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Mirror's Edge n'est pas la tuerie que tout le monde espérait, mais présente de sérieuses qualités qui font de lui un incontournable de cette fin d'année. Si son originalité remarquable est le principal atout sur lequel peut se reposer le titre de DICE, c'est surtout sa prise en main qui rend grisante chacune des acrobaties que l'on exécute avec une facilité déconcertante. En vue subjective, il fallait vraiment le faire. Le style épuré de la réalisation colle parfaitement à l'esprit du jeu, même si le level design ne fait pas preuve d'une imagination sans borne. La ressemblance des niveaux est l'un des principaux reproches que l'on peut faire à Mirror's Edge, et constitue sans doute un excellent point de départ sur lequel peuvent d’ores et déjà se pencher les développeurs pour les deux prochains épisodes. Si la durée de vie du jeu est relativement faiblarde, on pourra toujours se réfugier dans les différents parcours à achever en un minimum de temps, promis, ça calme bien. Ce n’est pas une affaire de hype, ni même de hip ou de hop, mais Mirror’s Edge parvient sans peine à convaincre dans un genre dont il est le précurseur. Pour toujours.
- La réalisation et son style épuré
- Du challenge à revendre
- Prise en main intuitive
- Courses-poursuites grisantes
- Le sens de l'observation
- Ca saute de partout
- Original
- Le mode Time Trial
- La BO par Lisa Miskovsky
- Scripté
- Pas assez long
- Des niveaux qui se ressemblent
- Aucun personnage charismatique
- La fin bâclée
Au terme des sept heures de jeu que nous venons de passer en compagnie de Faith dans Mirror's Edge, le doute n'est plus permis : il s'agit bel et bien du titre le plus ambitieux et le plus original de 2008. Même si Gears of War 2 a giflé pas mal de gueules il y a une dizaine de jours maintenant, l'oeuvre d'Epic Games pouvait difficilement se planter avec une recette largement éprouvée dans le premier opus, un luxe que, naturellement, ne pouvaient pas se payer les développeurs de DICE avec leur Yamakasi. Une prise de risque énorme donc pour un Mirror's Edge qui se trouve quasiment dans la même situation qu'Assassin's Creed en 2007, à savoir répondre aux attentes des joueurs qui n'ont cessé de croître au fil des vidéos promotionnelles distribuées par Electronic Arts. On peut s'attendre à ce que Faith fasse elle aussi l'objet d'une controverse, mais c'est le prix à payer lorsque l'on est le porte-étendard d'un nouveau genre où le vertige est votre pire ennemi.
L'histoire de Mirror's Edge se déroule dans un futur proche, où la majeure partie de la population a décidé de renoncer à ses libertés individuelles pour accéder à un mode de vie plus confortable. Nul besoin d'entrer dans les détails : l’univers dépeint ici est celle d’une communauté soumise à un régime totalitaire, avec des habitants contraints d'adhérer à une seule et même idéologie, sous peine d'être sévèrement punis par le pouvoir actuel. Les moyens de communication ont ainsi été placés sous le contrôle d'organismes privés chargés de surveiller chaque fait et geste des individus, afin de réduire infiniment les risques de rébellion. Ce système politique basé sur la répression n'a pas empêché la naissance de quelques cellules d'insubordonnés, qui correspondent entre elles grâce aux runners, des messagers aux compétences physiques au-dessus de la moyenne capables de transmettre les informations sans se faire repérer par les forces de l'ordre. Sans trop en dire sur le scénario de Mirror's Edge, Faith, l'héroïne du jeu, va devoir regrouper suffisamment d'indices pour prouver l'innocence de sa soeur Kate dans le crime de Robert Pope, dont la cote de popularité n'était de toute façon pas aussi forte que celle de Barack Obama. L'un des principaux défauts de Mirror's Edge est de n'imposer aucun personnage charismatique, du début à la fin, alors qu'il y avait sans doute matière à. Même si l'on s'y attendait un peu, Faith se révèle en effet beaucoup trop lisse, beaucoup trop naïve, beaucoup trop fragile pour convaincre dans son rôle de justicière qui saute de toits en toits. Les seconds rôles ne parviennent pas non plus à tirer leur épingle du jeu, au point que l'on décroche par moments puisque le titre ne s'attarde vraiment sur aucun des protagonistes. Si les scénaristes de DICE souhaitent faire de Mirror's Edge une trilogie aux reins solides, ils devront donc offrir des backgrounds beaucoup plus fouillés dans les deux prochains chapitres pour éviter de sauter pour sauter.
