Test Metal Gear Solid 5 The Phantom Pain sur PS4 et Xbox One sur X360
19 20
- Un Metal Gear Solid fabuleux...
- ...et le meilleur jeu d'infiltration à ce jour
- Une expérience viscérale
- Un scénario puissant et inattendu
- Une mise en scène virtuose
- Un gameplay quasi-parfait et une narration en conséquence
- Colossal niveau contenu
- Un niveau visuel et technique rarement atteint
- Permet aux débutants de s'initier à la série...
- … et aux fans d'obtenir une tonne d'informations
- Le système de Compagnons, bien pensé et bien équilibré
- L'open-world, des tonnes de possibilités pour envisager une mission
- La gestion addictive de la Mother Base
- Cette intro qui casse des bouches
- L'excellent Troy Baker en Ocelot !
- Le découpage de certaines missions et les "A suivre" qui en découlent...
- Un peu long à démarrer
- Quelques petites approximations visuelles et de traduction
- Le système de fast-travel pas vraiment mis en avant
- David Hayter... (snif, snif)
Voilà, Metal Gear Solid 5 : The Phantom Pain est terminé. Au moment de poser la manette, difficile de ne pas céder à une certaine forme de mélancolie devant la fin d'un jeu formidable voire même d'une série, qui sait. Mais c’est l’impression d’avoir gravi une montagne qui prédomine. A bout de souffle. Le genre d’expériences qui, comme je le disais plus haut, ne laissent pas le joueur intact. A la manière d’un certain Snake Eater par exemple. Pourtant, Hideo Kojima et son studio avaient toutes les raisons du monde de se gaufrer. Le passage presque forcé à un open-world beaucoup trop à la mode, le fait que le créateur de la saga ne voulait pas forcément de ce cinquième opus au départ, le lien qu’il est censé constituer entre les deux arcs narratifs de la série, la transition avec une nouvelle génération de machines jusque-là relativement décevante… Autant de pièges que le jeu est toutefois parvenu à déjouer avec brio. Metal Gear Solid 5 va même plus loin et achève la mutation de la saga entreprise avec Peace Walker.
RETOUR A LA CASE DÉPART
Faisons tout d'abord un petit arrêt pipi sur la case "Contexte" pour mieux encaisser la suite. L’action se déroule en 1984, soit neuf ans après l’attaque de Mother Base illustrée dans Ground Zeroes, le prologue du jeu commercialisé (hélas) l’année dernière. Big Boss, doublé par un Kiefer Sutherland pas franchement gênant mais pas non plus formidable, sort d’un long coma dans un mystérieux hôpital chypriote. Son organisation, Mercenaires Sans Frontières, a été détruite. Le héros de Groznyj Grad a perdu sa base. Ses hommes ont été décimés. Son corps est criblé de fragments d’os et de shrapnel. Et un de ses deux avant-bras a été arraché dans le crash de son hélicoptère. Il n’en reste pas moins un homme à abattre pour ses adversaires. Comme dans notre preview, on préférera rester approximatifs pour ne pas gâcher la découverte de la tonitruante scène d’ouverture, qui constitue définitivement un des meilleurs moments du jeu et un pivot scénaristique capital. Mais déjà le sens de la mise en scène de Kojima s’exprime pleinement, avec ces longs plans-séquences qu'on avait aperçus dans Ground Zeroes, et le FOX Engine donne un nouvel aperçu de son terrible potentiel.
CHIENS DE GUERRE
Snake est en vie donc, mais il n’est plus que le fantôme de la légende qu’il était. Oui, vous allez vite capter que Kojima ne choisit pas ses titres au hasard. Exfiltré vers l’Afghanistan par Ocelot (superbement interprété par Troy Baker), Big Boss va récupérer un Kaz Miller, lui aussi bien amoché, au beau milieu du conflit entre les forces soviétiques et les moudjahidines. Cette guérilla menée par les populations locales aux envahisseurs russes va servir de terreau au développement de leur nouvelle organisation militaire : les Diamond Dogs. Une organisation basée comme l’était Mercenaires Sans Frontières sur des idéaux de liberté, de volonté de paix, d’équilibre de l’ordre mondial mais dont les fondations portent aussi les terribles stigmates de la vengeance. C’est une des nombreuses thématiques abordées en profondeur par le jeu, notamment à travers le personnage de Kaz, tourmenté par la douleur fantôme (encore) de ses membres manquants et de ses camarades tombés.
Metal Gear Solid 5 se veut beaucoup moins linéaire et compact que ses prédécesseurs.
