une difficulté assez appuyée.
...le titre d'Atlus est un petit bijou de rythme sachant habilement diversifier vos possibilités au bon moment, vous empêchant de sombrer dans l'ennui entre deux phases de sauvetage."
Basé sur le principe des faiblesses élémentaires, que les habitués de Persona 3, voire de la saga Shin Megami Tensei connaissent bien, le système de combat de Persona 4 se montre tout aussi impitoyable que d'habitude. Dans les faits, il est impératif de découvrir rapidement à quel élément sont sensibles vos opposants, afin d'en tirer un net avantage. En effet, si vous parvenez à déstabiliser un ennemi par l'utilisation de la bonne attaque, vous gagnez un tour d'action, ce qui est loin d'être négligeable, notamment contre les boss particulièrement retors du jeu. Dans le même ordre d'idée, si vous arrivez à toucher le point faible de l'ensemble des monstres présents à l'écran, ces derniers se retrouveront à terre sans défense et vous pourrez déclencher une attaque groupée d'une redoutable efficacité. D'où l'utilité de posséder des Persona d'affinités diverses, afin de parer à n'importe quelle situation. Toutefois, une petite nouveauté rend les affrontements de ce Persona 4 un tantinet plus abordables que ceux de son aîné, à savoir la possibilité de contrôler totalement ses équipiers si l'envie vous en dit. Il est pour le coup bien plus simple de construire des stratégies et surtout de résister aux assauts incessants des monstres, plus ou moins puissants selon leur taille.
Effets personnels
Si Persona 4 n'est pas vraiment le jeu rêvé à présenter à un novice en la matière, la rareté des points de sauvegarde durant les explorations des divers donjons qui plus est aléatoires en refroidira plus d'un, le fait de voir déambuler les adversaires est tout de même un plus. A contrario d'un Digital Devil Saga aux affrontements aléatoires proche de la folie, le dernier soft d'Atlus vous donne l'occasion de vous préparer avant chaque rixe, voire même de prendre l'avantage si vous parvenez à prendre votre ennemi par surprise par le biais d'un léger coup de sabre dans son dos. Plutôt dynamiques, les combats sont fidèles à ceux de Persona 3 et se déroulent donc en tour par tour, contenant toujours la possibilité de passer à la vitesse supérieure en actionnant un mode d'assaut "automatique" poussant chacun de vos personnages à attaquer sans passer par le menu de commande. A noter tout de même une petite subtilité dans la progression, il vous sera bien plus facile d'effectuer un donjon en deux fois, quitte à revenir vous y entraîner durant la semaine, que de tenter de le terminer d'une traite. Acte qui relève souvent du suicide tant les capacités des ennemis peuvent être multipliées d'un étage à un autre. Persona 4 est un bel et bien un Dungeon-RPG et répond donc aux principes de base du genre, à savoir un aspect survie ici bien mis en valeur et une certaine redondance dans l'exploration. Malgré tout, par l'intelligence de ses combats, le titre remise sereinement en coulisses ces quelques "défauts" inhérents au genre. Reste que si vos anciennes expériences dans le domaine n'ont pas été des plus amusantes, il vous sera difficile d'accrocher totalement au concept.
Persona 4 est typiquement le genre de RPG novateur et intelligent qui manque cruellement sur les consoles plus récentes comme la PS3 et la Xbox 360."
Persona 4 est typiquement le genre de RPG novateur et intelligent qui manque cruellement sur les consoles plus récentes comme la PS3 et la Xbox 360. Sujet à polémique en raison de sa difficulté, de sa réalisation datée et de ses sujets relativement durs, le titre d'Atlus est pourtant l'un des RPG les plus passionnants qui aient vu le jour ces dernières années. Riche, doté d'un design fantastique à la fois hype et rétro, vecteur de réflexions profondes sans élitisme, ludiquement prenant et original jusqu'au bout des ongles, Persona 4 est simplement handicapé par une localisation assez honteuse et des parti-pris arides qui laisseront les nouveaux-venus sur le côté. Mais devant une telle réussite globale, sans pour autant synonyme de débauche de moyens financiers conséquents, bien au contraire, il est difficile de regarder les récentes productions de Square-Enix en face sans esquisser un sourire. Il est certain que Persona 4 va passer inaperçu, mais en regardant bien au fond de votre téléviseur, vous pourrez apercevoir une petite lueur qui vacille. C'est la flamme encore brûlante d'un titre qui marque sa génération. Et elle n'apparaît pas souvent. Rendez-vous à minuit.