Test Pentiment : pari réussi pour l'exclu Microsoft inspirée par Le Nom de la Rose
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Presque radical dans sa proposition, Pentiment tire les joueurs vers le haut en leur imposant une atmosphère drastiquement médiévale et religieuse, sur le fond comme sur la forme. Et il fait bien, car ce contexte particulier est réellement plaisant et dépaysant. Il faut faire de réels efforts si l'on souhaite réellement assimiler tous les détails historiques, mais cela reste heureusement optionnel. L'enquête en elle-même, le gameplay qui mêle habilement éléments de RPG et de jeux d'aventure, et les choix qui ont de réelles conséquences forment déjà un tout réellement enthousiasmant. Mais la perfection est tout de même loin d'être atteinte, puisque la production d'Obsidian s'emmêle parfois les pinceaux dans le déroulement de certaines séquences, ou même dans la traduction française de certains dialogues. Si quelques défauts objectifs sont donc bien présents, ils n'entravent en rien la capacité du jeu à sortir du lot et à nous offrir des moments uniques. De plus, certaines de ces scories pourraient bien être rapidement corrigées par un patch. Dans tous les cas n'hésitez pas à plonger dans ce singulier Pentiment, surtout si vous avez accès au Game Pass puisque vous pourrez alors en profiter sans dépenser un seul écu supplémentaire.
- Un contexte médiéval et religieux souvent passionnant
- Des dizaines de personnages à découvrir
- Une composante temporelle qui oblige à faire des choix
- Une direction artistique qui fonctionne parfaitement
- Des décisions qui ont des conséquences réelles et importantes
- Un contexte médiéval et religieux parfois assommant
- Des dizaines de personnages à retenir
- Une composante temporelle qui peut frustrer
- Quelques problèmes de scripts et de dialogues
- La traduction française qui se relâche vers la fin du jeu
Si Obsidian Entertainment est habitué aux gros RPG (Neverwinter Nights 2, Fallout New Vegas, Pillars of Eternity, The Outer Worlds, le futur Avowed…), c'est une petite équipe de treize personnes seulement qui a développé Pentiment, un projet "annexe" récemment mis en lumière par Microsoft suite au rachat du studio californien. Investir et communiquer sur un jeu médiéval, religieux, bavard et doté d'une direction artistique aussi singulière était certainement un pari risqué. Il est remporté haut la main ou presque, car l'aventure n'arrive tout de même pas à atteindre la perfection.
Nous sommes en 1518, et l'artiste Andreas Maler est de passage dans la petite ville de Tassing, située en Bavière et faisant donc partie du Saint-Empire romain germanique. Notre héros travaille au scriptorium de l'abbaye locale et doit retourner bientôt à Nuremberg, où l'attendent sa promise et une fastueuse carrière. Mais alors qu'il passe ses journées sur son pupitre à travailler sur différentes illustrations, le meurtre d'un baron vient bouleverser ses plans et le quotidien des habitants. Ce contexte rappellera forcément aux cinéphiles Le Nom de la Rose, et il fonctionne d'ailleurs aussi bien que dans le film de Jean-Jacques Annaud. Il faut dire que les développeurs d'Obsidian n'ont pas fait les choses à moitié et ont décidé de pousser au maximum l'ambiance médiévale, religieuse et littéraire, quitte à perturber voire rebuter certains joueurs. Si la perspective de lire des phrases telles que "l'Anglais Guillaume d'Ockham nous a livré le Summa totius logicae, mettant le nominalisme face au réalisme de Platon" vous rebute, il va vous falloir un petit temps d'adaptation avant de vous faire happer par le jeu, qui mise beaucoup sur ses très nombreux dialogues.
Heureusement, les développeurs ont tout prévu pour vous simplifier la tâche. D'une part, aucune connaissance historique n'est réellement nécessaire pour progresser dans l'enquête. Et d'autre part, le jeu multiplie les informations accessibles d'un simple clic. Ainsi, la plupart des noms propres historiques ou termes trop obscurs apparaissent soulignés dans les bulles de dialogue. Il suffit alors de cliquer dessus pour que l'écran de jeu se retrouve incrusté dans un vieux livre et que la définition des termes en question apparaissent dans les marges, très joliment illustrées au passage. Le procédé est élégant, pratique, et il s'inscrit dans une direction artistique radicale mais toujours cohérente. Les graphismes 2D semblent ainsi tirés d'enluminures de l'époque, tandis que la police d'écriture varie en fonction du niveau d'éducation de l'interlocuteur, allant de caractères assez simples jusqu'aux caractères d'imprimerie, en passant par des lettres gothiques. Des fautes volontaires sont même corrigées sous nos yeux par la plume virtuelle, dont on entend d'ailleurs le grattement en permanence.