Le point de départ de Metal Gear Solid 5 est donc assez similaire à celui de Portable Ops ou Peace Walker, à savoir le développement d’une nouvelle Mother Base. De prime abord, la structure du jeu peut également paraître assez proche des opus PSP. On retrouve ainsi la division entre Missions Principales et Side Ops, les premières étant censées faire progresser l’intrigue comme autant d’épisodes d’une série TV. Mais on note rapidement plusieurs différences de taille. Tout d’abord, Metal Gear Solid 5 se veut beaucoup moins linéaire et compact que ses prédécesseurs, surtout une fois passée la dizaine d’heures de jeu. A partir de ce moment, le jeu vous laisse le choix entre plusieurs missions à accomplir, dans l’ordre que vous souhaitez. Plus variées qu'auparavant, moins scriptées, elles n'offrent que très rarement une seule façon de faire. Certaines feront avancer le scénario pour débloquer de nouveaux évènements et ainsi de suite. Mais par-dessus tout, vous êtes constamment aux commandes de Snake, pendant et entre les missions. Un trois-fois-rien qui change considérablement le rythme du jeu et de sa narration.
SON HISTOIRE, VOTRE EXPÉRIENCE
Loin de vouloir vous pousser à avancer sur le fil rouge scénaristique, Hideo Kojima vous laisse donc gérer votre progression. Les missions ? C’est à vous de les activer via l’iDroid de Snake, qui sert également de carte, de lecteur audio et permet de gérer sa base à distance. Vous pouvez donc très bien visiter votre Mother Base, rencontrer vos soldats, découvrir ses secrets. Puis par exemple monter dans un hélico pour explorer une des zones d'opération ou effectuer quelques Side Ops. Ceux qui attendaient donc un Metal Gear calqué sur le modèle des trois premiers épisodes, voire du quatrième, ont donc toutes leurs chances d’être surpris voire désarçonnés. Habitués à être guidés par la main experte de Kojima, ils sont ici progressivement lâchés dans la nature, dans un cadre plus large tout de même établi par le game designer. Exit par exemple les nombreux boss qui ponctuaient habituellement les épisodes de Metal Gear : ici cela ne se justifie pas. En résulte une structure narrative différente, déstabilisante par moments, parfois plus lâche, plus avare en cinématiques, mais pas moins intense pour autant. Kojima remet ainsi en valeur ces passages scénarisés en les distribuant plus raisonnablement jusqu'à la fin du jeu. Et il vous laisse écrire les lignes de votre histoire entre les lignes de la sienne. Un numéro d’équilibriste maîtrisé (et qui se reflète d’ailleurs parfaitement dans le dénouement de l'aventure). Il est toutefois à noter que ce changement a également un impact sur la façon d'apprécier le jeu, qui se déguste en fait sur le long terme plutôt qu'en un rush compact qui donnerait une fausse impression de répétitivité. Seul bémol à signaler : le découpage un peu WTF de certaines missions, qui se terminent sur un cliffangher barré d’un gros "A suivre" et vous renvoient dans l’hélico de commandement pour faire une mission annexe si l’envie vous prend. Merci pour l’immersion…
A PORTÉE DE TOUS ?
Ce changement dans la façon de raconter son histoire rend d’ailleurs Metal Gear Solid 5 beaucoup plus abordable que les autres opus pour les néophytes. En effet, ils ne devraient pas être submergés par l’omniprésence d’une histoire dont ils ne maîtrisent pas les tenants et les aboutissants, les dialogues détaillés ayant été essentiellement reportés vers les cassettes audio. Mais le jeu les incitera tout de même à mettre le pied à l’étrier et à découvrir les pièces qu’il leur manque dans le grand puzzle Metal Gear. Les fans quant à eux, pour peu qu’ils s’adaptent à cette nouvelle donne narrative, vont probablement vriller devant la tonne d’infos à disposition. C’est d’ailleurs une des grandes forces de ce nouvel épisode et une de ses grandes différences avec les autres : il laisse le choix au joueur de ce qu’il souhaite retenir du scénario. Il peut survoler l’histoire du jeu avec le strict nécessaire. A vrai dire c’est sacrilège, mais c’est faisable. Ou il peut creuser et réaliser à quel point le jeu est riche et foutrement détaillé, des dizaines de cassettes à débloquer aux témoignages des PNJ, en passant par les missions secondaires. Kojima Productions évite donc le piège du fan-service à outrance, celui qui avait fait tellement de tort à Guns of the Patriots en 2008. Et ce grâce à une histoire aussi monumentale qu’inattendue, qui ne s'auto-référence pas en permanence mais qui comporte tout de même son lot de moments forts. Difficile d’aller plus loin sans spoiler. Mais évoquer (en vrac) le cycle de la vengeance, le sentiment d’être incomplet, la place du langage dans la mondialisation et dans la culture humaine, l’utopie d’une paix impossible, les enfants soldats, la génétique avancée, tout ça avec une telle justesse de ton, en accord avec une double chronologie, celle de la saga et celle de l’Histoire : honnêtement, on se lève et on applaudit.
