12 20
- Plutôt beau
- Les musiques
- Gameplay creux
- Histoire et persos sans intérêt
- Linéarité insupportable
Jusqu’à présent, les productions Electronic Arts issues de la trilogie de Peter Jackson avaient au moins un mérite, celui de donner au joueur un spectacle à la hauteur de ses attentes. C’est dire si le niveau d’exigence était haut pour Le Seigneur des Anneaux : Le Tiers Age, le premier jeu de rôle issu de l’œuvre cinématographique. Malheureusement, tel Saroumane du haut de sa tour, la chute n’en fut que plus terrible.
Le point de départ du Tiers Age se situe à l’époque de La communauté de l’anneau et aux prémices donc de l’affrontement épique entre les sbires de Saroumane et les potes de Gandalf. Après une intro en vidéo, nous voilà donc prêt à aller croiser le fer avec de l’orque ou de l’ourouk mais une première déception pointe immédiatement le bout de son nez : on n’incarne pas un héros du livre/film mais Berethor, un obscur garde de la citadelle du Gondor ! Et pourquoi pas le comptable de Hobbitbourg ou l’aubergiste du Poney Fringant… D’emblée, on se contrefiche de ce qui va donc pouvoir arriver à notre héros tout comme à ceux qui vont l’accompagner au fil de ses rencontres : Idrial de la Lothlorien, Elegost des Dunedain (un ersatz d’Aragorn), Hadhod (une caricature de nain), Morwen du Penmark et enfin, Eaoden du Riddermark. Nul besoin de signaler que chacun d’entre eux a ses propres spécificités comme dans tout jeu de rôle qui se respecte. A la manière d’un Final Fantasy VII, par exemple, vous ne contrôlerez, lors de la plupart des combats, que trois de vos personnages à choisir parmi les six disponibles. Tout comme dans FF7, d’ailleurs, une jauge, une fois remplie, vous permettra de déclencher un super coup. Seule différence, cette jauge augmentera en fonction des coups que vous porterez et non de ceux que vous prendrez et ce, de manière groupée et non individuelle comme dans le hit de Square. Tant qu’on est dans l’univers FF, restons-y puisque Le Tiers Age propose également un système de combats aléatoires sur les cartes que vous traversez. Tant qu’à s’inspirer (copier ?), autant le faire à partir des références du genre, me direz-vous. Mouais, vous rétorquerai-je d’une moue désabusée, c’est surtout là que s’arrête la ressemblance avec le mythique Final Fantasy VII. On ferme le ban et on passe à un autre paragraphe.
En effet, tout comme les héros, le gameplay de ce Tiers Age est victime du syndrome Canada Dry, ça ressemble à du FF mais ce n’en est sûrement pas. A vouloir faire un jeu accessible à tous, intention louable s’il en est, Electronic Arts s’est perdu dans l’absence de méandres et d’une linéarité incroyablement lassante. Absolument tout est linéaire dans ce jeu, depuis le cheminement (impossible de se perdre ou de ne pas trouver un lieu de quête) jusqu’à la progression des personnages en passant même par la puissance des objets que vous allez trouver. En effet, dans l’immense majorité des cas, tout ce que vous pourrez ramasser sera systématiquement plus intéressant/puissant que ce que vous avez en votre possession. Comme il n’y a pas de système monétaire et donc d’achats possibles, tout votre parcours est donc guidé au possible. Avoir aussi peu de liberté dans un RPG est intolérable ; on a déjà du mal à le supporter dans un Doom 3 alors imaginez un peu la frustration que cela peut engendrer dans un jeu de rôle se déroulant dans un univers a priori aussi propice aux grandes aventures que celui du Seigneur des anneaux. Votre trajet va donc être une autoroute où vous roulerez sur les traces des membres de la Confrérie de l’Anneau, depuis Eregion jusqu’à Minas Tirith en passant par la Moria et le Gouffre de Helm. On avance, on ouvre des coffres, on combat, on débloque une vidéo du film, histoire de justifier la licence et on continue en évitant de se décrocher la mâchoire à force de bailler. Heureusement, quelques stations services sont là pour faire un semblant de plein d’énergie, ce sont les passages qui nous font croiser la destinée des vrais héros et ennemis. Ces derniers sont bien plus puissants que la moyenne et possède des sorts redoutables. La différence de niveau est alors telle que vos troupes ne serviront que de force d’appoint, l’issue du combat ne dépendant pas vraiment d’elles. On a donc droit à Gandalf contre le Balrog à la sortie des mines de la Moria, un combat contre Langue de Serpent puis aux renforts successifs de Legolas, Gimli, Aragorn lors de la bataille du gouffre de Helm, Faramir dans Osgiliath puis Gandalf et Eowyn à Minas Tirith. Et entre ces combats épiques, beaucoup d’heures d’ennui (une grosse trentaine en tout)…
Le jeu aurait pu s’en tirer à bon compte si les combats avaient recélé des finesses stratégiques. Or, un conseil suffit à triompher de toutes les difficultés, lancez le sort de résurrection automatique (Pouvoir des Valar) d’Idrial sur vos compagnons et ensuite allez-y gaiement sur les adversaires. Le décès éventuel d’un de vos persos sera immédiatement suivi d’une résurrection d’icelui affublé de tous ses points de vie et d’action. Voilà, je viens de vous faire la solution complète du jeu en une ligne ou presque. L’IA des ennemis est mauvaise et rend le jeu très facile dans la majorité des situations. Pour en avoir la certitude, il suffit de parcourir les chapitres du Mode Maléfique que vous débloquerez et de prendre donc le contrôle des troupes de Sauron. On trucide alors très facilement les héros sans pourtant avoir de réels super pouvoirs, la plupart du temps. Pour contrebalancer ce bilan négatif, la réalisation globale du jeu est plutôt bonne avec des graphismes souvent réussis, des effets de sorts parfois sympathiques et des musiques Howard Shoriennes donc réussies. C’est tout ? Oui…
Si les jeux d’action issus de la trilogie de Peter Jackson avaient une qualité avérée, c’était bien celle de nous immerger au cœur d’une véritable épopée avec des tenants et des aboutissants. A contrario, sur ce Tiers Age ne souffle aucun vent épique, même pas une petite brise, tant le jeu manque de charisme. Conçu comme un RPG pour débutants, le Tiers Age pourra pourtant en décourager plus d’un tant la sensation de vivre une histoire en marge de celle avec un grand H n’incite pas à s’entêter sur ce jeu. Alors que la mythologie du Seigneur des Anneaux a donné naissance à des trouzaines de jeux de rôle, cette adaptation du film ne génère finalement qu’un grand sentiment de vide ludique. Un bien beau gâchis…