Effet miroir
Même si elle ne recale pas nécessairement les quelques détails qui tentent leur chance, la réalisation de Mirror's Edge adopte un style très épuré pour favoriser l'immersion. On est même dans le très design, le genre d'argument susceptible de convaincre ceux qui vouent un culte sans limite à Ikea et ses jumeaux. Les buildings sont tracés à la règle, les courbes au compas, ce qui donne parfois la sensation d'être en plein cours d'arts plastiques. Non pas que les graphismes de Mirror's Edge baignent dans le scolaire, mais les grumeaux et les salissures ont déjà démontré par le passé qu'ils avaient eux aussi du charme. Les horizons sont en tout cas magnifiques, ce qui intensifie grandement l'impression de profondeur franchement renversant, surtout dans les deux derniers niveaux. L'oeuvre de DICE s'attache surtout à multiplier les points d'accroche à l'écran (échafaudages, palettes, tuyaux, poutres...) pour contraindre le joueur à exploiter au maximum sa verticalité. La plastique de Mirror's Edge est vraiment une incitation à l'observation de tous les instants, surtout lorsque l'on ne triche pas avec le Sens Urbain qui surligne en rouge les éléments du décor sur lesquels Faith peut s'appuyer. L'aspect visuel du jeu ne flirte pas pour autant avec la perfection, puisque les intérieurs manquent cruellement de textures pour prendre le temps d'admirer les couloirs. L'animation des ennemis ne fait pas dans la fluidité absolue, et certains combats rapprochés mettent en exergue des attaques saccadées. Là où le jeu dispose également d'une marge de progression visuelle, c'est dans la richesse de ses environnements qui, au final, se ressemblent tous. Mis à part le passage dans le métro qui n'est pourtant pas spectaculaire, il est difficile de mettre en avant un moment mémorable dans Mirror's Edge, puisque le jeu évolue sur le même rythme artistique tout au long de l'aventure. Même les missions en nocturne ne claquent pas la rétine, sans doute un point sur lequel les développeurs pourront se pencher à l'avenir.
La plastique de Mirror's Edge est vraiment une incitation à l'observation de tous les instants, surtout lorsque l'on ne triche pas avec le Sens Urbain qui surligne en rouge les éléments du décor sur lesquels Faith peut s'appuyer."
Là où Mirror's Edge fait fort par contre, c'est au niveau de sa prise en main qui ne donne pas la gerbe, soyons clairs. Pas de tutorial en acier à suivre ici, juste un petit entraînement imposé par Celeste qui reprend finalement la démo du jeu disponible en téléchargement sur le Xbox Live et le PlayStation Network. Les commandes sont idéalement réparties, ce qui permet de rendre le jeu archi-intuitif. Il y a bien une ou deux hésitations dans les moments de stress naturellement, mais les occasions de se mélanger les pinceaux dans le jeu demeurent rares. Les mouvements s'enchaînent avec une fluidité déconcertante, si bien que l'on se met à croire à l'impossible en tentant des sauts d'une cinquantaine de mètres sur du béton. C'est surtout le cas lorsque l'on se fait poursuivre par des flics armés jusqu'aux dents, ce qui fait prendre à Mirror's Edge des allures de First Person Racing Shooter, avec un point de chute à atteindre pour passer à la séquence suivante. Une tâche plutôt évidente sur le papier, mais nettement plus difficile à appliquer une fois sur le terrain, ce qui explique sans doute pourquoi les joueurs auront tendance à tapoter B dans les moments de panique, pour se voir indiquer la marche à suivre. Mais même avec une telle aide entre les mains, il faudra faire preuve d'ingéniosité et d'imagination pour passer à travers chacune des rambardes, marcher sur les murs, et s'agripper aux corniches. Dans le même état d'esprit, les développeurs de DICE ont fait en sorte de limiter l'abus de Sens Urbain puisque stages ne mettront pas forcément en évidence les bordures sur lesquelles pourra s'accrocher Faith. Mirror's Edge s'assure ainsi une durée de vie honnête pour ce type de jeu - environ 7 heures en difficulté "Normal" -, et évite également de sombrer dans le trop linéaire contrairement à ce que l'on aurait pu croire. Les aventures de Faith ne mettront personne à genoux, c'est vrai, mais les revers s'empilent à la vitesse de la lumière dans ici.