LE NOM DE LA PROSE
Condensé sur une quinzaine d'heures et un unique village, Pentiment nous propose paradoxalement des dizaines et des dizaines d’interlocuteurs. Si cette profusion de personnages est globalement positive et bienvenue, elle peut également être source de confusion, car il est bien compliqué de retenir le patronyme, le visage et la fonction de tout le monde. A noter tout de même que le jeu reprend le système de définition à la demande évoqué plus haut, à ceci près qu'un clic sur un nom fictif affiche dans la marge un portrait de celui-ci, stimulant ainsi notre mémoire visuelle. Par ailleurs, un journal regroupe nos objectifs en cours, la carte du village, la liste des habitants, et un glossaire plus général. On y trouve même un onglet nommé "Ex-Libris", qui détaille la personnalité et le passé d'Andreas. Jeu de rôles oblige, ces éléments dépendent de vos réponses à certaines questions présentées en début d'aventure, mais également plus tard. Selon les caractéristiques retenues (hédoniste, rat de bibliothèque ou vaurien ; latiniste, logicien ou occultiste ; ayant passé sa jeunesse en Flandre ou en Italie, etc.), le héros aura accès à différents dialogues et sera capable, ou non, de comprendre certaines écritures en latin ou en français par exemple.
Chaque journée est divisée en différentes périodes, et parler à tel personnage, espionner tel autre, ou réaliser telle action occupera parfois toute une section temporelle, vous empêchant ainsi d'explorer d'autres pistes. Sachant que les objectifs majeurs doivent être réalisés avant une date et une heure données, il faut là encore faire des choix souvent draconiens.
Précisons d'ailleurs que l'aspect RPG du jeu ne se traduit absolument pas par de quelconques combats ou points d'expérience, mais par des dialogues abondants, riches et qui ouvrent différentes voies. Nous préférons vous en dévoiler le moins possible sur le scénario, qui réserve son lot de surprises, mais sachez que certains de vos choix auront des conséquences importantes (lorsqu'il s'agira plus tard de convaincre quelqu'un de faire quelque chose) et parfois réellement majeures. Si quelques énigmes relativement rares viennent également égayer le gameplay, la principale difficulté de l'aventure réside dans son aspect temporel. Chaque journée est divisée en différentes périodes, et parler à tel personnage, espionner tel autre, ou réaliser telle action occupera parfois toute une section temporelle, vous empêchant ainsi d'explorer d'autres pistes. Sachant que les objectifs majeurs doivent être réalisés avant une date et une heure données, il faut là encore faire des choix souvent draconiens. Cela peut même s'avérer frustrant par moments, surtout que la fin du jeu ne répondra pas à toutes vos questions. Plus précisément, elle ne vous dira pas si certains de vos choix les plus importants auront été les bons ou pas. Encore une fois, nous préférons rester dans le flou afin de ne rien divulgâcher. Mais les plus gros écueils du jeu proviennent en réalité de soucis qu'on ne s'attendait absolument pas à trouver dans une production Obsidian, le studio étant habitué à manier des embranchements bien plus nombreux qu'ici.
"ET ON LUI PÈLERA LE JONC..."
A plusieurs reprises nous avons assisté à des scènes mal placées, les scripts ne tenant pas compte correctement de notre avancée. Ici on nous a parlé d'un personnage comme s'il était encore vivant alors que sa mort avait déjà eu lieu. Et là, notre héros s'est mis à parler d'un livre et de son contenu, alors qu'en réalité nous n'avions pas encore déniché l'ouvrage en question. De mémoire, nous avons rencontré quatre ou cinq fois des problèmes de ce type. Une quantité supportable, voire acceptable, mais qui brise tout de même un peu trop souvent l'immersion. De plus, la traduction française quasiment irréprochable les deux tiers de l'aventure se met soudainement à dérailler dans le troisième acte. Phrase en anglais non traduite, mélange de vouvoiement et tutoiement dans une même conversation, et personnage masculin s'exprimant au féminin ("je suis désolée", "je pensais que j'étais devenue folle"…) s'invitent ainsi à la fête, et la gâchent donc un peu. Si jamais un patch venait à régler ces problèmes dans les jours à venir, n'hésitez pas à rajouter un point voire deux à la note finale, car Pentiment a l'immense mérite de réellement sortir du lot.