MONDE OUVERT NON, NIVEAU OUVERT OUI
Mais à l’heure qu’il est, je ne vous ai pas encore parlé de ce fameux gameplay open-world tant vanté pendant la promo du jeu, avant d’être relativisé par Kojima himself. Pour faire simple, le jeu propose deux grandes zones d’opération plutôt qu'un grand monde ouvert. L’une se situe donc en Afghanistan, au nord de Kaboul, au cœur d’un massif rocailleux et aride parsemé de villages abandonnés et de postes de contrôle soviétiques. L’autre, déblocable après une dizaine d’heures de jeu, se trouve en Afrique centrale, à la frontière entre l’Angola et l’ancien Zaïre ; un secteur où la savane jouxte la jungle tropicale. Le tout est animé par des cycles jour/nuit, un changement de météo qui amène la pluie ou des tempêtes de sable (chacun malheureusement endémique à une région), des mouvements de troupes et la faune locale. Deux environnements différents où l’œil attentif saura apercevoir le même travail exceptionnel des level designers pour déguiser de véritables niveaux de jeu, répondant à ses exigences de gameplay, en décors naturels. Au cœur de ces espaces ouverts, vous êtes totalement libre de vos mouvements. Libre de passer d’une mission à l’autre, d'une extraction de prisonnier en Side Ops à une attaque de convoi en Mission Principale, en passant par un peu de pillage pour votre base. Les déplacements seront donc nombreux et si vous n'êtes pas un grand marcheur, vous aurez tout intérêt à uiliser le système de fast-travel par livraison de cartons (mal présenté malheureusement au début du jeu). Et vous serez surtout libre surtout de choisir votre approche pour atteindre votre objectif.
Si le jeu ne récompense pas les bourrins, il offre néanmoins des moyens de réagir en cours de mission si les choses se gâtent.
Et c’est là que le monde "ouvert" sert le gameplay de Metal Gear : en ouvrant le champ des possibilités ; en proposant de multiples solutions à chaque problème. Passer par la fenêtre plutôt que par la porte, couper le courant des générateurs pour faire diversion, détruire les antennes relais pour isoler un poste de contrôle, attendre la nuit ou la relève de la garde grâce au Cigare Fantôme pour infiltrer un camp moins bien gardé, profiter d'une tempête de sable kidnapper un soldat au nez et à la barbe de ses collègues... La frustration ne se fait jamais vraiment sentir face à un quelconque manque d'opportunités. Le soutien aérien peut vous alimenter en munitions, en armes et même en véhicules voire même venir en renfort en cas de besoin. Et ceci participe notamment à un des points agréables de ce Metal Gear Solid 5, à savoir le changement de rythme en plein mission. Si le jeu ne récompense pas les bourrins, il offre néanmoins des moyens de réagir en cours de mission si les choses se gâtent. Vous pouvez très bien arriver jusqu'à un prisonnier à extraire en toute discrétion, avant de vous faire repérer sur une erreur d'inattention et tenter de vous tracer un chemin à coups de shotgun vers l'hélicoptère qui se chargera d’éliminer vos poursuivants. Prévoir, s'adapter, réafir sont les maîtres-mots de l'expérience. Et la maniabilité optimisée de Snake, inaugurée dans Metal Gear Solid 4 puis fignolée dans Ground Zeroes pour les besoins d'un environnement plus ouvert, prend ici une dimension supplémentaire. En parallèle, l'expansion de la Mother Base et le développement de nouvelles technologies étend encore davantage votre éventail de possibilités.