Messager des temps modernes
La progression par l'échec renvoie aux jeux old school qui bouffaient des poignées de vies avant de se laisser maîtriser. On se retrouve dans le même cas de figure avec Mirror's Edge, à la seule différence que l'on peut se laisser crever sans se soucier du nombre de coeurs qui restent dans la besace. Certains sauts sont vraiment tendus à exécuter, d'autant plus que le jeu prend en considération la notion d'élan. Plus concrètement, Faith aura beaucoup plus de facilité à franchir un mur avec quelques pas supplémentaires qu'en se plaçant immédiatement au pied du mur. Idem pour la longueur des sauts qui nécessite une prise d'appui millimétrée pour ne pas s'écraser au sol. Alors oui, on pourra toujours reprocher à Mirror's Edge d'être intolérant quant au droit à l'erreur, mais était-il possible d'aborder le problème autrement ? Donner la main au joueur à chaque jump reviendrait à éliminer tout ce qui représente la quintessence même du jeu ; et le Sens Urbain le donne déjà ce sacré coup de main. Et puis, il ne fallait pas s'attendre non plus à venir à bout du jeu d'une seule traite, sans tomber, sans trébucher. En cas de désespoir, il est toujours autorisé d'emprunter un autre chemin ; ce ne sont pas des paroles en l'air. A l'instar d'un Splinter Cell, le joueur a le choix entre plusieurs chemins pour atteindre le même objectif. La théorie ne s'applique pas à chaque fois, mais il est assez amusant de voir que l'on sélectionne - inconsciemment - la méthode la plus compliquée en se tordant les doigts sur la manette, à tous les coups. Terminer Mirror's Edge une première fois permet d'accéder à un troisième niveau de difficulté qui supprime d'entrée de jeu le Sens Urbain, mais renforce également l'acuité des ennemis, leur robustesse, et la gravité des blessures. Car même s'il est essentiellement question d'esquive avec DICE, Faith peut tout aussi bien sortir les crocs lorsque la situation l'exige, avec des combats à mains nues et des gunfights qui s'intègrent plutôt bien.
A l'instar d'un Splinter Cell, le joueur a le choix entre plusieurs chemins pour atteindre le même objectif. La théorie ne s'applique pas à chaque fois, mais il est assez amusant de voir que l'on sélectionne - inconsciemment - la méthode la plus compliquée en se tordant les doigts sur la manette, à tous les coups."
Mirror's Edge n'est pas à confondre avec un FPS pur et dur - Battlefield : Bad Company au hasard - et introduit les fusillades d'une tout autre façon. Munie d'une santé de nouveau-né, Faith a tout intérêt à courir plus vite que les balles pour ne pas se faire coller un headshot au sniper. Le combat à proprement parler apparaît donc comme l'ultime recours dans Mirror's Edge, et les premières tentatives sont assez explicites à ce niveau là. Deux droites bien placées suffisent à envoyer la petite dans le coma, et à peine trois cartouches sont nécessaires pour retrouver l'ambiance gunbarrel des James Bond. Par ailleurs, il faudra de longues secondes à Faith pour reprendre ses esprits et panser ses blessures, un détail qui a son importance lorsque l'on est dans l'urgence. Au corps à corps, on pourra toujours essayer de caloter l'adversaire avec quelques crochets, mais c'est le désarmement qui se montrera le plus efficace finalement. Cela se passe via un pseudo-QTE en gros, pendant lequel il faudra attendre que l'arme du bandit clignote en rouge pour presser Y / Triangle, et exécuter ainsi une projection neutralisante. Classe. Ce qui l'est un peu moins par contre, c'est que l'on ne peut compter que sur les munitions qui se trouvent dans le chargeur du moment pour se défendre. Frustrant et excitant à la fois en fait. Il ne faudra pas chercher l'exploit dans l'I.A. en tout cas, les soldats se positionnent strictement de la même façon, et il reviendra au joueur de choisir lequel éliminer le premier pour poursuivre sa route. Si les affrontements directs sont facultatifs au départ, ils deviennent obligatoires par la suite, ce qui fait singulièrement grimper le nombre d'échecs et le taux de frustration. Vous voilà prévenus. Enfin, comment ne pas évoquer le thème principal de Mirror's Edge interprété par Lisa Miskovsky, ainsi que l'ambiance sonore du jeu en général qui est de bonne facture. Du bon travail qui rattrape un état de Grâce (Faith peut ralentir le temps pour mieux attaquer ses ennemis) anecdotique.