ELLE CONNAIT PAS LA CRISE
Comme dans Peace Walker, vous allez devoir faire pousser votre petite entreprise, à distance la plupart du temps, par l'intermédiaire de l'iDroid. Cherchez pas, Snake était accro aux smartphones bien avant vous. Cela passe avant tout par l'utilisation du fameux ballon Fulton, système d'extraction militaire assez particulier qui vous servira à envoyer vers la base des nouvelles recrues aux capacités uniques mais également, une fois que vous aurez développé la technologie adéquat, des containers de ressources, des véhicules ou même des animaux (une sombre histoire d'ONG, vous découvrirez ça bien assez tôt). A noter que l'utilisation du Fulton a été améliorée : impossible de fultoner quoi que ce soit en intérieur, et la météo ou l'état de santé de la cible feront varier les chances de succès de l'extraction. Le but de tout ce trafic à ciel ouvert est d'agrandir votre base bien entendu, mais surtout de disposer du personnel et du matériel nécessaire au développement de nouvelles armes, d'upgrades, de gadgets. Des items qui seront autant de moyens à votre disposition pour terminer vos missions et en faciliter le déroulement. De plus, vous pourrez rapidement envoyer des équipes de soldats en missions à la manière d'un Assassin's Creed Brotherhood, afin de faire progresser leurs compétences. Mais aussi, et c'est là que cette feature sort du lot, afin de priver les soldats de certaines zones de casques/lampes/fusiles de sniper, ce qui aura un impact sur votre partie. En un mot, addiction. Et ce n'est qu'une partie du contenu colossal que propose le jeu, avec ses 157 Side Ops, sa rejouabilité énorme, ses secrets bien planqués, ses dizaines de cassettes à débloquer. On peut vous promettre qu'en vous y mettant à fond, vous dépasserez les cinquante heures de jeu sans aucun problème. Cependant, nous n'avons pas pu tester les modes en ligne, seulement un avant-goût inclus dans le solo, le mode Forward Operation Base, dans lequel il s'agira vraisemblablement d'attaquer et défendre sa base contre les attaques d'un autre joueur. On attend le lancement du jeu pour vous en reparler.
D-BUDDIES
Mais The Phantom Pain ne se contente pas de transposer des idées à un nouveau level design, il amène aussi son lot de nouveautés, comme le système de compagnons qui peuvent épauler Snake sur le champ de bataille. Le cheval D-Horse, pour couvrir de longues distances et s'échapper en vitesse ; le chien D-Dog, notre préféré, pour repérer grâce à son odorat tout ce qui se trouve aux alentours y compris les ennemis sans avoir à sortir les jumelles et éventuellement faire diversion ; le robot bipède D-Walker pour une approche plus frontale et une mobilité maximale ; et enfin Quiet, le sniper aux capacités hors du commun, pour le repérage et la couverture. La variété des styles devrait contenter tout le monde, et chacun devrait trouver chaussure à son pied, d'autant que eux aussi sont customisables et peuvent être envoyés/échangés à n'importe quel moment en cours de mission. D'autre part, si on a cru pendant un temps que les compagnons étaient une solution facile pour se sortir de toutes les situations, on les a vus tomber trop souvent sous les balles ennemies pour ne pas changer d'avis. Mention spéciale d'ailleurs pour l'IA ennemie qui, à quelques exceptions près (des réactions pas toujours cohérentes, des champs de vision parfois un peu étroits), nous a agréablement surpris par ses capacités d'adaptation et sa réactivité. Le style bourrin n'est non seulement pas récompensé par le jeu, mais il est en plus particulièrement difficile à appliquer partout sans se faire dézinguer.
FROM THE MAN WHO SOLD THE WORLD
Et comme si tout cela ne suffisait pas, The Phantom Pain s’enorgueillit également d'être un des titres les plus cleans techniquement de la nouvelle génération de consoles, et aussi un des plus beaux. Pas d'aliasing, aucune chute de framerate à 60fps/1080p, un clipping ultra-discret : c'est de l'horlogerie suisse. Les animations sont fluides, Snake est d'une souplesse effarante et le manipuler est d'une facilité déconcertante. Seules quelques approximations fâcheuses dans les collisions (un mal très répandu dans les open-world malheureusement) et des ombres capricieuses par moments viennent obscurcir le tableau. Mais quand on voit la qualité de ce qu'est capable de produire le FOX Engine, on se dit que c'est tout pardonné... Je retiendrai une chose : Metal Gear Solid 5 aura été un des premiers jeux à offrir quelque chose de rare dans le jeu vidéo, un regard incarné pour ses personnages (après celui de... The Boss dans Metal Gear Solid 3). Une qualité visuelle qui n'aurait probablement pas tant brillé sans la mise en scène virtuose de Kojima-san, appuyée sur des influences cinématographiques plus évidentes que jamais et en même temps libérée des contraintes matérielles de la caméra. La bande-son, moins présente qu'auparavant, se fait pourtant plus efficace, pour revenir au moment le plus pertinent (cette reprise de "The Man Who Sold The World" de Bowie...), et devient même un petit enjeu de gameplay, avec des cassettes audio à dénicher, chacune comportant un titre pop du début des années 1980.